Publié le 2 Apr 2019 - 15:28
PRESTATION DE SERMENT AUJOURD’HUI A DIAMNIADIO

Le challenge diplomatique de Macky Sall

 

En réunissant, le temps d’une prestation de serment, près d’une vingtaine de chefs d’Etat africains et de délégations venues d’un peu partout à travers le monde, le président Macky Sall décline ses ambitions de repositionner davantage le Sénégal dans le concert des nations, de pacifier et d’approfondir autant que faire se peut les relations diplomatiques parfois parsemées d’embuches avec ses voisins immédiats et les autres pays africains.

 

C’est ce mardi 2 avril 2019 que le président de la République nouvellement réélu prête serment au Centre des expositions du Pôle urbain de Diamniadio. Le cérémonial est certes anodin, voire banal, parce qu’entrant dans la tradition et la routine démocratique du Sénégal et presque partout ailleurs à travers le monde dans les démocraties modernes. Mais ce qui rehausse d’un caractère particulier cette cérémonie, c’est la présence massive de chefs d’Etat africains qui ont tenu à répondre à l’invitation du président Macky Sall et de son régime.

Ils sont, en effet, près d’une vingtaine de présidents africains à séjourner à Dakar, depuis hier, pour assister à ce cérémonial. Outre les voisins immédiats du Sénégal, à savoir Mouhamed Ould Abdel Aziz de la Mauritanie, Adama Barrow de la Gambie, Alpha Condé de la Guinée, Ibrahim Boubacar Keïta du Mali et du Bissau-Guinéen José Mario Vaz, il y a également les présidents togolais Faure Gnassingbé, sierra-léonais Julius Maada Bio, rwandais Paul Kagamé, nigérian Muhammadu Buhari, nigérien Mahamadou Issoufou, malgache Andry Rajoelina, éthiopien Sahle-work Zewde, ivoirien Alassane Dramane Ouattara. Mais aussi leurs homologues du Burkina Faso Roch Marc Kaboré, de la République démocratique du Congo Félix Tshisekedi, du Congo-Brazzaville Denis Sassou-Nguessou et du Cap-Vert José Carlos Fonséca.

Cette présence massive de chefs d’Etat africains, de chefs de gouvernement et de délégations venues de l’international est, en effet, une première dans les annales politiques et diplomatiques sénégalaises. Selon l’ancien consul général du Sénégal en Arabie saoudite, jamais, de mémoire de Sénégalais, une prestation de serment n’a enregistré autant de chefs d’Etat africains et de délégations ministérielles et diplomatiques venues d’Afrique, d’Europe, des Etats-Unis et d’un peu partout des quatre coins du monde. ‘’Les cérémonies de prestation de serment, aussi bien sous Abdou Diouf que sous Abdoulaye Wade, n’ont jamais enregistré la présence d’autant de présidents africains et de délégations. C’est une première dans l’histoire politique et diplomatique du Sénégal’’, soutient Cheikh Guèye. Il est du même avis que l’ancien ambassadeur du Sénégal au Bahreïn qui soutient d’emblée, lorsque joint par téléphone : ‘’Je ne me rappelle pas d’une prestation de serment qui regroupe autant de présidents, de chefs de gouvernement et de délégations venues de l’international.’’

D’ailleurs, souligne Mame Fodé Ndong, cette particularité s’explique par trois facteurs au moins. Le premier facteur, selon lui, c’est la réussite diplomatique du président de la République Macky Sall et du Sénégal sur le plan international. Il s’ajoute que, selon lui, les élections sénégalaises ont confirmé le caractère démocratique du système électoral sénégalais, de sorte que le président est élu de façon acceptée par ses pairs. ‘’Les hôtes du Sénégal, s’ils avaient des doutes qu’il y avait malversations, ils ne seraient pas venus. C’est donc une reconnaissance internationale de notre système démocratique, notamment électoral’’, relève-t-il. Avant d’ajouter : ‘’J’ai eu la chance de superviser deux fois des élections en Arabie saoudite, à Ryad et au Mali. Ce dont je suis sûr et certain, c’est qu’on ne peut pas voler dans le système électoral sénégalais. Je le dis parce que je le crois, je l’ai vécu. Qu’on ait un ministre de l’Intérieur technocrate, militaire ou diplomate, ça revient au même : on ne peut pas voler des élections dans le système électoral sénégalais’’, se persuade-t-il.

‘’Légitimation du second mandat’’

Abondant dans le même sens, l’ancien ambassadeur Cheikh Guèye renchérit que le Sénégal est un modèle de démocratie qui, sur le plan diplomatique, occupe une position assez importante au sein de la Cedeao, de l’Union africaine et dans d’autres organismes sous-régionaux et internationaux. ‘’Dakar a été la première capitale africaine, donc, on ne peut pas, avec une prestation de serment d’une telle envergure, ne pas inviter autant de chefs d’Etat africains. D’un point de vue géopolitique, ça pourrait donner au Sénégal une autre légitimité diplomatique sur le plan international, car le Sénégal a toujours joué un rôle important dans les institutions internationales’’, soutient le diplomate pour qui cette particularité est aussi une occasion saisie par le président Macky Sall pour légitimer sa victoire, à l’issue du scrutin présidentiel du 24 février dernier.

‘’C’est tout à fait important et nécessaire, pour une prestation de serment d’un second mandat, de convier ses homologues africains et ses partenaires internationaux pour légitimer sa victoire. Macky Sall veut montrer à ses pairs que le pays dont il est le président est un modèle de démocratie où des élections se sont passées dans la paix et dans la transparence. Pour justifier tout cela, il voudrait, au moment où il prête serment, que ses pairs soient présents pour leur montrer que c’est dans la plus grande transparence et la plus grande démocratie qu’il est parvenu à obtenir un second mandat’’, soutient-il.

Le pétrole et de gaz, ces facteurs revigorants

Revenant à la charge, l’ancien ambassadeur Mame Fodé Ndong indique qu’outre ces facteurs, les récentes découvertes de pétrole et de gaz ont redonné au Sénégal un nouveau visage sur l’international. Ce qui fait que, selon lui, le Sénégal d’aujourd’hui n’est plus le Sénégal d’hier. ‘’Le Sénégal d’aujourd’hui représente beaucoup de choses, sur le plan démocratique et sur le plan politique, à travers les réalisations. C’est un pays d’avenir. Parce qu’un pays aussi petit que le Sénégal, qui englobe autant de richesses que nous avons, occupe une place prépondérante dans le concert des nations’’, relève le diplomate.

‘’Opération rachat diplomatique’’

Pour l’ancien consul général du Sénégal en Arabie saoudite, c’est aussi une manière de s’ouvrir à l’Afrique et aux pays africains qui lui sont plus proches, à savoir la Mauritanie, le Mali, la Guinée, la Gambie, le Burkina et autres. D’autant plus que ces pays ont contesté la légitimité du Sénégal sur le plan diplomatique. ‘’Aujourd’hui, le président Macky Sall est en train de se racheter, en se rapprochant davantage de ses pairs pour des retrouvailles diplomatiques, afin de redorer le blason du tissu diplomatique de notre pays. Le Sénégal veut se racheter diplomatiquement auprès des pays africains’’, déclare-t-il.

La prestation de serment coïncide avec l’investiture du président de la République dans ses fonctions. Selon le Conseil constitutionnel sénégalais, elle marque le début du nouveau mandat du président de la République. C’est un cérémonial au cours duquel le président de la République va prendre l’engagement de remplir fidèlement la charge liée à sa fonction, d’observer et de faire observer les dispositions de la Constitution et des lois, de consacrer toutes ses forces à défendre les institutions constitutionnelles, l’intégrité du territoire et de l’indépendance nationale et de ne ménager aucun effort pour la réalisation de l’unité africaine.

ASSANE MBAYE

 

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