Publié le 3 Feb 2019 - 06:13
PRESIDENTIELLE DU 24 FEVRIER 2019 AU SENEGAL

Vers un inévitable second tour

 

Ousmane Tanor Dieng disait en 2000 que « le deuxième tour ne fait pas partie de mes préoccupations, je travaille pour élire notre candidat au premier tour. » La même erreur est en train d’être commise par le camp présidentiel. Fauvel disait dans ce sens que « Excès de confiance, l'échec sera ta doléance. »

Selon la numérologie, le chiffre 5 est le symbole de la liberté, du changement, de la mobilité, du dynamisme, de l’aventure, du mouvement. Nous avons cinq candidats dans la course présidentielle du 24 février 2019 au Sénégal. Ils ont tous pu récolter au moins 52 000 signatures, soit 0.8 % du corps électoral. Il y a eu beaucoup de bruit avant d’en arriver à cinq candidats. Il y a eu l’emprisonnement de Karim Wade, puis de son exil au Qatar et l’emprisonnement de l’ancien maire de Dakar, Khalifa Sall. Ils ont tous pu récolter au moins 52 000 signatures, soit 0.8 % du corps électoral. Après tout cela, Macky Sall, sera-t-il reconduit ou sera-t-il le premier président sénégalais à faire un mandat ?

Dakar- Ils sont repartis sur 14 régions et la diaspora qui est la quinzième région pour un total de 6 683 043 inscrits. Parmi ces régions, Dakar a le plus grand électorat avec 1 687 826 inscrits et plusieurs scénarios que personne ne puisse prédire qui peut en sortir vainqueur. Il est évident que la plupart des grandes réalisations ont été faites à Dakar, ce qui va sans doute aider le président sortant. La capitale a toujours été l’électorat le plus mouvementé, qui n’a pas peur de changement. La montée fulgurante du jeune Ousmane Sonko a surpris tout le monde, car personne ne l’a vu venir comme personne n’avait vu venir l’opposant Macky Sall en 2012. Tous ceux qui ont été recalés ou ne sont pas éligibles peuvent faire gagner Dakar. Il faut rappeler que le président Wade est relativement populaire à Dakar. Si les cinq candidats se partagent l’électorat de Dakar et que les recalés soutiennent les candidats de l’opposition, c’est impossible que le Président Sall gagne Dakar.

Le sentiment d’injustice avait aidé le président Sall à venir second durant les élections de 2012 et ce même sentiment d’injustice anime la population sénégalaise envers l’emprisonnement de l’ancien maire de Dakar et le fils de l’ancien président Wade, Karim Wade. L’erreur politique, je dis bien politique, commise par le président Sall aurait été de n’emprisonner que Karim Wade sur la liste des 25 citées par la CREI. L’autre erreur politique commise par le président Sall aurait été l’emprisonnement de Khalifa Sall qui d’ailleurs n’avait même pas l’intention de se présenter.

La dernière erreur commise par le président Sall est la radiation d’Ousmane Sonko qui lui hante le sommeil en pareil moment, car le président l’a rendu très populaire. Le moment du « tout est permis » qui est la campagne électorale démontrera que Dakar est très divisée. Malgré les grandes réalisations, il y a toujours les mêmes problèmes à Dakar comme les embouteillages, la pollution, le problème de la mobilité urbaine, la cherté de la vie, la violence et le chômage entre autres problèmes. Pensez-vous toujours que Macky puisse gagner Dakar ?

Thiès- La région du rail compte 901 216 inscrits et aussi divisée que Dakar. Cette région a toujours appartenu au président Wade qui l’a finalement donné à Idrissa Seck après son séjour carcéral. Il est très populaire à Thiès, son fief. Idrissa Seck et la coalition avaient gagné la commune de Thiès durant les dernières législatives. Il y a Talla Sylla qui y est, mais qui ne fait pas trop le poids. Nous ne pouvons pas ne pas parler de Thierno Alassane Sall qui y a une base très solide. Ousmane Sonko est né dans cette région, ce qui compte dans la manière dont les Sénégalais votent. La coalition présidentielle y avait gagné durant les législatives avec la première victoire d'Abdou Mbow dans son centre de Diamageune. Il ne faut pas sous-estimer Sire Dia, car Idrissa Seck était incapable de le battre dans son centre de vote.

Diourbel- Voilà la région la plus chère du Sénégal après Dakar. Elle a coûté 460 milliards de nos francs avec son Ila Touba électoraliste. Avec ces 589 015 inscrits, cette région est la bête noire du président Sall. Cette région ressemble un peu à Dakar, elle est très divisée. Cette région avait toujours appartenu au président Wade et de nos jours la plupart des Diourbellois voient toujours bleu. Le président Wade y avait écrasé la coalition du président Sall. Ce sont des inconditionnels du président Wade. N’oublions pas Idrissa Seck qui est devenu un disciple de cette ville. Le président a eu à faire quelques réalisations dans cette région, donc il pourra faire mieux que durant les législatives. Il aura sa part du lion aussi. Parlons de Madicke Niang maintenant. Je n’ai jamais douté de la justice de mon pays et je prie Dieu de ne jamais douter de la justice de mon pays. Je crois quand même que la candidature de Madicke Niang a pour but d’empêcher Idrissa Seck de rafler Diourbel.

