Publié le 16 Feb 2024 - 12:50
PORTRAIT AYOBA FAYE, COORDONNATEUR DU SITE DE WALFADJRI

De la plume à la touche : Ayoba Faye, un journaliste au sommet de Twitter

 

Ayoba Faye incarne le rôle essentiel du journalisme moderne, utilisant sa plume et les réseaux sociaux pour donner une voix aux sans-voix et pour tenir les puissants responsables de leurs actions. Son dévouement envers son métier et son engagement envers ses lecteurs font de lui une figure influente dans le domaine du journalisme sénégalais.

 

Les journalistes, comme les écrivains, sont les personnages les plus difficiles à cerner dans la vie. Ils vivent à part, selon un code, des rites, des règles. On croit les connaître quand on connaît leur état. Mais les connaît-on vraiment ?

EnQuête a tenté de percer ce mystère à travers ce portait d’Ayoba Faye, l’actuel coordonnateur du site web de Walfadjri. Le pas vif et le regard inquisiteur, il franchit le grand portail en métallique de cette immense bâtisse sise route du Front de terre. Visiblement maculée par les stigmates des dernières manifestations liées au retrait de la licence et du signal de la télévision, elle continue de résister aux assauts des différents régimes. Direction, deuxième étage où se trouve son nouveau bureau.

Ancien journaliste du site Pressafrik où il a passé huit ans, Ayoba demeure nostalgique de cette période. ‘’J’ai d’autres challenges. Je n’ai plus rien à prouver. Nous avons remporté plusieurs prix sur le plan local et continental. Walf est un nouveau défi, j’épouse la ligne éditoriale libre et indépendante’’, confie l’ancien rédacteur en chef du premier journal en ligne du Sénégal.

Au fil des ans, il a gravi les échelons grâce à son engagement et à sa passion pour son métier, devenant un journaliste chevronné et respecté dans le domaine. De nature très dynamique, Ayoba réfute le qualificatif d’homme pressé préférant parler de détermination et de rigueur dans son métier.

Très critique à l’égard de ses confrères, il estime que certains manquent de solidarité corporatiste. Même s’il reconnait que la Coordination des associations de presse du Sénégal (Cap) a joué un grand rôle dans le rétablissement du signal de la télé, sans oublier aussi son soutien indéfectible qu’il l’a apporté lorsqu’il a été victime de menaces et d’insultes.

‘’Les recours d’Amadou Ba sont rejetés, la candidature de Karim Wade jugée IRRECEVABLE’’

Un chapitre de son parcours qu’il considère comme une parenthèse, car il a décidé de surseoir à toutes les procédures judiciaires qu’il avait engagées contre ‘’des calomniateurs et diffamateurs’’. À l’origine, un scoop dont la primeur est contestée : 18 caractères sur Thread (ancien Twitter). ‘’Les recours d’Amadou Ba sont rejetés, la candidature de Karim Wade jugée IRRECEVABLE’’.  L’officialisation de cette information quelques heures plus tard a changé radicalement la trajectoire linéaire du processus électoral au Sénégal. Les conséquences : un report du scrutin dont les effets sont toujours frais dans l’imaginaire collectif.

Comme l’info, Ayoba veut aller vite et parfois trop vite. Très présent sur ce réseau réputé professionnel et élitiste, l’initiateur de l’hashtag ‘’Porterdisparus’’ est très suivi avec plus de 55 000 abonnés. Entre deux, trois, voire quatre tweets par jour, il n'hésite pas à prendre position sur les sujets relatifs à la politique, à la liberté de presse ou aux libertés individuelles et collectives comme sa plainte contre l’État du Sénégal devant la Cour de justice de la CEDEAO pour les coupures abusives de l’Internet mobile.

Très engagé aussi sur les questions environnementales à Mboro qui l’a vu grandir, il est un maillon essentiel dans la plateforme SOS Mboro où il participe au plaidoyer des communautés locales pour le respect des responsabilités sociétales et environnementales des sociétés exploitant des ressources minières.

‘’Mon secret avec cet outil, c’est ma constance et la crédibilité des informations que je diffuse’’, relève-t-il sous un air décontracté. Une fréquence qui lui vaut parfois des reproches et des mises en garde comme celles de son ex-directeur Ibrahima Lissa Faye qui fait partie des premiers journalistes blogueurs du Sénégal. ‘’Il doit faire attention sur les réseaux sociaux. Ce que les gens te disent en ligne est différent de ce qu’ils pensent réellement. Ce sont des laudateurs. Le retour de flamme peut être compliqué et implacable. Mais je crois en sa bonne foi. C’est un bon journaliste. Il a du talent et de l’avenir’’.

Fana Cissé, une de ses ex-collègues n’a pas aussi tari d’éloges à son égard. ‘’Il m’a accueilli à mes débuts en 2018 et a grandement participé à ma formation professionnelle’’.

C’est avec Lissa Faye que le déclic est venu. ‘’Il a intégré la rédaction en 2016. On s’est connu sur Facebook et j’appréciais vraiment ses publications. C’était un blogueur libre d’esprit. En un temps record, il est devenu le rédacteur en chef. Il avait ce flair journalistique, prompt à aller sur le terrain et avait une forte envie. Sa nomination l’avait surpris et je ne l’ai pas regretté’’.

Au-delà des relations professionnelles, les deux hommes partagent des liens fraternels. ‘’Sans l’aval de Lissa, je n’aurais pas rejoint Walf’’, souffle-t-il. Le plus important pour cet ancien pensionnaire de l’Institut supérieur des sciences de l'information et de la communication (Issic), c’est de pouvoir s’épanouir intellectuellement.

Quant au possible changement de ligne éditoriale agité par des internautes qui pensent que le directeur général Cheikh Niasse a été très complaisant avec le président de la République qu’il menaçait de destituer 48 heures avant de le rencontrer, Ayoba le dédouane sans ambages.

‘’Il y a un temps pour la radicalité et un temps pour l’apaisement. Il a réagi en tant que chef d’entreprise. Il a derrière lui plus de 200 agents. Il est obligé de baisser la tension. Toutefois, je ne pense pas que son attitude puisse influer sur les convictions de Walf.  La particularité de cet organe dépasse la personne de Cheikh Niasse ; c’est un culte qui a été instauré par feu Sidy Lamine Niasse’’.

Amadou Camara GUEYE

 
Section: