Publié le 7 May 2012 - 09:11
POST-POINT

Voyou tragique

 

Du travail, il va falloir que Nicolas Sarkozy aille en chercher un vrai. Maintenant. Peut-être pas à Pôle Emploi, car l’homme, qui ne manque pas d’air, est trop orgueilleux pour faire comme ces centaines de milliers de Français bénéficiaires de minimaux sociaux et contraints par la loi de démontrer qu’ils se bougent pour trouver un job. Non, s’il conserve le réseau d’amitiés imbriquées qu’il s’est tué à enrichir par divers moyens au cours de son quinquennat, NS ne sera pas un indigent. Retour d’ascenseur oblige. Au pire, il sera un chômeur de luxe à qui un dîner d’adieu au Fouquet’s ne ferait pas de mal. Ni une virée en haute mer avec Carla sur le Paloma du pote Bolloré. Ni même un dernier raout au Bristol avec le Premier cercle pour un fundraising (tant pis pour l’UMP !) dont le produit financerait une autre Rolex qu’il pourrait cette fois trimbaler sans médisances. Ni encore et enfin des vacances d’été à Wolfeboro sur la côte est américaine…

 

 

Artiste de la mauvaise foi

 

Nicolas Sarkozy, ci-devant président de la République française, a incontestablement du talent politique, très au-delà de l’ordinaire même. Mais l’histoire lui a démontré que cela ne suffit pas toujours à conserver durablement le pouvoir. Élu sur les thèmes-pièges du pouvoir d’achat et de la sécurité, de l’éthique et de la transparence, de la justice et de l’équité, il a fait la démonstration de ses capacités inépuisables à faire de l’Amalgame une idéologie de rente politique et de diversion. C’est, comme disait Franz-Olivier Giesbert, «un nouveau politique (qui) fait son marché dans la grande surface des idées et (qui) n’achète jamais deux fois la même idée».

 

Artiste de la mauvaise foi (la levée de fonds au Bristol que Hollande lui a jetée à la figure, la France entière le savait), énergique dans la caricature de toute vérité qui le dérange («J’écoute mais je tiens pas compte»), Sarkozy aura du mal à se faire égaler sur le registre du mensonge, de la brutalité, de la transgression. Lors du débat du 2 mai, François Hollande a bien tué le mythe du débatteur inexpugnable qui pulvérise ses adversaires à coup d’analogies, de sophismes, d’intimidations. Mais bien avant lui en 2004, c’est Tariq Ramadan, intellectuel suisse anticonformiste, qui fouettait l’attention de l’opinion française sur les ressorts du Sarkozysme gouvernant. NS est un homme sans foi ni loi, mais c’était peine perdue que de le dire car les cercles médiatico-intellectuels et le personnel politique, dans leur grande majorité, ont préféré établir un cordon sanitaire et idéologique hypocrite autour de l’islam, des immigrés, des frontières… En fin de compte, c’est le sabre de J.-F. Kahn qui aura réussi le mieux à faire la synthèse des pièces détachées qui font la totalité de Sarkozy. «Voyou». Le remarquable décryptage (numéro du 7 août 2010) que le fondateur de Marianne lui a consacré après son discours de Grenoble (30 juillet 2010) a mis en relief la vraie identité politique de cet homme : Vichyste. Au moins en paroles.

 

 

''L'enfant-roi'' et les juges

 

Après Grenoble, toute surprise dans le discours devenait normalement interdite. Déjà en campagne électorale, et le Centre étant en déliquescence avec ses généraux en déshérence (Bayrou, Borloo, Morin), Nicolas Sarkozy savait à ce moment-là que sa réélection dépendrait de l’attachement sentimental qu’il pouvait manifester à l’endroit des électeurs du Front national, ces «Français qui souffrent». Patrick Buisson et Guillaume Peltier, ses deux gourous immanents ressuscités de l’extrême-droite historique, le lui avaient d’ailleurs certifié. Mais le fond de la chose qui expliquait la descente en enfer de Sarkozy, c’est qu’il avait fini de perdre sa crédibilité. La puissante mécanique organisationnelle et théorique qui avait eu raison de toute la droite et de toutes ses ressources disponibles était en affaissement irréversible.

 

Sarkozy opposant ? Il a décidé, un peu trop tard, de prendre de la hauteur. Il est vrai que lorsqu'on a été «le taulier du monde», il serait dur de redevenir simple député même s’il n’a pas toujours été un modèle d’assiduité au Palais Bourbon. Alors, dans sa bonne vieille planque des Hauts-de-Seine, là où il avait trouvé refuge pendant la traversée du désert imposée par la défaite de Balladur face à Chirac en 1995, le «président des riches» aura le temps, enfin, d’être immobile. Mais pas trop !

 

Désormais dépourvu de toute immunité, citoyen ordinaire, Nicolas Sarkozy risque de devoir affronter une vie post-présidentielle pourrie par les affaires. Entre le présumé financement de sa campagne électorale de 2007 par son ex-défunt ami Kadhafi, la bombe Bettencourt, les rétro-commissions supposées reçues dans le cadre de l’affaire Karachi, l'ex-président ne serait pas loin du trou. Et si ses amis Éric Woerth, Philippe de Maistre et Thierry Gaubert craquent enfin face aux juges, les portes de la Prison de la Santé à Paris pourraient accueillir un pensionnaire de luxe.

 

Aujourd'hui, il n'est plus certain que ses juges préférés dont Jean-Claude Marin et Philippe Courroye sachent maintenir plus longtemps l'opaque fumée qui a empêché de manière systématique que «l'enfant-roi» soit éclaboussé. Il y a bien une vie après tout pouvoir. Mais quelle vie !

 

MOMAR DIENG

 

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