Publié le 3 Apr 2019 - 18:48
PRESTATION DE SERMENT

Macky Sall investi, et sacré par ses pairs

 

C’est le fin processus électoral. Macky Sall n’est plus président élu, mais le président de la République du Sénégal depuis hier midi. La procédure de sa réélection a été complétée hier avec son investiture par le Conseil constitutionnel et sa prestation de serment en présence d’un aréopage de présidents.

 

Le vent froid qui souffle sur les grandes allées menant au Centre des expositions de Diamniadio fouette les drapeaux furieusement. Sur les allées, les portraits de dix-huit dirigeants africains sont plantés en haut des mats comme pour leur souhaiter la bienvenue. En bas, les gendarmes, dans les différentes tenues de leur corps d'appartenance, s'affairent aux réglages du dernier dispositif sécuritaire. Le souffle matinal est si fort qu'il soulève le tapis rouge, obligeant les membres de la garde républicaine à garder leur posture debout, avant que les piquets ne viennent tout stabiliser. Dans l’immense salle du Centre des expositions qui accueille la cérémonie d’investiture de Macky Sall, une reproduction du décor de la Cour suprême est mise en scène pour respecter la solennité du moment. Les images de campagne du candidat défilent sur les écrans géants, suscitant les anecdotes des journalistes qui ont suivi les différentes caravanes de candidats, lors de la campagne électorale. La cérémonie accuse du retard.

C’est à 10 h 16, un quart d'heure après l'heure prévue de la prestation, que Macky est aperçu sortant de son domicile de Mermoz. C’est le moment choisi par le maitre de cérémonie, le commandant Doudou Wathie, pour briefer l’assistance sur la conduite à tenir. Il explique les deux séquences de la matinée : la prestation de serment proprement dite, une autre partie protocolaire où Macky Sall recevrait le grand collier remis par le chancelier de l'Ordre représentant, hommage rendu par un détachement interarmées, le discours d’investiture, avant les félicitations de la première dame et de ses homologues. Pour être sûr d’être bien compris, les consignes à observer durant la cérémonie sont défilées sur les écrans géants invitant le public a ne pas applaudir durant la cérémonie officielle, à éteindre les téléphones, à ne pas marquer signe d'approbation ou de réprobation... La salle archicomble n'attendait que l'impétrant vienne se faire investir des pouvoirs que son nouveau mandat lui a conférés le 24 février dernier. Ce qui fut fait.

11 h 40, Pape Oumar Sakho et ses assesseurs entrent dans la salle. Toges noires et écharpes mouchetées noir-blanc, il lance tout de suite le top. ‘‘Madame, messieurs, veuillez-vous asseoir, la séance est ouverte’’. Après une lecture du rôle d’audience par la greffière, le magistrat demande à ses deux pairs, Ndiaw Diouf et Mame Bousso Diao Fall, d’aller prendre le président élu pour l'installer à la place qui lui est réservée. Costume bleu-clair et cravate assortie, Macky Sall s'entend investir des pouvoirs dont il a été privé, pendant la période électorale.   

Macky, prophète chez ses pairs

En parlant de grand coup diplomatique dans sa livraison d’hier, ‘’EnQuête’’ n’avait pas tort. Rarement une prestation de serment aura réuni autant de dirigeants du continent en terre sénégalaise. Macky Sall a réussi à faire se déplacer les ‘‘puissances’’ économiques de la sous-région ouest-africaine comme Muhammadu Buhari du Nigeria (dont le lointain prédécesseur, Olesegun Obasanjo, était aussi présent) et Alassane Ouattara de la Côte d’Ivoire, son rétif voisin guinéen Alpha Condé, le très coté dirigeant rwandais Paul Kagamé et le très éloigné malgache Andryi Rajoelina étaient de la partie. Ils ont fait honneur à leur pair sénégalais, en même temps que ceux de la Mauritanie, de la Sierra Leone, de la Gambie, de la Guinée-Bissau, du Mali, de la République démocratique du Congo, du Togo, du Niger, du Cap-Vert, du Burkina Faso, du Congo. Quant au président libérien George Weah et à la présidente éthiopienne Sahle-Work Zewde, ils ont carrément explosé l’applaudimètre, en présentant leurs félicitations à Macky Sall. Le Ghana et le Gabon se sont fait représenter par leurs Premiers ministres. Ceci sans compter les nombreuses délégations de pays dont les moins connues sont sans doute celles du Kosovo et de Tenerife. ‘‘Ce qui est important, c'est l'arrivée d'une vingtaine de chefs d'État et de gouvernement venus manifester leur confiance au président Macky Sall. Cela signifie que le Sénégal reste un pays qui a une considération dans la communauté internationale’’, a salué le ministre des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’extérieur, Sidiki Kaba.

Absences locales

Cependant, les absences des forces sociales internes ont mitigé cette belle représentativité diplomatique extérieure. La société civile a été complètement zappée, obligeant Alioune Tine, le président du think-tank AfrikaJom, à exprimer son incompréhension. Une partie des députés, avec Théodore Chérif Monteil à la tête, ont boudé la cérémonie, dénonçant le peu de considération accordé à eux par le protocole. Deux autres absences de taille, les deux prédécesseurs du président nouvellement installé n’ont pas été de la partie, malgré l’appel pressant de Macky Sall après sa réélection.

Quant à l’opposition, elle a carrément boycotté la cérémonie. Non invitée, avance-t-elle. Une attitude que le ministre de l’Intérieur dit ne pas comprendre, puisqu’ayant ‘‘pris toutes les dispositions pour que les candidats malheureux reçoivent leurs cartons d'invitation, mais également les autres membres de l'opposition’’. Un signal de l’opposition qui semble déjà inquiéter Aly Ngouille Ndiaye en perspective du dialogue national auquel a appelé Macky Sall, ainsi que des autres confrontations électorales qui se dessinent en décembre pour les Locales.

‘‘Nous venons de sortir d'une élection. Il y a des changements dont le principal était le parrainage. Aujourd'hui, il va falloir qu'on s'assoie et qu'on apprécie pour voir, s'il faut continuer le parrainage dans sa forme actuelle ou est-ce qu'il faut apporter des modifications’’, a-t-il déclaré hier en marge de la cérémonie. Une formation gouvernementale pourrait le dessaisir de ces préoccupations. Ou l’y maintenir. En attendant, l’heure était à la jubilation pour le camp au pouvoir.

REACTIONS...REACTIONS...REACTIONS...REACTIONS

Me ALIOUNE BADARA CISSE, (Médiateur de la République)

‘’ Il nous a délivré aujourd'hui un discours d'espoir’’

‘’Il m'a semblé, en l’écoutant tout à l'heure, revoir celui-là que nous fréquentâmes en son temps et qui était porteur d'un message, qui avait le Sénégal en bandoulière. Il nous a délivré aujourd'hui un discours d'espoir et nous a également tous rappelé à l'ordre, à la discipline, à la salubrité, au respect des règles ordinaires, à l'administration efficace, au respect des normes d'urbanisme, à la propreté dans les campagnes, les villes, les rues. La magnificence que le Pse reste encore à la jeunesse, aux femmes. Je prie Dieu pour qu'il lui donne la force et l'accompagnement nécessaires pour que ses promesses soient porteuses de fruits que nous savourerons toujours.

Tous les matins, quand je me mets devant la glace, que je puisse avoir la certitude que ma relation sacerdotale avec l’Etat est au même point que je l’avais quittée en allant me coucher. Ça, je l’ai en partage avec le chef de l’Etat et de tous ses collaborateurs, et tous ceux qui règlent notre Administration. Comme il l’a dit tout à l’heure, nous avons une Administration républicaine, une Administration de qualité et qu’elle demeure. Nous devons aussi lui rendre hommage en des moments comme ceux-ci, autant que les Fds qui veillent sur notre sécurité.’’

OUSMANE TANOR DIENG (SG PS)

‘’L’histoire de notre parti est faite de scissions, de divisions, de retrouvailles‘’

‘’Le dialogue est un impératif. De ce point de vue, l’opposition, tout comme la majorité, doivent faire un pas pour se rencontrer et toutes les questions dont on veut discuter, il faut être d’accord sur le principe qu’on devrait se voir et une fois qu’on se voit, les termes de référence vont être examinés et discutés. Ceux qui voudront que telle ou telle question soit à l’ordre du jour, c’est l’occasion de le faire. Mais ce qui n’est pas bon, c’est le refus par principe de dialoguer, parce que notre pays, depuis Léopold Senghor, est un pays de dialogue, de ‘‘disso’’, comme on dit en wolof. C’est pourquoi on doit tout faire pour nous rencontrer et échanger. Même si c’est pour consacrer des accords, on se sera parlé. Je suis convaincu que sur un certain nombre de questions, comme celle relative aux élections, on peut en discuter et trouver des compromis dynamiques. On l’avait fait en 1992 avec feu Kéba Mbaye. Moi, j’y étais et je crois à cela. On doit faire des efforts de part et d’autre pour nous rencontrer.

Je dis à mes camarades qu’il faut faire preuve de tolérance, de générosité, et l’histoire de notre parti est faite de scissions, de divisions, de retrouvailles. Mais malgré cela, un noyau dur reste là et convaincu qu’il faut rassembler tous ceux qui le souhaitent pour que nous nous retrouvions pour mener les combats futurs ensemble. J’appelle tout le monde, il n’y a pas d’exclusion. C’est un appel inclusif que je lance à l’ensemble des socialistes de cœur et de raison, adhérents et même ceux avec qui nous avons eu de graves problèmes. Je crois qu’il faut en discuter pour nous retrouver.

(La libération de Khalifa Sall) relève de la compétence exclusive du président de la République, mais, on ne souhaite la prison à personne, surtout quelqu’un avec lequel on a cheminé pendant longtemps. Lui, c’est le président Abdou Diouf qui me l’avait confié. C’est avec déchirement que je le vois dans cette situation.’’

RAJEEV KUMAR, AMBASSADEUR INDE 

‘’Un très bon discours d’un bon président’’

‘’C’est un très bon discours d’un bon président. J’ai surtout aimé l’emphase qu’il a mise sur les femmes. En disant que le pays ne peut pas se développer en laissant de côté plus de la moitié de la population, le président a soulevé une problématique importante qui est commune à nos deux pays. L’Inde est prête à soutenir tous les efforts de développement du Sénégal dans ce sens et dans le cadre du Plan Sénégal émergent (Pse). Quant à la jeunesse, il a également bien fait de mettre le point dessus, car le Sénégal est un pays très jeune. Il a promis de tout faire pour des emplois et surtout pour l’entreprenariat jeune. Le Sénégal a une croissance de 7 % et l’apport de la jeunesse pourra faire avancer ce taux à 8 ou 9 % très rapidement.’’

OUSMANE SYLLA, (FORCES CITOYENNES POUR LE PROGRES)

‘’Mettre les talents au service du développement’’

’On salue ce discours d’espoir qui agrège tous les éléments de développement dont ce pays peut disposer. Toutes les forces vives vont le porter et le supporter pour l’émergence du pays. Macky Sall est l’un des plus jeunes présidents du Sénégal. C’est tout à fait normal qu’une partie aussi importante de la population tienne une place aussi cruciale dans son discours. Il a parlé de compétences et de jeunesse, et je suis dans la conviction qu’il va mettre les talents au service du développement.’’

OUSMANE LAYE DIOP

Section: