Publié le 21 Mar 2012 - 11:07
POST-POINT

Wade jette enfin le masque !

 

C’est sans doute un pari qu’il s’est fait à lui-même contre la tranquillité de tous. Le président de la République a décidé d’éreinter tout le monde jusqu’au bout du suspense électoral. Si l’on en croit une bribe d’une interview accordée à la chaîne Africa7, rapportée par le site Dakaractu.com, le candidat sortant a déjà résumé l’issue du scrutin de dimanche. ''Il n’y a qu’une seule hypothèse : je gagne. Il n’y en a pas deux. Celle de ma défaite est une hypothèse absurde. C’est comme si je disais que le ciel va nous tomber sur la tête dans une minute. C’est absurde parce que le ciel ne va pas nous tomber sur la tête.'' Ces mots font froid dans le dos. Ils rappellent tragiquement l’absolue illusion d’une fusion identitaire et charnelle qu’un certain Laurent Gbagbo crut réaliser avec la variable victoire en décrétant avant le verdict des urnes ivoiriennes : ''je gagne ou je gagne.'' On connaît la suite.

 

 

Mais en même temps, ces propos du président Abdoulaye Wade témoignent de l’angoisse existentielle qui habite un homme pourtant censé incarner l’unité et la stabilité nationales à quelques jours de l’acte souverain d’un peuple appelé à se choisir un chef de l’État. Ils ne sont pas rassurants parce qu’ils sont susceptibles d’ores et déjà de rendre compte de la posture envisagée par Me Wade en cas de défaite, dimanche prochain. Babacar Justin Ndiaye a eu bien raison de rappeler le week-end dernier sur Walf-Tv que Laurent Gbagbo qui ne voulait pas ''bouger'' après le verdict des urnes - c’est-à-dire reconnaître sa défaite - a dû ''être bougé'' par la force. Notre président semble s’inscrire dans cette même dynamique de refuser la réalité du vote.

 

C’est donc un signal négatif que le président-candidat donne à l’opinion nationale et internationale. Mais est-ce une surprise ? Peut-être pas. Avant-hier seulement, Me Wade prenait l’engagement de ne pas ''faire moins que Diouf'' en tout : réalisations économiques, progrès sociaux, avancées démocratiques, notamment. Aujourd’hui, c’est une guerre qu’il projette de mener contre la souveraineté populaire des Sénégalais. Dans ce cadre-là, n’ont pas tort ceux qui l’accusent de vouloir confisquer l’expression des suffrages au soir du 25 mars.

 

En fin de compte, la sortie du chef de l’État renvoie au désespoir d’un joueur de poker condamné à assister, impuissant, au transfert de sa mise sur le compte bancaire de son adversaire. En suggérant qu’il ne peut être battu dans aucun cas de figure, Wade pose deux actes : il décourage bizarrement ceux des abstentionnistes du premier tour de scrutin qu’il dit vouloir mobiliser pour passer la barre des 50% de suffrages au second tour ; et de manière subliminale, il demande à ses partisans de s’opposer à toute proclamation de victoire qui ferait de Macky Sall, le quatrième président de la République. C’est un appel au désordre.

 

Au fond, et ce n'est qu’une confirmation de plus, c’est toute la nature d’un homme qui ressort à travers cette dérive verbale. Suffisance, orgueil, mais surtout irrespect à l’endroit de ces centaines de milliers de Sénégalais qui ont leurs cartes d’électeurs et qui vont voter le 25 mars. Abdoulaye Wade dénie à ceux-là, y compris les militants et sympathisants du Pds et de la mouvance présidentielle, toute capacité de reprendre la souveraineté du peuple après qu’il eut été installé au pouvoir, par deux fois. Mais encore une fois, point de surprise : il aura passé la campagne électorale du second tour à mendier des consignes de vote partout au Sénégal. Pour la symbolique, il n’aurait rien perdu en allant faire du footing autour de La Kaaba des Lieux-Saints de l’Islam. Mais un problème se poserait : là-bas, pas d’idoles.

 

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