Publié le 5 Jun 2012 - 16:59
PORTRAIT

La photo officielle de François Hollande divise la presse française 

 

 

La photographie officielle du nouveau président français a été dévoilée lundi. Ce mardi, les commentaires vont bon train dans la presse, très divisée sur le cliché réalisé par Raymond Depardon. Petit tour d’horizon.

 

Une photo "normale" pour un président "normal". C’est, en substance, ce qui ressort des analyses de la photographie officielle du président François Hollande, livrées à la presse ce mardi. Un cliché carré, pris dans les jardins de l’Élysée, où le président français apparaît, les bras le long du corps, un léger sourire sur le visage. "Un brin champêtre", résume une journaliste du site Rue 89. On aime ou on n’aime pas. Dans la presse, les avis divergent. Aux deux extrêmes du spectre d’appréciation : l’Express, pour qui il s’agit du "Lapsus photographique d’un ratage annoncé", et le Nouvel Observateur, qui estime qu’il s’agit d’une "incontestable réussite".

 

Pour André Gunthert, enseignant-chercheur en histoire visuelle à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), cité par le quotidien Le Monde, "c’est clairement un clin d’œil à la photographie amateur, notamment au niveau du format carré". "On dirait un polaroïd ou une photo Instagram. On est loin des codes de la photo institutionnelle", poursuit-il. Sous la Ve République, tous les présidents ont cherché à être en opposition avec leurs prédécesseurs, assure le spécialiste. C’est clairement chose faite pour Hollande, qui s’affiche loin des dorures et des fastes du palais de l’Élysée, contrairement à son prédécesseur, Nicolas Sarkozy, "celui pour lequel la photo a le moins bien marché", selon André Gunthert. Ce dernier trônait, rigide, dans la bibliothèque de la présidence, aux côtés d’immenses drapeaux français et européen.

 

"Dé-blingblingiser le pouvoir"

  Pour Bruno Roger-Petit, chroniqueur politique au Nouvel Observateur, François Hollande réussit ainsi à faire valoir sa volonté de ""dé-blingblingiser" [le pouvoir] après cinq ans de sarkozysme hyper-présidentiel". Le journaliste pousse loin l’analyse. Là où certains jugent le président benêt, Bruno Roger-Petit voit, lui, un homme en mouvement : "L'homme qui pose vient donc d'achever une étape, celle qui nous mène à cette photographie. Il s'est arrêté le temps du cliché, mais tout indique qu'il va reprendre son chemin par la suite, car on ne reste pas figé dans un cadre de promenade, par définition, surtout avec le palais du pouvoir en arrière plan". Pourquoi pas.

 

Le photographe Roberto Frankenberg, cité dans Libération, est moins enthousiaste. Il estime cependant que la photo de Raymond Depardon est "presque réussie car [Hollande] a l’air presque spontané". Mais - c’est là que le bât blesse - le cadre de la photo, trop classique, "fait penser à une photo de mariage : il manque juste la mariée à ses côtés". "Pour avoir photographié François Hollande à trois reprises, je sais qu’il ne n’agit pas d’un sujet trop facile, excuse le photographe. Dans le cadre du portrait posé, il adopte systématiquement une posture corporelle trop solennelle et lance à l’objectif un regard figé." Une attitude que Bruno Charoy, photographe lui aussi interrogé par Libération, résume en ces mots presque cruels : "On croirait le nouveau président de la République posé un peu par erreur sur la pelouse, comme s’il arrivait à la réception annuelle de Relais & Châteaux, et ne savait pas trop à qui dire bonjour".

 

Cette attitude un peu maladroite de François Hollande fait mouche dans la quasi-totalité de la presse. Notamment à l’Express : "Les bras ballants flottent à quelques centimètres du tronc, et [donnent] une impression de membres trop courts (détail étrange chez un président)", estime l’hebdomadaire. Pour le portraitiste Samuel Kirszenbaum, interrogé par Libération, "Hollande ne sait pas quoi faire de ses mains". "Souvent, dans le portrait, on considère que deux parties du corps veulent tout dire : les yeux et les mains, explique-t-il. Ici, les yeux ne regardent pas franchement le photographe, on a donc le droit à un regard un peu off, hors-champs. Les mains sont là, maladroites, comme celles d’un petit garçon qui n’est pas à sa place".

 

"Les mains de la terre"

 

"Ce sont les mains de la terre, estime pour sa part Mariette Darrigrand, sémiologue, interrogée par Le Parisien. Les mains du paysan, celles qu’a tant filmées Depardon dans ses films comme 'La Vie moderne'. Il attaque sa présidence à mains nues. C’est une forme d’héroïsme contemporain. Cette photo nous raconte l’histoire d’un homme." Une analyse que partage finalement Bruno Charoy dans Libération, qui, malgré ses propos un peu durs, trouve le résultat réussi : "À l'arrivée, je trouve ça plutôt marrant comme image. Elle détrônera facilement dans nos mairies les portraits ultramonarchiques de ses prédécesseurs". Grâce à ses bras ballants ?

 

Pour Slate enfin, impossible de faire de la photo officielle du président une pièce d’art. Et celle de François Hollande ne diverge en rien des autres. "Les photographies officielles de nos présidents, estime le site, s’inscrivent dans une problématique qui laisse peu de place à la créativité et qui relèverait plutôt d’un jeu des ressemblances et des différences avec le célèbre portrait […] de Louis XVI par Hyacinthe Rigaud". 

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