Publié le 21 Feb 2024 - 10:30
PRÉSIDENTIELLE 2024

Dans le tourbillon du PDS

 

Après avoir manqué l’élection présidentielle de 2019, le Parti démocratique sénégalais (PDS) est hanté par une absence à celle de 2024. Ce qui risquerait de précipiter sa descente aux enfers. Mais pour le moment, les libéraux croient dur comme fer en leurs chances d’une reprise du processus.

 

Une élection pleine de rebondissements. D’abord validée suite au contrôle des parrainages, puis rejetée à la suite du recours de Thierno Alassane Sall, alors que l’espoir revenait avec l’annulation de l’élection suivie d’une modification de la Constitution, la candidature de Karim Wade, leader du Parti démocratique sénégalais (PDS), fait l’objet de tous les fantasmes.

 Pendant que ses partisans continuent de clamer que le fils de l’ancien président du Sénégal sera candidat ‘’par la force’’, ils sont nombreux les observateurs et spécialistes du droit à considérer que ce dernier est définitivement exclu de la course par le Conseil constitutionnel.

La décision rendue, hier, par la haute juridiction est plutôt de nature à conforter cette dernière thèse dont les gens du PDS ne veulent pas entendre parler.

Secrétaire nationale à l’économie numérique, membre du Comité directeur du PDS, Hawa Abdoul Ba ne veut même pas penser à une telle hypothèse. ‘’À notre niveau, nous ne pensons même pas à une telle éventualité qui relève d’une vue de l’esprit. Avec le changement de la date de l’élection, nous sommes obligés de reprendre le processus. De quoi les gens ont-ils peur ?’’, s’étrangle-t-elle de rage. Avant d’ajouter : ‘’Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour que des élections ne se tiennent pas dans ce pays sans Karim Wade. Ce ne serait ni conforme à la Constitution ni à l’éthique.’’

En attendant d’y voir plus clair avec les consultations en cours, l’opinion dominante aujourd’hui semble plutôt rouler en faveur d’un maintien de la liste des 20. Malgré la radicalisation du PDS et de ses alliés. En dehors d’Amadou Ba, Mahammad Boun Abdallah Dionne, Idrissa Seck et Boubacar Camara, tous les autres candidats ont signé une lettre pour exiger l’organisation de l’élection avant le 2 avril et le maintien de la liste validée par le Conseil constitutionnel. Ce qui n’est pas pour arranger le PDS.

Hawa Abdoul Ba : ‘’Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour que l’élection ne se tienne pas sans Karim Wade’’

La question sur toutes les lèvres, c’est quelle sera la position du parti libéral, si jamais l’élection se tient avec la même liste. Il ne faut surtout pas compter sur le PDS pour se prononcer à l’heure actuelle sur une telle question. Une chose est sûre, le dernier candidat auquel ils vont penser, c’est Amadou Ba qu’ils prennent comme responsable de tous leurs maux. Hawa Abdoul Ba : ‘’D’ailleurs, nous, on se demande pourquoi il ne se détermine pas de manière claire. A-t-il peur de ne plus être candidat en raison des accusations graves contre sa personne ? Je pense que par éthique et pour son honneur, il devrait tout faire pour que le processus soit repris, pour laver son honneur’’.

Ainsi, entre Amadou Ba et les libéraux, la rupture semble définitivement consommée. Soutenir le Premier ministre après l'avoir accusé ouvertement d'avoir corrompu des juges pour l’invalidation de la candidature de Karim Wade, cela signifierait que le PDS ne s'est jamais pris au sérieux et qu'il a terni volontairement et gratuitement la réputation des juges cités dans cette affaire. L’hypothèse n’est en tout cas pas sur la table.

Contrairement à Amadou Ba, Boun Dionne, qui a souvent été cité parmi les pions de Macky Sall pour la Présidentielle, s’est lui prononcé sans équivoque. À telle enseigne que certains pensent que si le rapport de force tourne en faveur du maintien de la liste des 20 devenue celle des 19, il pourrait être le réceptacle des voix de certaines franges de Benno qui ont définitivement abandonné leur PM. Le PDS pourrait-il se joindre à BBY autour d’un candidat pour barrer la route à celui qui est considéré comme ex-candidat de Macky Sall ? L’hypothèse semble en tout cas fort probable. D’autant plus que ce dernier est le seul validé par le Conseil constitutionnel qui semble remettre en cause publiquement le processus en cours.

