Publié le 3 Apr 2019 - 23:18
PRESTATION DE SERMENT DU PRESIDENT MACKY SALL

Le sermon de Papa Oumar Sakho à la classe politique

 

Après avoir lavé à grande eau l’institution qu’il dirige, souvent accusée d’être de connivence avec le régime, le président du Conseil constitutionnel, Papa Oumar Sakho, a savonné hier la classe politique sénégalaise.

 

Macky Sall a prêté hier serment. Papa Oumar Sakho en a profité pour sermonner la classe politique sénégalaise. Le président du Conseil constitutionnel a, en effet, mis à profit la solennité de la cérémonie, pour non seulement blanchir l’institution qu’il dirige sur les soupçons de connivence avec le régime en place et de complicité de hold-up électoral qui pèsent sur elle, depuis un bon moment, et exacerbés par la contestation, par l’opposition, de la conduite du processus électoral ayant abouti à la réélection le 24 février dernier du président Macky Sall.  

Il constate ainsi, pour le déplorer, une mutation des mœurs politiques, à travers la substitution au dialogue fécond, des monologues parallèles faits d’invectives et de calomnies dans les médias et les réseaux sociaux. C’est d’ailleurs fort de ce constat que Papa Oumar Sakho soutient que le Conseil constitutionnel, malgré le caractère non public et non contradictoire de ses procédures, mais conscient que sa mission de sauvegarde de la volonté de l’électeur et de garantie de la sincérité du scrutin doit s’appuyer sur une démarche empreinte de transparence, a ouvert ses activités à la présence des représentants des candidats et à des personnalités sans affiliation connue à une entité politique. Ce choix, selon lui, se justifiait par le souci d’instaurer un climat apaisé, non pas au sein de la société dont la sérénité n’a jamais été prise à défaut, mais entre les différents acteurs politiques.

Toutefois, il souligne que le Conseil constitutionnel ne se faisait cependant pas d’illusions, car la contestation principielle de la loi sur le parrainage et la confiscation du débat citoyen avaient pour conséquences logiques la contestation de la mise en œuvre de ladite loi et, au-delà, la contestation des institutions. ‘’Ces institutions, si souvent prises à partie aujourd’hui, sont pourtant celles qui, en l’espace de douze années, ont permis deux alternances démocratiques’’, rappelle le juge des élections.

Plutôt que de les vouer aux gémonies, il pense qu’il faut rendre hommage aux forces de défense et de sécurité, à l’Administration chargée des élections, à la Commission électorale nationale autonome, au Conseil national de régulation de l’audiovisuel, à la Commission nationale de recensement des votes, aux commissions départementales de recensement des votes et aux délégués de la Cour d’appel, pour avoir, encore une fois, avec discrétion et efficacité, permis aux citoyens d’exercer leur droit de vote dans un cadre organisé, transparent et sécurisé.

D’ailleurs, il n’a pas omis de saluer la maturité des électeurs qui, à nouveau, ont fait preuve de responsabilité et de discernement pour la préservation de nos acquis démocratiques. Ces électeurs, selon lui, composante anonyme et laborieuse de la société, n’ont fait ni vœu de contestation systématique ni allégeance inconditionnelle à quelque chapelle politique que ce soit. Ils savent cependant que leur voix compte et attendent patiemment le jour du scrutin pour exprimer leur choix. Il faut apprendre à les respecter et à compter avec eux. En allant massivement aux urnes, ils ont su, selon lui, préserver la paix sociale par leur comportement civique, renouvelant ainsi leur confiance aux institutions républicaines impliquées dans le processus électoral. A cet égard, il reste persuadé que le discours politique gagnerait à s’élever à la hauteur de la conscience citoyenne de ce peuple, afin que le Sénégal reflète enfin et pour toujours l’image de la démocratie mature et apaisée qu’il est réellement.

‘’Culture de l’État de droit’’

Pour le président du Conseil constitutionnel, si l’élection présidentielle est le moment du bilan pour le président de la République sortant, elle constitue, également, un moment d’introspection générale au plus profond de notre ‘’moi’’ collectif et un critérium pertinent, permettant de mesurer la maturité de nos institutions républicaines, de notre conscience citoyenne et aussi l’ancrage de nos élites politiques et intellectuelles dans ce qu’il convient d’appeler ‘’une culture de l’État de droit’’.

Pour lui, le pacte démocratique et l’État de droit supposent, en effet, un rapport positif à la loi et aux institutions, c’est-à-dire, pour reprendre le mot de François Ost, une ‘’inclination à la civilité’’ républicaine.

En outre, ils supposent un respect mutuel et un esprit de dépassement entre les acteurs du jeu politique en vue de surmonter la suspicion entre adversaires politiques, afin de trouver un minimum de consensus sur les questions essentielles, notamment en matière électorale. Enfin, ils supposent, selon lui, la participation active à la vie de la cité, de personnalités indépendantes et suffisamment équidistantes des parties qui pourraient se trouver en situation de conflit, pour se donner la légitimité d’arbitres ou de médiateurs impartiaux, en vue de la pacification de l’espace social et politique. ‘’Il semble bien que des efforts soient encore nécessaires en la matière’’, lance le président du Conseil constitutionnel. Qui appelle l’ensemble des acteurs de la scène politique sénégalaise à prendre de la hauteur.

‘’L’histoire politique du Sénégal n’a certes pas été un long fleuve tranquille. Parfois, elle a, en effet, mis en présence des adversaires irréductibles. Ces derniers ont cependant toujours su prendre suffisamment de hauteur, pour s’asseoir autour d’une table, afin de trouver des points d’équilibre improbables et des consensus inédits, en vue d’aller toujours plus avant dans notre longue marche sur le chemin de la démocratie’’, déclare-t-il.

ASSANE MBAYE

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