Publié le 16 Aug 2019 - 19:01
POUR AVOIR FAIT ARRETER UN PHARMACIEN

Le commissaire Sankharé suspendu de ses fonctions 

 

Le Commissaire Bara Sankharé de Police des Parcelles Assainies a été suspendu de toutes ses fonctions, à titre conservatoire, pour avoir fait appel à ses éléments qui ont brutalisé un pharmacien de garde qui refusait de lui vendre un médicament sans ordonnance. L’affaire a pris des proportions énormes.

 

Le Dr Cheikhouna Gaye se remet de ses émotions. Par contre, pour le commissaire de police des Parcelles assainies, les ennuis ne font que commencer, si on en croit le communiqué de la police nationale qui annonce des sanctions. ‘’D'ores et déjà, la Police nationale tient à informer que l’Autorité a pris toutes les mesures disciplinaires attendues dans de pareilles circonstances malheureuses.

De même, elle tient à préciser qu'elle ne ménagera aucun effort pour prévenir de pareils incidents dans la manière de servir de ses différentes unités’’. En effet, les choses ne s’annoncent pas bonnes pour le commissaire Bara Sankharé qui, pourtant, est présenté comme un jeune officier compétent, courtois et avenant. Selon nos sources, il a été déchargé de toutes ses fonctions et suspendu à titre provisoire jusqu’à la fin de l’enquête qui a été ouverte. Ce sont les conclusions de cette dernière qui détermineront le sort qui lui sera réservé. A signaler que le Dr Gaye a été auditionné sur procès-verbal.

En effet, de quoi s’agit-il ? Le Dr Cheikhouna Gaye, de la pharmacie Serigne Mouhamadou Fadilou Mbacké située dans la commune de la Patte D’Oie, explique qu’il était de garde, avant-hier nuit, lorsqu’une personne est venue acheter un médicament, le Tétavax, qui n’est vendu que sur ordonnance. Il l’a dit à son interlocuteur qui a suggéré de se faire envoyer par WhatsApp une photo de l’ordonnance. L’individu est sorti pour revenir sans l’ordonnance. Devant son refus, il s’est énervé. Il raconte : ‘’Il a commencé à crier sur moi et à me traiter de tous le noms d’oiseau. Il m’a traité d’impoli, d’idiot. Moi aussi j’ai riposté. Il a haussé le ton et m’a menacé. Il m’a dit que j’allais regretter mon acte. Je lui ai dit que je n’ai pas peur de ses menaces. Il est ressorti pour appeler au commissariat des Parcelles Assainies (PA). Quelques minutes après, un véhicule de la police s’est garé avec à bord 5 agents. Ils sont entrés dans la pharmacie pour me brutaliser, me menotter et me faire sortir par la force. Des vitres de la porte ont été cassées’’.

Dr Gaye ajoute que, pour calmer le jeu, au cours de la dispute, il a même présenté ses excuses, mais l’homme de loi a continué à hurler. Dans la vidéo de la scène, on voit le commissaire en tenue civile. Toutefois, le pharmacien renseigne qu’il ne s’est rien passé au commissariat. ‘’Notre responsable est venu à la police. Je lui ai répété les faits. J’ai été brutalisé. Pour la suite à prendre dans cette affaire, nous sommes dans une organisation structurée, ils vont nous dire ce qu’il y a lieu de faire’’, termine-t-il.

Dr Mame Mbacké Ndiaye Sène : ‘’Nous allons faire un sit-in de 3 jours’’

A la suite du Dr Gaye, sa collègue Dr Mame Mbacké Ndiaye Sène a lancé un vrai cri du cœur, demandant la protection des pharmaciens qui sont des agents assermentés. En tant qu’agent de santé publique qui respecte les règlements qui régit leur métier, elle se désole de la tournure des évènements. ‘’Dr Gaye a agi en tant que pharmacien responsable, car beaucoup allaient encaisser l’argent, sans se soucier des règles. Mais, chez nous, on se conforme à la législation. On ne se focalise pas sur le statut du patient, mais des ordres qui régissent notre métier. Pour avoir refusé de vendre un médicament sans ordonnance, on amène toute une police qui est censée veiller à la sécurité des gens, qui vient nous imposer sa force et faire des casses. C’est trop. Cinq policiers pour une seule personne, c’est trop, surtout pour un agent assermenté. Pourquoi, on l’a menotté ? Il n’est pas ni un voleur encore moins un délinquant. Il faut qu’on nous dise dans quel pays sommes-nous’’.

