Publié le 10 Oct 2014 - 14:16
PORTRAIT – ACCUSE A TORT DANS LA PRISE D’OTAGES DU PONANT

Abdulqader veut rentrer en Somalie…

 

Les longues étendues de sable blanc. Les eaux cristallines. Et sa petite barque. Quand Abdulqader évoque son passé de pêcheur de langoustes au large de Garowe (Somalie), son visage s’illumine laissant apparaître un large sourire de dents brunies par le khat. «Il suffisait de se baisser dans l’eau pour trouver les langoustes», raconte-t-il.

 

Cela fait près de sept ans qu’il n’a plus rien pêché. Coincé entre le supermarché de Boissy-Saint-Léger (Val-de-Marne) et la nationale 19, il passe ses journées à errer autour du centre d’accueil de demandeurs d’asile. «Il marche toute la journée. Il parle tout seul, confie une de ses proches. Il donne le sentiment d’être dans une profonde dépression.»

Sa situation, «c’est Kafka»

Arrêté par l’armée française lors de la prise d’otages du voilier Le Ponant en avril 2008, Abdulqader a été ramené de force dans l’Hexagone pour y être jugé. Avec un simple pagne en guise de biens. Mais, après avoir passé quatre années en détention provisoire, il a finalement été acquitté en 2012. «Depuis, c’est Kafka, résume Augustin d’Ollone, son avocat qui continue à l’aider. Sa demande d’asile n’a toujours pas obtenu de réponse, qu’elle soit positive ou négative. Et l’Etat hésite à la renvoyer en Somalie au vu de l’instabilité qui y règne.»

C’est pourtant ce que veut cet homme de 34 ans affaibli par un syndrome psychologique contracté en détention (lire l’encadré). «Je souffre ici, souffle-t-il. Oui, je veux rentrer. Revoir ma mère. Mon enfant aussi. C’est ce pays qui m’a vu naître.»

«Un gros risque de le renvoyer sur place»

Contactée par 20 Minutes, la Direction générale des étrangers en France (DGEF) reconnaît que le dossier d’Abdulqader est aussi compliqué que rarissime. «Comme il est demandeur d’asile, cela rend impossible toute mesure d’éloignement contraint, confie l’un de ses porte-parole. Il pourrait bénéficier de l’aide au retour. Mais, avec la situation qui règne en Somalie, il y a un gros risque de le renvoyer sur place.»

Abdulqader est prêt à tenter le coup. Accompagné de son avocat, il se rendra donc, ce jeudi, dans les bureaux de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) afin de tenter d’obtenir un laissez-passer qui lui permettrait de prendre un vol vers son pays. «Il faut que cela fonctionne, réclame Augustin d’Ollone. Sans ça, il va finir par mourir ici. Lors de son arrestation, on l’a présenté comme un suspect. Mais aujourd’hui, on est en train d’en faire un clochard.»

Les langoustes ont déserté les côtes

Dépressif et totalement perdu, Abdulqader n’a pas su s’adapter à la vie en France dont il ne parle toujours pas la langue. Comment le pourrait-il? «Quand je l’ai retrouvé dans le bureau du juge en 2008, il m’a demandé combien de jours de marche il fallait pour rejoindre son village en Somalie…», se souvient Grégory Saint-Michel, un autre avocat qui s’occupe de lui.

Toujours surpris que les Français «enterrent leurs voitures sous les maisons», Abdulqader n’arrive à joindre au téléphone sa famille somalienne qu’à de trop rares moments. La dernière fois qu’il a eu ses proches, ils lui ont dit que les langoustes avaient déserté les côtes.

20minutes.fr

Syndrome de Ganser

En détention provisoire, Abdulqader a contracté le syndrome de Ganser. Trouble dissociatif du comportement, ce syndrome se caractérise par des mouvements et des actes dépourvus de sens. «A un moment donné, il buvait son shampooing», se souvient l’un de ses avocats. L'Etat lui a accordé un peu plus de 100.000 euros d'indemnités (environ 65 millions de francs Cfa) pour les quatre années passées en prison indûment.

 

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