Publié le 26 Sep 2012 - 18:08
POURSUITE CONTRE CERTAINS DIGNITAIRES SÉNÉGALAIS

 Le dossier toujours entre les mains du «petit juge» d’Evry

Le 1er avril 2003, les familles françaises des victimes du Joola représentées par Alain Verschatse, déposent au Parquet d’Evry (France) une plainte contre X sur ''les faits d’homicides involontaires par violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité et de défaut d’assistance à personnes en péril''. A la suite de cette plainte, une information judiciaire fut ouverte.

 

Le juge Jean Wilfried Noël, en charge du dossier, constate, en s’appuyant sur un rapport d’expertise du bateau le Joola, 19 manquements à trois conventions internationales maritimes ratifiées par le France et le Sénégal. Mais le Parquet d’Evry propose que le juge ne délivre pas de mandats d’arrêt, mais ouvre une commission rogatoire internationale au Sénégal pour que les autorités judiciaires sénégalaises mettent en examen les personnes visées pour le compte du juge français. Mais, le Sénégal s'oppose à ce que certaines personnalités dont Mame Madior Boye et Youba Sambou soient entendues dans le cadre de cette commission rogatoire, contraignant le Juge du tribunal de Grande Instance d’Evry (France) Jean Wilfried Noël à lancer des mandats d’arrêt.

 

Neuf mandats d'arrêt internationaux

 

Ainsi, le 12 septembre 2008, il procéda à la délivrance de neuf (09) mandats d’arrêt internationaux contre des dignitaires sénégalais parmi lesquels l’ancienne Premier ministre Mame Madior Boye pour leurs responsabilités présumées dans la catastrophe maritime ; provoquant ainsi la colère et suscitant une très vive réaction des autorités sénégalaises. Par contre, cette démarche fut saluée par les Associations des familles des victimes sénégalaises et françaises. Lesquelles, apportèrent leur «soutien sans réserve» à l’action du juge d’Evry.

 

La suite, on la connaît. La justice sénégalaise s’en prend à Jean Wilfried Noël, «le petit juge» en charge d’instruire le dossier. C’est ainsi que, le 22 septembre 2008, le Doyen des juges d’instruction (Dakar) décerne, à son tour, un mandat d’arrêt international, qui a «entamé son processus d’exécution», avait indiqué un communiqué du Procureur général de Dakar, contre le juge français. Une procédure, dit-on, qui faisait suite à «l’ouverture d’une information judiciaire (à Dakar) pour  forfaiture  et  acte de nature à jeter le discrédit sur les institutions sénégalaises».

 

Au même moment, le Président Wade, en marge de l’Assemblée générale de l’Onu, laissait éclater sa colère sur les ondes de RFI. ''Je connais la tendance des juges français à attaquer de hautes personnalités pour être célèbres. Ces juges qui inculpent des chefs d’Etat à tour de bras, il faudrait que quelque chose les arrête. Il faudrait qu’ils arrêtent cette politisation de la justice''. Une véritable levée de boucliers de la part des autorités sénégalaises qui, pour riposter et contre-attaquer, déposèrent aussi, en invoquant le principe de «réciprocité», une plainte, dans une toute autre affaire, au sujet de l'incendie de Paris-Opéra survenu en 2005. Incendie au cours duquel deux (02) Sénégalais avaient trouvé la mort et quatre (04) autres grièvement blessés. Objectif visé, mettre en cause les responsables politiques français au moment des faits. Parallèlement, les avocats de ces hauts dignitaires sénégalais engagèrent des recours afin de faire annuler les mandats d’arrêt internationaux.

 

Le recul de la France

 

Au même moment en France, le Parquet général faisait appel des mandats d’arrêt contre  Mame Madior Boye et l'ex ministre des Forces Armées Youba Sambou, avec pour argument principal, le fait que ces deux personnalités bénéficiaient d'une immunité liée à leurs fonctions. L'appel eut gain de cause. Car, le 16 juin 2009, la Chambre d’instruction de la Cour d'Appel de Paris, qui a la possibilité d’examiner la régularité des actes de procédures, déclara la nullité de ces deux mandats d’arrêts (Mame Madior et Youba) au motif que ces anciens ministres bénéficiaient d’une immunité qui couvre les actes dans le cadre de leurs fonctions, même après la cessation de celles-ci. Une annulation qualifiée de «victoire pour le Sénégal, pour le peuple et surtout pour le Président Wade» par Madické Niang en charge, à l’époque, du Département de la Justice, dans un entretien accordé à l’Agence  de presse sénégalaise (APS). En revanche, la requête en nullité des mandats d’arrêts internationaux déposée par le collectif des avocats mandatés par Dakar et représentant le gouvernement sénégalais fut déclarée irrecevable par la Chambre d’instruction.

 

Ainsi, si Mame Madior Boye et Youba Sambou pouvaient voyager sans souci, tel ne pouvait pas être le cas pour d'autres autorités. Notamment, l’ex-ministre de l’Équipement et des Transports Youssouph Sakho, l’ancien Chef d’État-major général des Armées, le Général Babacar Gaye, l’ex-Chef d’État-major de la Marine nationale le colonel Ousseynou Combo et quatre  (04) autres dignitaires sénégalais dont Gomis Diédhiou du Ministère de l’Économie maritime qui, passant outre le mandat d’arrêt international, s’était rendu en France au mois d’octobre 2010. Arrêté à l’aéroport de Roissy Charles de Gaule par la police des frontières françaises alors qu’il était en partance pour l’Allemagne, il avait été placé sous contrôle judiciaire. La mesure d’interdiction qui le frappait a finalement été levée, suite à son audition dans le fond, le 02 décembre 2010.

 

Hubert SAGNA

 

 

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