Publié le 5 Aug 2019 - 18:18
PRÉPARATIF TABASKI KOLDA

Quand la spéculation renchérit le mouton 

 

La fête de la Tabaski pointe à l’horizon. Déjà, dans la région de Kolda, le mouton n’est pas à la portée de tous. Les prix varient entre 100 et 450 mille francs Cfa, alors que les intermédiaires ne cessent de spéculer pour tirer une plus grande marge de bénéfice. ‘’EnQuête’’ s’est rendu dans quelques points de vente de la région.

 

A Kolda, le mouton est hors de prix. Alors qu’on s’achemine vers une célébration duale de la Tabaski au Sénégal, dimanche 11 et lundi 12 août prochains, les résidents de la zone du Fouladou ne sont pas forcément aux anges. Les divers points de vente de moutons qui essaiment le long de la route de certaines communes comme Kolda, Diaobé, Saré Yoba Diéga n’attirent plus les acheteurs comme auparavant, du fait que les pères de famille préfèrent attendre les derniers jours ou même le jour J pour tenter de dénicher un mouton. Le but de cette stratégie dilatoire est tout simple : laisser la marchandise entre les mains des vendeurs pour les obliger à tout bazarder avant le jour J.   

Présentement, les prix affichés par ces derniers font grincer les dents des acheteurs. Dans cette région classée parmi les plus pauvres du pays, les tarifs peuvent dépasser l’entendement, aux yeux des autochtones : de 100 à 450 mille francs Cfa. ‘‘Une situation particulière et je puis dire du jamais vu’’, s’indigne le fonctionnaire Mamadou Baldé. Lundi dernier, dans les points de vente que comptent ces communes, un mouton, physiquement dans la moyenne, était cédé à pas moins de 200 mille francs.

‘‘Ici, les bêtes coûtent entre 200 et 400 mille francs Cfa. Et la race ‘‘ndaama’’ (Ndlr : taille courte) coûte 100 mille francs Cfa’’, explique Amadou Tidiane Baldé, Président de la foire du bétail située au quartier Bouna Kane, dans la commune de Kolda. D’après l’éleveur Issa Kandé, au marché hebdomadaire de Saré Yoba Diéga, le prix du mouton varie entre 150 et 350 mille francs.

‘‘Ici, au marché hebdomadaire de Diaobé, c’est le même prix. Parfois, il y a certains moutons au gabarit imposant qui coûtent plus 450 mille francs’’, confie Moussa Diallo, éleveur établi à Diaobé.

Spéculation des intermédiaires

Dans ces points de vente visités, les acheteurs ne s’emballent pas. Ils se donnent une chance et attendent encore quelques jours pour voir dévaluer les prix du marché à leur avantage. De la foire de Kolda au marché de Saré Yoba Diéga et au marché hebdomadaire de Diaobé, en passant par d’autres points de vente de la région, l’appréhension est la même. Une des raisons qui expliquent cette cherté est l’existence d’intermédiaires qui sont chargés de vendre les bêtes à la place du propriétaire. D’après les personnes interrogées, ils proposent une somme hors de portée pour pouvoir bénéficier de la marge financière, si leur coup réussit.

 Par exemple, ils peuvent annoncer 175 à 200 mille F Cfa, là où le propriétaire de la bête n’en veut que 150 mille, nous explique-t-on. ‘’Nous avons peur d’approcher les négociants. Ce ne sont pas les éleveurs qui s’occupent de la vente, ce sont surtout leurs représentants’’, dénonce un chef de famille. Ce qui contribue à mettre hors de portée des portefeuilles moyens le précieux animal.

‘‘De nos jours, les spéculateurs se procurent toutes les bonnes bêtes qui pourraient attirer les acheteurs et faire flamber les prix. Ils encaissent parfois 10 à 15 mille francs par tête’’, souligne un autre habitué des lieux.

Les éleveurs s’en plaignent aussi

De leur côté, les éleveurs sont également desservis par cette spéculation. Cette intermédiation est ressentie comme de la concurrence déloyale. ‘‘Si nous avons tant souffert pour acheter, élever et transporter nos moutons d’une localité à une autre, nous constatons aujourd’hui que ces spéculateurs gagnent plus que nous autres les éleveurs. Ils habitent ici et connaissent mieux la ville. Donc, ils sont les maîtres des lieux», explique un éleveur de Diaobé qui tenait quatre bêtes bien engraissées. Et de poursuivre : ‘‘Les moutons qu’on vend sont parfaits. Alors que la concurrence est déloyale entre les éleveurs et les commerçants.’’

Fête compromise

Résultat des courses : c’est la perplexité chez beaucoup d’acheteurs. La fête s’annonce compromise pour certains.  ‘‘Je ne crois pas que je puisse sacrifier une bête cette année, avec la dégringolade du pouvoir d’achat et l’achat des intrants pour la saison des pluies qui refuse d’arroser la terre, la cherté de la vie et la rentrée scolaire qui pointe  à l'horizon. Il est peut-être plus sage de se contenter de quelques kilos de viande de chez le boucher du coin ou de procéder à un sacrifie collectif’’, nous confie Binta Diédhiou, une mère de famille et lavandière. ‘‘Comment vais-je m’en sortir avec ce rite traditionnel de la religion qui, en plus des obligations quotidiennes, coïncide avec bon nombre d’autres événements qui nécessitent d’énormes dépenses ?’’, s’interroge Moctar Ba, polygame retraité et père de 15 enfants.  

EMMANUEL BOUBA YANGA

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