Publié le 5 Apr 2012 - 12:11
PRÊT DE L'AVION PRÉSIDENTIEL À WADE

La première gaffe de Macky ?

 

Entre le 2 et le 3 avril, le Sénégal a vécu des moments historiques qui ont ébloui la communauté internationale au point d’être cité en modèle au moment où, à côté de chez nous, au Mali, c’est une régression démocratique de 20 ans qui est constatée. Mais l’euphorie ne devrait pas empêcher de s’interroger sur deux actes pris par le nouveau maître du Palais ; actes qui sont contradictoires par rapport aux engagements de Macky Sall et surtout par rapport à ce à quoi les Sénégalais, dans leur grande majorité, ont porté leur choix sur lui. Il s’agit de la décision de ‘’prêter’’ l’avion de commandement au président sortant pour une durée d’au moins deux semaines, et de la dissolution de l’Assemblée nationale entraînant de facto le report des élections législatives. Pour ces deux décisions, il est à se demander si ce ne sont pas là les premières maladresses d'un néophyte à la station présidentielle ?

 

En effet, comment comprendre que quelqu’un dont l’un des principaux thèmes de campagne est la réduction du train de vie dispendieux de l’État, puisse autoriser le président sortant à ‘’gaspiller’’ au moins 800 millions de francs Cfa en une courte période en kérosène, taxes aéroportuaires, entretiens et autres frais ? S’il est vrai que Wade avait fait la même ‘’civilité’’ à Abdou Diouf, c’était pour représenter le Sénégal au Sommet Europe-Afrique au Caire. Mais là, Wade effectue un voyage strictement privé et son successeur autorise sur les ressources publiques déjà exsangues. En effet, au moment où l’on attend de ce nouveau pouvoir une rationalisation et une efficience dans l’utilisation de l’argent publique, cet acte de Macky Sall sonne comme du Wade sans Wade. L’on peut dire que 800 millions de francs Cfa ne représentent rien, mais devant 850 000 Sénégalais menacés d’insécurité alimentaire, cela pourrait permettre d’acheter quelques tonnes de céréales pour les soulager. Cela aurait aussi permis à beaucoup de postes et centres de santé d’avoir un minimum de médicaments pour soigner les populations.

 

La seconde maladresse de Macky Sall consiste à théoriser et supprimer l’Assemblée nationale au seul motif qu’il en a les prérogatives constitutionnelles. S’il est vrai que la Constitution permet au président de la République de dissoudre l’Assemblée nationale à tout moment après ses deux premières années d’existence, il est à se demander à quoi bon le faire pour une législature qui prend fin le 30 juin de cette année, même si la légitimité de celle-ci est sujette à discussion. Ce, d’autant plus que le président Macky Sall a été un des farouches opposants à tout report de la présidentielle au motif sacro-saint du ‘’respect du calendrier républicain’’. L’on se rappelle qu’à 24 heures du premier tour de la présidentielle, il a été l’un des opposants à tout report de celle-ci que proposait l’ancien président nigérian Olesegun Obasanjo. Alors pourquoi devrait-on accepter pour les législatives ce qu’on a refusé pour la présidentielle, compte tenu des délais courts qui nous séparent de la date de dépôt des listes pour les élections législatives prévues le 17 juin 2012’’ ? Autrement dit, pourquoi avoir des convictions à géométrie variable au sujet du respect du calendrier républicain ? Si c’est pour des calculs politiciens, le nouveau président pouvait bien épargner cela au peuple.

 

Bachir FOFANA