Saint-Louis- La région de Saint-Louis avec ses 504 867 inscrits est une région généralement neutre. Mansour Faye a certes un poids là-bas, mais il ne faut pas oublier Cheikh Bamba Dieye qui y est très aimé. Cela étant dit, ce sera une région à prendre. Quiconque arrive à être honnête et à faire des promesses raisonnables gagnera cette région. Certes, la coalition du président avait gagné cette région, mais elle ne devançait pas toute l’opposition, donc c’est une région qui peut aller dans les deux sens.

Kaolack- Avec ses 425 919, cette région semble appartenir au président Sall sauf en cas de surprise. Certes, Medina Baye lui a témoigné sa confiance, mais malheureusement la consigne de vote est morte au Sénégal et les citoyens sénégalais sont assez mûrs pour savoir comment voter.

Louga- C’est une région que Moustapha Diop contrôle relativement bien. Cette région comporte 414 144 inscrits et ce sera sans surprise si le président Sall gagne cette région.

Fatick- Avec ces 322 290 inscrits, l’opposition ne doit pas trop compter sur cette région qui est le fief du président Sall et de Matar Ba. Avec les moyens dont ils disposent, il est plus facile pour eux d’avoir conquis cette région, même si beaucoup de réalisations n’y ont pas vu le jour.

Matam- Cette région est la région qui a le plus peur du changement. Elle vote souvent pour le président sortant. Avec ces 273 714, c’est une région qui croit fortement au vote ethnique et il y a Farba Ngom qui connaît bien son électorat. Il ne faut pas mettre toutes ses ressources dans cette région qui est acquise.

Tambacounda- Si la logique est suivie, le président Sall risque de perdre Tambacounda avec ses 251 363 inscrits. Les présidents ont tendance à avoir moins de voix durant leur second mandat à une exception près. Tambacounda est une région à prendre et cumulativement, l’opposition gagnera cette région de manière naturelle. 

Kaffrine-  Kaffrine est souvent une région qui appartient au parti au pouvoir. Avec ces 232 081 inscrits, il n’y aura pas de surprise si le président Sall gagne Kaffrine, mais Issa Sall y avait fait de bons résultats aussi donc il n’est pas à sous-estimé. Ousmane Sonko, qui est populaire chez les jeunes votants, peut aussi changer la donne dans cette région. C’est en quelque sorte une région où il faudrait battre campagne de manière sérieuse.

Kolda, Sedhiou et Ziguinchor- Avec respectivement 229 399, 193 055 et 283 395 inscrits, appartiennent à l’opposition et particulièrement à Ousmane Sonko. Avec l’aide de Pierre Goudiaby, cette région est presque acquise. Le président Sall avait un peu de chances, mais les propos de Moustapha Cissé Lo ont tout changé. C’est aussi une région comme le Matam où le vote ethnique est très présent.

Kédougou-  Avec ses 65 167, Kédougou est le fief de Guirassy. Il sera impossible que la tendance soit renversée, car malgré les richesses naturelles qui y sont, cette région est une région très pauvre.

Diaspora- La « quinzième » région du Sénégal qui est la Diaspora avec ses 309 592 sera plus inclinée à voter pour l’opposition. Le Sénégal en est dans son histoire à un moment de déclic et les réalisations n’impressionnent pas trop ces Sénégalais. Ils veulent plutôt entendre parler d’un bilan économique.

Réseaux Sociaux- Nous n’oublierons pas la « seizième » région que sont les réseaux sociaux. Les réseaux sociaux sont généralement plus utilisés par les jeunes. En y jetant un coup d’œil, on voit d’un côté qu’il y a le camp du président qui vante les réalisations faites, qui selon moi, ne doivent pas servir de bilan. Un bilan, à mon humble avis, doit être un bilan économique où on parle d’emplois, de l’indice de développement humain et non de réalisations à travers les PPP ou d’un budget que les citoyens vous ont doté. De l’autre côté, on a l’opposition qui critique toutes réalisations du président, mémé celles qui sont bonnes. Donc l’opposition s’oppose souvent pour s’opposer et non pour proposer quelque chose de plus concret que ce qui est en place.

Chaque citoyen en âge de voter est responsable de ses actes. Le vote est très important, il décidera votre avenir, notre avenir, celui de nos parents, nos enfants et arrière-petits-enfants. Il faut voter sur des bases claires pour le devenir du Sénégal, notre cher pays. Si ce que le président sortant a fait en termes de réalisations et la direction du pays vous suffisent, votez pour lui sans hésitation. Cependant, si vous ne vous retrouvez pas dans la politique du président sortant et que vous pensez qu’un des candidats puisse mettre le Sénégal sur la voie de l’émergence, votez pour ce candidat sans hésitation. Personnellement, je pense que le second tour est inévitable, cependant un second tour ne signifie pas forcément la défaite du président sortant. Mistler disait que « la majorité a toujours raison, mais la raison a bien rarement la majorité aux élections »

Mohamed Dia, Consultant bancaire

 

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