Sur ce, elle sonne la mobilisation. ‘’Nous les pharmaciens, on va se mobiliser pour nous faire respecter. Il faut qu’on nous rende ce qui nous revient de droit’’, tempête Dr Ndiaye. Qui demande aux forces de l’ordre de s’occuper plutôt des gens qui vendent les médicaments dans la rue et des agresseurs. ‘’Dr Gaye est un agent exemplaire. Personne n’a le droit d’agir de la sorte. En plus, le commissaire n’a pas nié les faits. Les violences verbales ne doivent pas venir d’un responsable. Nous interpellons le Président de la république, les ministres de la Santé et de l’Intérieur. On ne peut travailler toute la journée pour la santé de la population et se faire agresser. Trop c’est trop. Ceux qui doivent nous couvrir nous agressent, c’est aberrant. Nous allons faire un sit-in de 3 jours pour montrer notre courroux’’, annonce-t-elle.

La police calme le jeu

Vu la tournure des événements, la police nationale n’a pas tardé à réagir, pour calmer le jeu. Dans un communiqué parvenu à EnQuête, elle se désole d’un ‘’malheureux incident entre un fonctionnaire de Police en service au Commissariat des Parcelles Assainies, et un docteur de la pharmacie Fadhilou Mbacké sise à la Patte d’Oie’’ dont la vidéo circule à travers les réseaux sociaux et les sites d’information en ligne. Indépendamment des sanctions citées plus haut, elle ‘’appelle toutes les parties à la retenue et à la sérénité, et les invite à prendre conscience du partenariat solide qui existe entre elle et les pharmaciens dans la prise en charge des défis communs auxquels ils font face’’.

Pour matérialiser cet appel au calme, la direction nationale de police, dit-on, a pris langue avec l’ordre national des pharmaciens.

------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

ABDOULAYE DIOUF SARR, MINISTRE DE LA SANTÉ ET DE L'ACTION SOCIALE 

‘’Ce qui s'est passé est inadmissible’’

Le ministre de la Santé et de l’Action sociale s’est rendu, hier, à la pharmacie Serigne Mouhamadou Fadilou Mbacké.
"Je suis venu naturellement pour compatir, parce que je suis leur ministre de tutelle. Un membre de ma famille a été affecté, dans ce cadre. Mon rôle, en tant que ministre du secteur, est de venir m'enquérir de la situation, mais aussi de marquer ma solidarité et mon soutien à un membre de ma famille qui a été affecté. C'est tout à fait naturel que cela soit ainsi, parce que l'Etat a confié la mission de distribution du médicament aux pharmaciens qui en assurent le monopole’’.

Abdoulaye Diouf Sarr d’ajouter : ‘’Si dans l'exercice de cette mission, il y a des difficultés, mon rôle est de venir voir ce qui s'est passé, les encourager et les soutenir. Ce qui s'est passé est inadmissible. Je ne peux pas commenter outre mesure, mais tous les Sénégalais ont été choqués comme moi. J'ai fait un entretien avec un membre de ma famille dans le secret d'un bureau en toute responsabilité. Je ne veux pas aborder des questions qui ne méritent pas d'être abordées dans la rue. Je ne suis pas venu pour me prononcer sur autre chose qui devrait être faite dans un autre lieu et à un moment opportun".

INCIDENT A LA PHARMACIE FALLILOU MBACKE DE PATTE D’OIE

Les jeunes pharmaciens dénoncent une humiliation pour la profession

Depuis hier, la vidéo de l’arrestation musclée du pharmacien Cheikhouna Gaye défraie la chronique sur la toile, avec les réactions d’indignation de la population. L’union des jeunes pharmaciens du Sénégal dénonce cet incident et annonce une marche nationale pour exiger le respect de leur profession.

