Publié le 26 Feb 2019 - 23:23
PRESIDENTIELLE 2019

La société civile accuse…

 

Les missions d’observation de la société civile se sont réunies, hier, pour donner leur point de vue sur les différentes polémiques qui ont émaillé le scrutin présidentiel du 24 février. Journalistes, opposants et pouvoir sont tous au banc des accusés.

 

Avec plus de 3 185 observateurs déployés à travers le territoire national, les missions d’observation de la société civile sénégalaise disent être en possession de l’essentiel des informations relatives au scrutin présidentiel du 24 février 2019. Même les résultats, les amis du professeur Babacar Guèye se disent en mesure de dire ce qu’il en est véritablement. Mais il ne faut surtout pas s’attendre à ce qu’ils les dévoilent, à cette étape du processus. En lieu et place, les observateurs ont préféré se mêler à la polémique liée à la publication des tendances par les organes de presse. A ce niveau, le chef des missions, le professeur Babacar Guèye, et Cie coupent la poire en trois, voire en quatre. Les premiers servis, ce sont ‘’certains organes de presse’’.

A les en croire, ces derniers ont violé les règles d’éthique et de déontologie qui régissent la profession. Alors, il leur est demandé si cette accusation n’est pas de nature à remettre en cause un acquis démocratique (la publication des tendances par la presse) qui, jusque-là, a servi de gage à la transparence des scrutins ? Le chef des missions rétorque : ‘’Ce n’est pas une remise en cause du travail que fait la presse depuis un certain nombre de scrutins. La presse donne les résultats au fur et à mesure qu’ils tombent, depuis l’élection présidentielle de 2000. Nous ne remettons pas en cause cette pratique.’’

Alors, qu’est-ce qui est exactement reproché aux journalistes ? Il précise : ‘’Ce que nous déplorons, c’est cette guerre des chiffres entre différents organes de presse et les interprétations des résultats qui en ont été faites et qui ont contribué à égarer les citoyens. Certains organes donnent des résultats favorables à tel candidat, les autres à un autre candidat, avec des commentaires qui mettent les citoyens dans l’embarras.’’ Quid des règles d’éthique et de déontologie qui ont été malmenées ? Sa réponse a été on ne peut plus tranchée : ‘’Ce sont les commentaires qui vont au-delà de la fonction normale du journaliste.

On a remarqué que beaucoup de journalistes ont pris des positions un peu trop avancées, en prenant partie pour tel ou tel autre candidat, et ça pose problème.’’ Plus en profondeur, il lâche : ‘’Entendons-nous bien, je ne critique pas tous les journalistes. Je constate simplement que des journalistes des organes de presse ont été pris à partie par des candidats de l’opposition… Nous avons tous écouté, regardé des chaines de télévision de la SenTv, de la Tfm qui n’étaient pas sur la même longueur d’onde. De même que Walfadjri, et tout cela a contribué à mettre les citoyens en difficulté. Certains disaient que tel candidat a gagné au premier tour. Les autres disaient le contraire. Finalement, on est encore dans le brouillard.’’

Après les media, ce sont les états-majors politiques qui sont appelés à la barre. Là aussi, le verdict est sans appel. D’abord, certains candidats de l’opposition (Idrissa Seck et Ousmane Sonko, Ndlr) en ont eu pour leur grade. Les missions leur reprochent d’avoir, par leurs déclarations, jeté les journalistes de certains médias nationaux et étrangers à la vindicte populaire. Quant au camp du pouvoir, les missions de la société civile estiment qu’il a tout bonnement violé la loi électorale en se permettant de publier des chiffres du vote. ‘’Ce comportement du Premier ministre, qui est également membre du directoire de campagne du président Macky Sall, est une violation de la loi. En disant qu’ils ont gagné dès le premier tour avec 57 % des suffrages, le Premier ministre a empiété sur les prérogatives des instances habilitées à proclamer les résultats. Et cela est de nature à semer la confusion dans la tête des Sénégalais’’.

La dernière cible de la mission, c’est la Radiodiffusion télévision sénégalaise (Rts) qui, à l’en croire, a fait un traitement déséquilibré en faveur de la majorité présidentielle.

Cela dit, les observateurs nationaux trouvent que, dans l’ensemble, le scrutin s’est déroulé dans le calme, la paix et la concorde. ‘’Ce qu’on peut dire, c’est que le vote s’est passé dans le calme et la paix. Malgré les quelques dysfonctionnements causés par la modification de la carte électorale. Nous saluons la maturité du peuple sénégalais’’.

Et refuse d’arbitrer

Compte tenu de tous ces éléments, les missions invitent les uns et les autres à plus de sérénité, en attendant la publication des résultats provisoires par la Commission nationale de recensement, et définitives par le Conseil constitutionnel. ‘’Les missions d’observation tiennent à rappeler à tous les acteurs que le processus suit son cours avec une collecte et une remontée des résultats, conformément à la loi’’, a dit le constitutionnaliste. Dans l’attente de la proclamation définitive des résultats, les missions appellent également tous les acteurs à avoir un comportement républicain et à faire preuve  de sérénité. Ce, en vue de préserver le climat de paix qui prévaut depuis le début du scrutin et qui est nécessaire à l’exercice des principes démocratiques au Sénégal’’. Les missions promettent enfin de tirer un bilan exhaustif de leur participation au processus avec des recommandations, dans une perspective de consolidation des acquis démocratiques.

‘’La société civile, dit le chef des missions, n’a pas la qualité pour donner les résultats. Ce sont les commissions de recensement qui sont habilitées. Mais je peux vous dire que nous avons suffisamment d’éléments nous permettant de dire quels sont les vrais résultats. Mais nous sommes assez responsables pour ne pas commettre cette violation’’.

Par ailleurs, dans la guerre des chiffres, un aspect important semble être relégué au second plan. Il s’agit de l’arrêté pris par le ministère de l’Intérieur pour permettre à certains électeurs dont les noms ne figuraient pas sur les listes d’émargement de pouvoir voter. En ce qui concerne cette mesure interprétée par certains membres de l’opposition comme une boite de Pandore, les observateurs donnent leur langue au chat. Quelle est votre position sur cette question précise ? Le Pr. Babacar Guèye, chef de la mission, rétorque : ‘’Permettez à la mission, sur cette question, de répondre maintenant. Nous allons faire une autre déclaration qui va marquer la fin du scrutin. Le moment venu, je répondrai à cette question. Pour aujourd’hui, nous souhaitons nous limiter à ce qui s’est passé après le scrutin.’’ La grande interrogation qui se pose est alors de savoir quel est l’ampleur des gens qui ont été admis dans ces fameux bureaux de vote ? Quel doit être le sort réservé à ces suffrages, si l’on sait que la loi électorale prévoit que le votant muni de sa carte d’électeur doit aussi figurer sur la liste d’émargement de son bureau. Un arrêté du ministre peut-il aller à l’encontre de cette disposition légale ? La question sera peut-être tranchée par le Conseil constitutionnel, si jamais il est saisi à ce propos.

PUBLICATION DES RESULTATS PAR LES MEDIA

Les organisations de presse en bouclier contre les pourfendeurs des media

Voués aux gémonies, les organes et organisations de presse ne veulent surtout pas être les agneaux du sacrifice. Le Synpics, le Cdeps, l’Appel, l’Apes et la Cjrs, réunis ce lundi 25 février à Dakar, condamnent unanimement ‘’les propos désobligeants et irresponsables des candidats Idrissa Seck et Ousmane Sonko, qui ont proféré des attaques contre les media, les accusant de faire un traitement tendancieux des résultats issus du vote des Sénégalais, au soir du scrutin’’. Dans leur déclaration, ces organisations professionnelles considèrent ces sorties comme ‘’une invite à casser du journaliste, de la part de personnes qui briguent le suffrage des Sénégalais et qui, jusqu’à la publication des résultats définitifs, restent en course pour la magistrature suprême’’.

Espérant qu’il s’agit d’un simple dérapage, les organisations de presse mettent en garde contre toute tentative de division de la presse et d’entrave à la liberté d’informer. Pour eux, la presse a toujours joué un rôle de sentinelle dans la transparence des scrutins, notamment en remontant en temps réel les résultats des bureaux de vote. ‘’Cette tentative éhontée de bâillonner la presse ne passera pas.

L’appartenance de Gfm et 2Stv à des personnalités politiquement marqués ne saurait justifier les doutes en ce qui concerne le professionnalisme de leurs équipes rédactionnelles’’, lit-on dans la déclaration. Les défenseurs des hommes de media considèrent également les attaques contre certains media français comme ‘’une maladresse aux relents xénophobes que les professionnels des media du Sénégal ne sauraient cautionner. Rfi et France 24 ne peuvent, en aucun cas, élire le président de la République du Sénégal. Le croire déjà est une forfaiture intellectuelle et un manque de respect notoire aux Sénégalais’’.

Pour terminer, les organisations susmentionnées demandent aux personnes incriminées de revenir sur leurs propos.

MOR AMAR

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