Publié le 9 Mar 2019 - 00:53
PORTRAIT D’UNE FEMME DE CŒUR

Bigué Ndao, ‘’Maman noël’’ ou ‘’Yayou Talibé’’

 

A Mbour Tefess, tout le monde la connaît. Sa maison est le ‘’Grand place’’ des talibés, mais également leur ‘’havre de paix’’. Bigué Ndao accueille ces enfants inscrits dans des ‘’daaras’’ et qui ont souvent des problèmes. Elle leur donne gracieusement gîte et couvert. Elle lutte contre les viols commis sur eux. EnQuête vous fait découvrir cette dame au grand cœur.

 

Son amour pour les plus petits lui aura tout valu. Elle a été une fois battue, malmenée, accusée à tort d’être une voleuse d’enfants, à cause de la psychose qui s’est installée, à la suite des nombreux cas de vol d’enfants. On l’a une fois prise pour l’un de ces malfaiteurs. Pourtant, elle ne voulait que rendre service. Ayant rencontré une fillette égarée, elle a voulu la ramener chez elle. Mal lui en a pris. Elle a dû faire face à l’ire de tout un quartier qui ne se rendra compte de son absurdité qu’après coups. Mais cela ne l’a pas découragée. Bigué Ndao est prête à aider tout enfant égaré. Elle est, à Mbour, affectueusement appelée ‘’Yayou Talibé’’.

A 57 ans, elle ne vit que pour de meilleures conditions de vie des talibés. Elle n’en pas les moyens, mais s’active avec ce dont elle dispose. Maman d’une fille et de trois garçons, Bigué a surpris ce beau monde. Ses enfants est son mari ne la prenait pas au sérieux, au début. Ils pensaient peut-être que c’était une ‘’crise d’affection’’ passagère. Au bout du compte, ils se sont rendu compte du contraire et la soutienne aujourd’hui. ‘’ C’est juste de l’amour que je ressens pour ces enfants’’, dit cette dame qui, après son échec au Bepc, a fait une formation en couture, vers les années 1980. Son histoire avec les talibés, qui lui vaut son surnom ‘’Yayou talibé’’, a commencé en 2001.

Lors d’un arbre de noël organisé par des agents du commissariat de Police de Mbour, il y avait des enfants, avec leurs pots et leurs haillons qui étaient là et suivaient le spectacle. ‘’Ce jour-là, des talibés étaient assis de côté, isolés. Ils regardaient avec des yeux pleins de tristesse les enfants, qui avaient leur âge, et gâtés par leurs parents. Je suis allée acheter un paquet de biscuit. J’en ai donné à chacun. Et, je suis restée des heures à discuter avec eux. On a parlé et ri. Depuis ce jour, je m’occupe d’eux‘’, raconte-t-elle. Elle s’est transformée en ‘’maman noël’’ pour eux et leurs semblables. D’ailleurs, ensemble, ils fêtent noël avant quiconque. C’est à chaque mois de novembre qu’elle organise une fête en l’honneur de ces enfants et leur donne des cadeaux.

Partenaire de la Police, spécialiste en fugue

Elle ne s’en tient pas à cela. Aider les talibés est devenu son train-train quotidien. Elle accueille ceux qui ont fugué, les lave, les soigne, les nourrit et leur donne un toit, le temps qu’elle arrange les choses avec leurs marabouts. Aujourd’hui, la police a fait d’elle un partenaire. Devant certains cas de fugue signalés, on fait appel à elle. ‘’Le commissaire de police m’a donné le sobriquet de ‘ Yayou Talibé’. Depuis, on m’appelle ainsi’’.

Si l’institution travaille avec elle, c’est parce qu’elle n’est plus dans l’informel. Cinq à six ans après qu’elle ait commencé à aider les enfants en général, l’ancien préfet de Mbour, Sidy Gabriel Diouf, qui a eu écho des actions de Yayou Talibé l’a invitée dans son bureau. ‘’Il m’a demandé, si j’avais un récépissé pour mener mes activités. Je lui ai dit que non. Il m’a alors remis de l’argent et m’a demandé d’aller à Thiès pour chercher les papiers qu’il faut afin de régulariser mes activités. Quand, on m’a demandé le nom de l'association, j’ai dit ‘’Havre de Paix‘’, informe-t-elle. ‘’Je veux que toute personne qui entre dans ma maison y trouve la paix qu’elle cherche’’, sourit-elle.

Aujourd’hui, ceux qui ramassent des enfants les lui amènent. ‘’La police m’appelle, quand on ramasse des talibés qui viennent d’ailleurs. Dans mon quartier, quand je suis absente de la maison et que des talibés y sont amenés, les jeunes se mobilisent. Ils les prennent en charge, le temps que je rentre‘’, dit-elle satisfaite. Elle poursuit : ‘’Dans mon quartier, on m’aide beaucoup. Quand, les gens voient un talibé en fugue, ils font tout pour le ramener chez moi. Puis, ils se mobilisent, les uns offrent des habits, les autres de la nourriture. Je n’ai pas les moyens de mes ambitions. Mais, je fais tout pour aider un talibé, une famille démunie, ou même les prisonniers‘’, soutient Bigué Ndao.  Ses journées, elle les passe la plupart du temps à chercher des solutions pour régler les problèmes des autres.

En croisade contre les viols commis sur des enfants

En plus d’être ‘’Yayou Talibé’’ et ‘’Mère Noël’’ pour ces enfants, elle combat les viols commis sur les enfants. D’ailleurs, au mois de février dernier, elle a permis à la police de mettre la main sur un père de famille incestueux. ‘’La petite fille avait l’habitude d’insulter son beau-père, chaque matin. Et dans le voisinage, on disait qu’elle était impolie. J’ai voulu en savoir plus. J’ai alors saisi une personne qui pouvait m’aider à connaitre ce qui se cachait derrière ces mots amers et insolents que la décence ne me permet même pas de répéter. La maman de la fille est muette‘’, raconte-t-elle. ‘’Je me disais que cette fille âgée de 14 ans est soit maltraitée, soit elle ne mange pas à sa faim. Mais, quand j’ai discuté avec elle, il s’agissait de tout autre chose. Je l’ai emmenée chez la gynécologue de l’hôpital de Mbour, qui a constaté une grossesse de cinq mois‘’, explique Bigué Ndao.

Quand l’histoire s’est ébruitée, le père de famille s’est enfui et a abandonné sa famille. Bigué Ndao a mené ses propres investigations jusqu’à trouver où le père incestueux s’était retranché. Elle l’a livré à la police. ‘’Je n’aime pas trop m’engager dans une affaire. Parce que, quand je m’engage, je vais jusqu’au bout. Je l’ai suivi pendant deux jours et j’ai finalement su où il se cachait. Actuellement, il est entre les mains de la justice. La fille a eu son bébé, un garçon. Il n’a toujours pas été baptisé‘’, dit-elle. Des anecdotes de ce genre Bigué Ndao en a à foison.

KHADY NDOYE

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