Le PDS seul contre tous les candidats, sauf Boun Dionne et Idrissa Seck

Ancien secrétaire général de Karim Wade dans le gouvernement, Boubacar Camara n’a pas signé la déclaration des 15, mais ne s’est pas déterminé sur la question. Hawa Abdoul : ‘’Nous, on est en train de recenser nos amis. Il est évident que certains que l’on croyait proches nous ont abandonnés. Je me demande comment les gens peuvent accepter que le PDS puisse vivre une deuxième exclusion après 2019 pour des motifs aussi légers pour ne pas dire fallacieux.’’

À l’instar de la piste Amadou Ba, celle menant à Bassirou Diomaye Faye n'est guère plus reluisante pour les libéraux. Ces derniers en veulent à Pastef et ses satellites à cause de leur posture à l’Assemblée nationale contre le projet du PDS et de BBY. Cela est venu détériorer encore plus les relations entre les deux partis les plus importants de l’opposition. Symbole vivant du système, le PDS est idéologiquement très loin de Pastef qui incarne l’antisystème. Malgré la sympathie réciproque entre leurs deux leaders (Ousmane Sonko et Me Abdoulaye Wade), nonobstant la proximité des électorats au niveau de certaines catégories sociales.

Les libéraux avec qui nous avons discuté rangent dans la même catégorie tous les candidats qui auront posé des actes pour s’opposer à la reprise du processus, synonyme de retour de Karim Wade dans le jeu.

En dehors donc de Boun Dionne, Idrissa Seck, par la force des choses, pourrait également être un recours non seulement des partisans de  la majorité hostiles à Amadou Ba, mais aussi de certaines franges du Parti démocratique sénégalais. Comme Boun Dionne, il est resté à l’écart avec beaucoup de prudence, dans les guéguerres politiques actuelles, entre pro et anti-report, entre pro et anti-reprise du processus. Parviendra-t-il, à travers cette posture, à faire oublier ses dernières attaques contre le ‘’Pape du Sopi’’ ? Ce sera son grand défi et le soutien du président Wade pourrait lui être d’un grand apport, s’il parvient à le décrocher, dans le cas où le rapport de force tourne en faveur du maintien de la liste.

Suite à la publication de la liste définitive du Conseil constitutionnel, dans sa première sortie, le candidat Karim Wade disait : ‘’Dans tous les cas, avec force, je participerai d’une manière ou d’une autre au scrutin du 25 février (le report n’était pas encore acté). Je demande à nos militants, nos sympathisants, nos alliés et aux millions de Sénégalais qui me soutiennent de rester mobilisés pour engager à mes côtés le combat contre l’injustice et pour la restauration de l’État de droit.’’

Pour rappel, malgré les nombreux pronostics le donnant pour mort depuis 2012, le parti d’Abdoulaye Wade a toujours su obtenir des scores importants aux différentes élections. Hormis les Législatives de 2012 (taux de participation 36,67 %) où il avait obtenu 298 846 voix, soit 15,23 % des suffrages pour 12 députés à l’Assemblée nationale, le PDS a fait, à toutes les élections, au-delà des 450 000 voix.

Depuis lors, le parti libéral a eu une trajectoire plus ou moins stable, avec parfois des hauts et des bas. Aux élections locales de 2014, ils réussissent à faire bien mieux qu’en 2012, avec 550 000 voix pour 120 collectivités locales. Aux Législatives de 2017, malgré le faible taux de participation dans leur plus grand bastion à cause de la pluie et de la non-production des cartes d’électeur, les libéraux avaient pu obtenir presque le même score avec 552 095 voix, soit 16,68 % avec à la clef 19 sièges à l’Assemblée nationale. Ils rempilaient ainsi comme chef de l’opposition parlementaire.

L’amère expérience du boycott de 2019

Officiellement, le parti de Me Wade se refuse à tout commentaire allant dans le sens du soutien d’un autre candidat. Dans tous les cas, au cas où la liste est maintenue, ils seront obligés d’en soutenir pour ne pas subir le même sort qu’en 2019. Leur ‘’boycott’’ de l’élection avait plutôt contribué à l’émergence de nouvelles forces politiques dont Ousmane Sonko, le renforcement du candidat Idrissa Seck sorti deuxième de l’élection. Malgré ce net recul et cette émergence de nouvelles forces, le parti libéral a su faire aux Locales 455 000 voix. Ce qui a milité en faveur de l’alliance avec Yewwi aux élections suivantes, les Législatives de 2022. Une alliance grâce à laquelle l’ancien parti présidentiel est la troisième force politique au niveau du Parlement, avec environ 23 députés, juste derrière Pastef qui en compte 25. 

Mor AMAR

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