Publié le 17 Sep 2018 - 16:25
PRESENTATION LIVRE-VISION & DECLARATION CANDIDATURE

Ousmane Sonko réussit un grand oral inédit

 

Le leader du mouvement Pastef les Patriotes, candidat à la présidentielle de 2019, a profité, hier, de la présentation de son livre pour déclarer sa candidature et décliner sa vision pour le Sénégal.

 

Le clou du spectacle. ‘‘Ca kaw, sa kanam et la victoire au soir du 24 février 2019’’. Ousmane Sonko annonce officiellement ce qui n’était point une surprise : sa participation à la prochaine présidentielle. Le rassemblement auquel il avait appelé hier était supposé être la présentation d’un livre, ‘‘Solutions’’. Mais l’auteur, et le nombreux public qui l’a accueilli à la place de la Nation, était déjà dans les habits d’un tribun en campagne électorale. Costume gris, cravate noire, oreillette… le leader du mouvement Pastef les Patriotes a soigné son entrée à 17 h 30 où des acclamations ‘‘Prési ! Prési ! Prési !’’ l’ont accueilli sur l’estrade.

La chaleur accablante n’a pas découragé ses milliers de partisans. Un one-man-show bien scénarisé où trois écrans géants diffusent la couverture grandeur nature de son livre écrit en deux mois. Une originalité politique de présenter un livre-vision et de le soumettre à une critique publique. ‘‘Il ne faut attendre à quelques mois des élections pour se faire confectionner des programmes. Dans les grandes démocraties, les Obama, Macron, Mélenchon, ils écrivent. Je l’ai écrit en deux mois avec ce qui fonde mon engagement politique : la conviction’’, a-t-il lancé devant une foule en liesse.

Le président détricoté

Galvanisé par la mobilisation, le candidat a même revu les objectifs de parrainage à la hausse, les fixant à 1 million de signatures, alors que le parti s’était initialement fixé 200 mille de moins. Sur sa lancée, Sonko n’a pas manqué d’égratigner le ‘’futur président sortant’’, surtout sur les derniers développements de l’actualité politico-judiciaire. Il a ainsi invité les agents des forces de l’ordre à ne pas être partie ‘‘du couvre-feu que prépare Macky Sall qui prévoit de déclarer une victoire à 65 % à 20 h’’, avance-t-il.

Dans ses vœux de campagne anticipés, Ousmane Sonko promet de remédier à l’hypertrophie présidentielle en limitant ses pouvoirs, en responsabilisant davantage les pouvoirs Législatif et Judiciaire. ‘‘Il faut limiter les pouvoirs du président, dans son l’intérêt. Wade, quoi qu’on dise, c’est un brillant intello, mais Macky n’a pas la même carrure. Ce qui peut le sauver, ce sont des contre-pouvoirs solides. C’est pour cela qu’on propose de réduire les pouvoirs du président et renforcer les contre-pouvoirs. Que l’Assemblée joue son rôle de contrôle de l’action de l’Etat. Où est l’Assemblée pendant ce temps ?’’, a-t-il lancé avant d’embrayer sur la situation de la justice. ‘‘Il faut renforcer carrément le pouvoir Judiciaire. Le président et le ministre de la Justice n’ont rien à faire dans le Conseil supérieur de la magistrature (Csm)’’.

Dans sa volonté de détricoter les privilèges d’un régime présidentialiste, il propose également de réduire les fonds politiques, voire les supprimer totalement, estimant que 8 milliards de francs Cfa laissés à la discrétion d’une seule personne, ‘‘sont des fonds de corruption politique’’. A la place, il propose des fonds secrets pour les dépenses sensibles qui ne seront pas mentionnés (comme le fonds d’espionnage) ‘‘mais qui seront votés, contrôlés’’.

Le nouveau candidat à la présidentielle de février 2019 estime même que la notion fourre-tout de ‘’haute trahison’’, ainsi que celle de la ‘’responsabilité présidentielle’’, doit être redéfinie. Dernière énumération d’une liste non exhaustive, le pouvoir de nomination pour les directeurs généraux sera encadré et ces derniers seront sélectionnés à travers une procédure d’appel à candidatures comme au Togo et en Côte d’Ivoire.

‘‘Nous ne sommes pas contre la France, nous sommes pour le Sénégal’’

Quant à l’économie sénégalaise, le désir de remodelage de sa structure passe par la nationalisation. A ce titre, le leader de Pastef a émis son souhait de faire aboutir concrètement son opposition à la gestion actuelle de ressources minérales récemment découvertes. ‘‘Si les Sénégalais font de moi leur président, tous les contrats pétroliers, gaziers seront renégociés. On ne peut pas regarder cette manne nous échapper, car des dirigeants incompétents ont décidé de négocier au rabais’’, a-t-il déclaré.

Après sa radiation de la Fonction publique en août 2016, Sonko avait fait de la question du pétrole et du gaz, la fiscalité notamment, son cheval de bataille, critiquant sévèrement l’irruption de l’Australien Franck Timis. Son désir d’appliquer la préférence nationale est également comme un avertissement à la puissance colonisatrice, la France. Sonko prévient qu’il faut que l’Hexagone reconsidère ses rapports de domination avec les pays de son ancien pré-carré. ‘‘Nous ne sommes pas contre la France, mais nous sommes pour le Sénégal. Je ne suis pas anti-français. Ce système de domination ne peut continuer, et on lui dit ça dans son intérêt.

Si elle comprend ainsi, c’est tant mieux. Sinon, une génération de dirigeants ouest-africains plus radicale que Paul Kagamé va sortir de toutes parts’’, a-t-il analysé.  Dans ce sillage, le franc Cfa qui, de son avis, infantilise la classe dirigeante africaine, est décrié. Pour ce postulant à la présidentielle de 2019, les premiers plans quinquennaux jusqu’au Pse, ‘‘sous la dictée des commanditaires et des lobbies’’, sont en train de produire les mêmes résultats catastrophiques. Les largesses fiscales accordées aux entreprises étrangères, sous prétexte d’attirer les investissements, sont également dans son viseur.

Loin de vouloir décourager les investisseurs, il estime que la perdition fiscale est importante dans ‘‘le secteur immobilier ou sur 200 mille foyers qui doivent être fiscalisés, 7 000 ne le sont pas’’, ainsi que les exonérations, les codes dérogatoires. ‘‘Arrêtons ces concessions qui doivent financer notre développement. Renégocier les contrats peut générer 800 milliards par-ci ou 400 milliards par-là’’, explique-t-il. Aussi, de l’avis d’Ousmane  Sonko, le financement est également une question à ne pas occulter, car il définit les modalités d’application d’un programme. ‘‘Le manque de vision sur ce point nous a beaucoup coûté. C’est pour cela que le président voyage et contracte des dettes qui nous asphyxient’’.

OUSMANE LAYE DIOP

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