ABBA BA

L’Union des Jeunes Pharmaciens du Sénégal (UJPS) n’a pas tardé à réagir à l’incident dont leur collègue Cheikhouna Gaye a été victime. En conférence de presse hier, les jeunes pharmaciens ont condamné avec fermeté ce qui s’est passé. D’autant que, ce mercredi vers 22h30, le client, qui a abreuvé leur collègue d’injures et s’avère être le commissaire de police des Parcelles Assainies, était habillé en civil et n’a pas décliné son identité. Pis, il a appelé en renfort des agents également en civil pour malmener et menotter leur collègue, avant de l’acheminer au commissariat, pour ne le libérer que tard dans la nuit.

Les jeunes pharmaciens trouvent cet épisode inacceptable et humiliant à l’égard de leur profession. Considérant qu’en tant que pharmacien, le Dr Cheikhouna Gaye n’a fait que respecter les principes qui régissent son métier, ses collègues ont interpellé les autorités compétentes pour que justice soit rendue et que le Dr Gaye soit lavé de l’affront qu’il a subi. ‘’En tant que pharmacien, nous avons tous prêté serment d’exercer dans l’intérêt de la santé publique notre profession avec conscience et de respecter, non seulement, la législation en vigueur, mais aussi, les règles de la probité et du désintéressement.

De ne jamais oublier notre responsabilité et devoir envers le malade et sa dignité humaine.   D’exiger à ce que les hommes nous accordent de l’estime, si nous sommes fidèles à notre commerce. Et que nous soyons couverts de torts et méprisés par nos confrères, si nous manquons à nos engagements. Tout pharmacien a juré de respecter ce serment. C’est en voulant honorer ce serment, pour garantir la sécurité du patient et de la population, en respectant les règles régissant certains médicaments que le Dr Cheikhouna Gaye a été insulté, malmené et menotté, avant d’être conduit sans aucun respect et sans un mandat au commissariat’’, fulmine Falla Mané, président de l’Union des Jeunes Pharmaciens du Sénégal.

Face à ces faits, l’UJPS exige que justice soit rendue et espère que l’affaire sera portée devant les juridictions compétentes. L’association est même prête à se constituer partie civile pour que la loi soit appliquée dans cette affaire.

Une marche pour dénoncer aussi les affaires Guigon et Touba Belel

Comme tenu de cette affaire et d’autres, les jeunes pharmaciens annoncent une marche nationale pour dénoncer les ‘’injustices’’ dont certains de leurs collègues victimes.  Il s’agit  des pharmaciens licenciés à Guigon,  du  cas de Cheikhouna Gaye ainsi que de l’affaire Touba-Belel. ‘’C’est l’occasion pour nous de dénoncer le licenciement de nos collègues de la pharmacie Guigon, à savoir les Dr Dame Dia et Khadim Thioune.

C’est malheureux, car nous ne voulions pas arriver à une confrontation. Mais, il faut savoir que ce sont des responsables de famille qui ont été licenciés, de manière abusive, sans indemnité de précarité. Le pharmacien titulaire étant aussi un confrère, on a souhaité mener la médiation, avant d’aboutir à la confrontation. De manière responsable, on exige qu’il y ait une audience avec le pharmacien titulaire. On était censé le rencontrer, ce mardi, mais il parait qu’il est encore pris. C’est pourquoi, nous allons organiser une marche populaire pour dénoncer toutes ces injustices’’, indique le Dr Mané.

En outre, les jeunes pharmaciens estiment que ces différentes affaires montrent que leur profession est gravement menacée au Sénégal. Pour preuve, ‘’plusieurs pharmaciens sont au chômage, alors que l’Etat continue de cautionner l’installation des pharmacies non règlementaires, comme c’est le cas à Touba’’. Une situation que les jeunes ne sont pas prêts à accepter. C’est pourquoi, ils ne comprennent pas la décision du président de la République d’accorder une grâce à ‘’un grand bandit, un récidiviste et trafiquant de faux médicaments’’, dans l’affaire Touba Belel. Ainsi, ils vont dénoncer, pour la énième fois, cette décision, lors de leur marche populaire prévue la semaine prochaine.

CHEIKH THIAM

 

Section: