Publié le 28 Jul 2015 - 16:03
PREVALENCE DES INFECTIONS VIRALES AU SENEGAL

Les hépatites, des pathologies négligées par les autorités

 

Les hépatites sont une urgence silencieuse au Sénégal. En effet, 2,5 millions de personnes, soit environ 11% de la population, sont des porteurs chroniques du virus de l’Hépatite B qui peut entraîner le développement d’une cirrhose ou d’un cancer du foie. L’hépatite B (VHB) est l’une des plus graves et des plus répandues. Zoom sur une maladie négligée par les autorités, en ce jour où la communauté internationale célèbre la journée mondiale de lutte contre ces pathologies.

 

Au Sénégal, l’infection par les virus des hépatites B et C est un problème majeur de santé publique. C’est une maladie négligée par les autorités, alors que 85% de la population sénégalaise ont au moins un marqueur du virus de l’hépatite B. Après une infection aiguë, 20% deviennent des porteurs chroniques. Ainsi, 11% de la population sénégalaise sont porteurs chroniques dont 20 à 30%  évoluent vers la cirrhose et le cancer du foie. Ce, parce qu’elles n’ont pas été vaccinées à temps. Les traitements sont trop chers et il n’y a pas de dépistage systématique pour pouvoir enrayer la transmission du virus.  L’hépatite B (VHB), qui peut entraîner le développement d’une cirrhose ou d’un cancer du foie, est l’une des infections virales les plus graves et les plus répandues.

Selon l’Alliance mondiale contre l’hépatite, bien qu’elle touche plus de personnes que le VIH/SIDA et la tuberculose, la lutte contre le VHB est reléguée au second plan, dans beaucoup de pays en Afrique. La prévalence est particulièrement élevée en Afrique de l’Ouest, où 10 à 15% de la population seraient infectés par le virus. Malgré l’existence d’un vaccin sûr et efficace, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) révèle que l’hépatite B cause près de 600 000 décès par an. Le VHB est à l’origine d’environ 80% de toutes les formes de cancer du foie.

Pas de remède contre l’hépatite, mais…

Depuis trois ans, Rokhaya Diouf est atteinte par l’hépatite B, mais n’arrive pas à se soigner correctement, faute de moyens. ‘’Non seulement les médicaments sont chers, mais en plus, ils sont inaccessibles. Depuis 2012, à part la journée mondiale de lutte contre les hépatites, je n’ai jamais entendu le ministre de la Santé ou le gouvernement parler d’une quelconque lutte contre cette pathologie. Ce n’est pas normal’’, déplore-t-elle. Selon Mme Diouf, ces pathologies sont négligées par les autorités alors que les populations sont porteuses. ‘’Il n’y a aucune communication sur ces maladies. Les gens ne savent pas où se faire dépister, où se faire vacciner, rien de tout cela. C’est écœurant dans un pays comme le nôtre’’, peste-elle. Pour se faire soigner, elle est obligée d’attendre l’aide de sa famille. ‘’C’est pourquoi, chaque année, je commence le traitement, mais je ne le termine pas.’’

Au Sénégal, un an de médicaments antirétroviraux contre le VHB coûte environ 4 000 dollars (soit 220 000 F CFA), ce qui est trop cher pour beaucoup de personnes, dans un pays où plus de la moitié de la population vit avec moins de deux dollars par jour. La marque générique, qui coûte moins de 100 dollars (55 000 F CFA) par an, n’est pas encore distribuée au Sénégal et le gouvernement ne subventionne pas le coût du traitement.

‘’Il est décédé par la suite, car il n’avait pas le VIH’’

Il n’existe pas de remède contre l’hépatite B, mais les symptômes et la progression du virus peuvent être maîtrisés, grâce à un traitement approprié, d’après les médecins. Au Sénégal, si les patients souffrant d’hépatite B chronique sont également séropositifs, ils peuvent recevoir un traitement antirétroviral gratuit ou environ 100 dollars (soit 55 000 F CFA) par an, dans certains cas.  Mark Thursz est professeur d’hépatologie à l’Imperial College de Londres qui travaille à l’amélioration des programmes de traitement du VHB dans les pays pauvres en ressources comme le Sénégal. Il se rappelle avoir rencontré un patient atteint d’hépatite B particulièrement désespéré, à qui son médecin avait dit qu’il ne pouvait recevoir de médicaments car il n’était pas porteur du VIH.  « Après cela, cet homme n’arrêtait pas de passer des tests de dépistage du VIH. Il est décédé par la suite, car il n’avait pas le VIH », a déclaré M. Thursz. ‘’Cela semble complètement irrationnel, mais, c’est comme ça que le système fonctionne actuellement’’, a dit M. Thursz, lors d’une rencontre en 2014.

Absence de dépistage

Pour Ibrahima Guèye, le budget alloué au Programme national de lutte contre les hépatites (PNLH) est très insuffisant. Ce qui, dit-il, montre le manque d’attention des autorités par rapport à cette maladie. L’absence de dépistage systématique dans le pays fait que la majorité des personnes ignorent qu’elles sont porteuses du virus. Savoir que l’on est porteur du VHB peut permettre d’empêcher la destruction progressive du foie par le virus silencieux et la propagation de l’infection. Un tour fait au niveau de la capitale a permis de constater que les gens ne se dépistent pas. Pas, parce qu’ils ne veulent pas, mais, ils ne savent pas où le faire. Une thèse que confirme Aliou Sèye, un étudiant à la Faseg. ‘’Je ne connais pas bien cette maladie. J’en entends souvent parler, mais je ne sais pas quoi faire pour me prévenir. Je ne sais même pas qu’on doit se dépister. Je pensais que c’était une maladie comme le paludisme’’, dit-il. Son ami Oumar Niang de dire qu’il faut convaincre les gens à se faire dépister et mettre en place des centres de dépistage. ‘’Il est important de le faire. Il paraît qu’elle peut causer un cancer et une maladie du foie’’, conseille M. Niang.

’’A chaque don de sang au CNTS, 10% de traces d’hépatite sont décelés’’

Le dépistage est particulièrement important chez les femmes enceintes, car elles peuvent transmettre le VHB à leur bébé pendant l’accouchement. L’OMS affirme que tous les bébés doivent être vaccinés, dans les 24 heures suivant la naissance, pour empêcher la transmission. Au Sénégal, la plupart des enfants ne reçoivent pas de vaccin contre le VHB, avant au moins six semaines, en même temps que les vaccins habituels. Selon le président de l’association «Saafara» Hépatite, Ibrahima Guèye, l’hépatite B est bien plus répandue que l’on ne le croit. ‘’A chaque don de sang au centre national de transfusion sanguine, 10% de traces d’hépatite sont décelés sur les donneurs de sang. Sur 100 personnes dépistées à l’hépatite, 80% ont été  en contact avec le virus. La plupart des personnes ignorent qu’elles sont porteuses du VHB, car peu en ressentent les symptômes’’, explique-t-il. A l’en croire, 85% des Sénégalais ont été exposés au virus de l’hépatite B qui se transmet par l’intermédiaire des liquides et sécrétions biologiques comme la salive et le sperme. 

VIVIANE DIATTA

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