Publié le 1 Mar 2019 - 21:07
PRESIDENTIELLE 2019

La vérité, au-delà de l’émotion

 

Bis repetita ! Tous les ingrédients semblent réunis pour revivre le scénario de 2007, qui avait conduit au boycott des législatives par l’opposition. Mais si la victoire de Macky Sall est jugée cruelle par certains, le comportement de l’opposition n’en est pas moins irresponsable et injustifiée.

 

Alea jacta est ! Comme César franchissant le Rubicond, Macky Sall a franchi, hier, la ligne rouge fixée par l’opposition qui criait à hue et à dia qu’un second tour était inéluctable. Mais jusque-là, il faut le dire, cette opposition est incapable de brandir les chiffres prouvant que ceux publiés par les organes habilités et relayés dans la presse ne sont pas avérés. En lieu et place, ce sont des gesticulations, des quolibets et déclarations gratuites sans aucun fondement.

Légitimant, du coup, ceux-là qui ne cessent d’indexer la mauvaise foi des hommes politiques ainsi que de certains intellectuels. Et, encore une fois, l’éclatante victoire démocratique du peuple est malmenée, trainée dans la boue par des politiciens uniquement mus par leurs intérêts égoïstes. Comme si l’histoire se répétait, cette situation rappelle, à bien des égards, celle de 2007, quand Abdoulaye Wade massacrait, dès le premier tour, toute l’opposition réunie dans les urnes. Alors les Moustapha Niasse, Ousmane Tanor Dieng, Abdoulaye Bathily et Cie avaient emprunté les chemins sinueux de la contestation pour ternir la victoire nette et sans bavure de leur adversaire. Aidés en cela, à l’époque, par une société civile complice qui ne leur disait pas la vérité. Ainsi avaient-ils conquis la ‘’rue publique’’, initié leurs Assises nationales et jeté le discrédit sur les institutions sénégalaises à l’international. L’opposition de 2012 veut-elle rééditer ce coup de 2007 ? L’histoire le dira.

Mais, ce qui est sûr, jusqu’à preuve du contraire, c’est que les Sénégalais, dans leur majorité, ont voté pour le candidat de Benno Bokk Yaakaar, malgré toutes les tares dénoncées sous sa première mandature. Personne ne peut nier que Grand-Yoff a divorcé d’avec son Khalifa pour épouser le locataire actuel de la présidence de la République. Personne ne peut nier que Rufisque, malgré les multiples désagréments causés par les chantiers du Ter, a voté, dans une écrasante majorité, pour le président sortant. Idem pour Guédiawaye et Pikine qui ont massivement voté Bby, malgré le ralliement de Gakou et de Khalifa Sall à Idrissa Seck. Nier ces réalités et admettre le vote massif de Touba et Thiès en faveur d’Idrissa Seck, de Ziguinchor en faveur d’Ousmane Sonko, c’est faire preuve de mauvaise foi manifeste.

Comment en est-on arrivé là ? Idrissa Seck et Cie gagneraient à se la poser pour faire meilleure figure dans les joutes à venir. Car le Sénégal ne s’arrête pas le 24 février 2019. Et si l’opposition persiste dans son nihilisme, elle risque la même raclée aux prochaines locales prévues en décembre de cette année.

 A l’analyse, la victoire de Macky Sall dès le premier tour traduit bien des faiblesses de la minorité politique. Si certaines sont liées au déroulement même du processus électoral, d’autres tiennent à la popularité de certains dirigeants de cette opposition dans leurs différentes localités.

 Absence de l’opposition dans les commissions de révision  des listes électorales

Pour ce qui est du processus électoral, il faut regretter l’absence des partis de l’opposition de bout en bout. En effet, de l’inscription à la distribution des cartes d’électeur, les représentants de l’opposition sont quasi introuvables. Alors que la loi électorale, en son article L.39, leur permet d’avoir des représentants dans toutes les commissions administratives chargées d’exécuter les révisions des listes électorales, l’histoire montre que rarement les partis de l’opposition font usage de ce droit. Pendant les révisions, seuls les représentants du pouvoir sont présents ainsi que les membres de l’Administration. De la même manière, pendant que les gens du pouvoir se mobilisent pour inscrire leurs potentiels électeurs ou les aider à récupérer leurs cartes, ceux de l’opposition restent dans leurs salons ou dans les médias et discutent des détails électoraux. Last but not least, même le jour du scrutin, l’opposition, qui aspire à gouverner le pays, est dans l’impossibilité d’être présente dans tous les bureaux de vote. Les leaders de l’opposition  ne peuvent donc aujourd’hui se prévaloir de leur turpitude.

En revanche, en ce qui concerne la légitimité de ses dirigeants, l’opposition souffre terriblement. Dans certaines localités, il est difficile de trouver un ténor représentant de la minorité. C’est sans doute ce qui fait que, même durant la campagne, ils ont très peu occupé le terrain politique. Hormis les activités de leurs candidats, Idy2019, Sonko-Président et les autres n’étaient pas aussi actifs dans certaines zones. Certes, les moyens ne sont pas les mêmes, mais pour des aspirants à la magistrature suprême, il faut un minimum. Aussi, convient-il de signaler qu’à Rufisque, par exemple, l’opposition est presque inexistante. Tous les leaders locaux ont rejoint le camp présidentiel. On peut citer les trois maires : Badara Mamaya Sène (Rufisque-Nord), Alioune Mar (Rufisque-Ouest) et Albé Ndoye (Rufisque-Est). Si les deux derniers ont quitté respectivement le Parti démocratique sénégalais et Bokk Gis Gis, le premier, lui, avait son propre parti et a été nommé par le président Macky Sall au Haut conseil des collectivités territoriales. Ce qui est valable pour Rufisque, l’est également pour plusieurs autres localités du Sénégal où l’opposition n’existe que de nom. Toutes ces faiblesses conjuguées aux atouts du président sortant ont facilité la victoire de ce dernier. N’en déplaise à certains.

‘’Distribution massive d'argent public dans les zones urbaines‘’

Dans une pertinente contribution publiée sur sa page Facebook, Fary Ndao donne les raisons qui, selon lui, ont aussi concouru à la large victoire du président Sall. D’abord, qu’on le veuille ou non, Macky Sall a un bilan. Monsieur Ndao de rappeler ses importantes réalisations, surtout en milieu rural, ses programme à réel impact socio-économique comme le Pudc, l’accès à l’eau potable et la modernisation du matériel agricole. ‘’D'autres mesures plus clientélistes, comme les bourses familiales, l'achat de voitures aux chefs de village ou les projets de modernisation des villes religieuses ont également pesé sur la balance’’, souligne l’analyste. En second lieu, il y a le parrainage qui a écarté des candidats qui, cumulés, auraient pu grignoter au président sortant quelques milliers de voix.

En guise d’exemple, il cite Malick Gakou, Hadjibou Soumaré, Abdoul Mbaye, Aïda Mbodj, Pape Diop, Bougane Guèye Dany, entre autres. Pour lui, il y a aussi la distribution massive d'argent public dans les zones urbaines (Dakar, Guédiawaye, Pikine, Rufisque). Le cinquième et dernier élément, selon son analyse, est l'histoire individuelle du candidat de Bby. ‘’Hal Pulaar né et élevé chez les Sereer, Macky Sall dispose d'un atout quasi unique sur la scène politique nationale : il est vu comme un membre à part entière des deuxième et troisième groupes démographiques les plus importants du pays. Si, à cet atout naturel, il ajoute 7 ans de ralliements sincères ou opportunistes de leaders politiques autochtones de ces zones, comment s'étonner qu'il fasse des scores de 75, 80 ou 90 % en pays sereer et en pays pulaar’’.

Le vin étant donc tiré, il vaut mieux, pour l’opposition, le boire. Tourner les yeux vers l’avenir et réfléchir sur comment renverser la tendance dans le futur. Car, quoi qu’on puisse dire, l’opposition n’a pas été ridicule. Malgré les absences de Karim Wade et Khalifa Sall, elle a fait près de 2 millions de voix (1 829 274 plus précisément). En plus, elle a fait des scores plus qu’honorable dans des départements qui étaient pourtant remportés par la majorité aux dernières législatives. Au lieu de continuer de se lamenter, de mener un combat stérile et perdu d’avance comme elle en a l’habitude, elle gagnerait à conjuguer ses efforts pour faire face au régime, à l’avenir. Car le scrutin présidentiel aura démontré que si l’opposition se joint les mains lors des locales et législatives à venir, le pouvoir aura de sérieux problèmes dans certaines zones.

Mais encore faudrait-il que les opposants y travaillent, tout en surveillant le processus électoral.

MOR AMAR

 

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