Publié le 14 Jan 2015 - 00:19
PROCÈS KARIM MEISSA WADE

L’expert Oumar Samb mijoté à petit feu

 

Oumar Samb a occupé les fonctions de commissaire aux comptes des sociétés AHS, ABS, Black Pearl Finance, CD Médias et Hardstand. A ce titre, il a été auditionné toute la journée d’hier et revient aujourd’hui.

 

Commissaire aux comptes des sociétés AHS, ABS, Black Pearl Finance, CD Médias et Hardstand, Oumar Samb a été longuement auditionné hier… Pour relater les événements dans leur ordre chronologique, il y a d’abord eu un échange sourdement houleux, entre le Substitut du Procureur spécial et l’expert-comptable.

Ils avaient commencé à se crêper le chignon, depuis jeudi dernier. Ainsi hier, leur désaccord a atteint son paroxysme. En effet, énervé d’avoir toujours à « répéter », selon lui, « les mêmes choses » au substitut du procureur, le commissaire aux comptes a tout bonnement fini par servir des bouts de phrases (si ce n’est carrément des monosyllabes) en guise de réponse aux questions de son interlocuteur du Ministère public…

Ainsi, à toutes les questions relatives aux en-têtes, dates et contenus de ses rapports de certification de comptes et différentes questions afférentes à la gestion d’ABS, notamment de la réception de dividendes par les actionnaires et leur reversement supposé à Ndiassé, Oumar Samb a répondu, en dehors des normes qui l’astreignent dans son exercice et des textes de l’OHADA (NDLR : Acte uniforme relatif au droit des Sociétés Commerciales et du Groupement d’Intérêt Économique) : « Je ne savais pas ». Donc, le Parquet Spécial n’a pu finalement que s’incliner devant la « désobéissance pacifique » d’un témoin qui, sous couvert de courtoisie, lui a gentiment signifié d’aller voir ailleurs (s’il y est) !

La Défense creuse (et creuse, et creuse)

Plus « chanceux » que le Parquet Spécial, le reste des parties intervenues hier, ont réussi à tirer beaucoup plus du témoin qui, du reste, est assez agréable, quand il veut être coopératif. Ainsi, l’actionnariat des différentes sociétés visées par l’arrêt de renvoi a été expliqué de long en large par l’expert qui a décliné les actionnaires et leur pourcentage respectif, de manière à donner une idée des rapports de forces à l’intérieur des dites structures. On apprend ainsi que c’est Menzies Africa qui est l’actionnaire principal de AHS. Alioune Samba Diassé l’est avec ABS, idem pour les frères Abou Khalil concernant Hardstand et, enfin, une société dénommée Metinvest qui est celui de Black Pearl Finance… Concernant 2 AIG et CD Média, le témoin a déclaré que s’il a été, dans les deux cas, nommé commissaire aux comptes, il n’a « pas exercé » son mandat et que donc, il ne « connaissait rien » de l’actionnariat des dites sociétés.

Ce questionnement apparemment sans fin de la Défense a néanmoins eu le mérite de lever quelques équivoques. Parmi elles, et pas des moindres, l’amalgame entre la personne de Oumar Samb et son cabinet (FIDEKA) et un autre expert-comptable Amadou Samb qui serait à la tête du cabinet FIDUCIA qui est mis en cause dans la gestion de la société AN Média ! La confusion avait apparemment été faite par la quasi-totalité des parties, avant qu’il ne vienne à l’esprit de l’un des avocats de Karim Wade de remettre les pendules à l’heure… On ne s’étonne plus de rien, à la CREI.

Bref, l’audition est ensuite revenue sur la question ABS. Le commissaire aux comptes a corroboré les allégations de la Défense, selon lesquelles les mouvements de fonds jugés « suspects » par l’administrateur provisoire ne seraient, en fait, que les payements adressés par ladite société via ABS SA (et la Julius Baar de Monaco) à son fournisseur Cobus. Cela avant que Me Amadou Sall ne prenne la parole… et la garde !

Me Sall endort tout le monde

Au risque de faire dans la caricature, le passage hier à la barre de Me Amadou Sall a donné à plus d’un l’envie de jeter l’éponge… pour ne pas carrément dire « le bébé avec l’eau du bain ». En effet, s’emparant du micro en début d’après-midi, l’ancien ministre de la Justice a refusé tout sec de le rendre ! C’est, en effet, bien trop longuement qu’il s’est perdu (avec le témoin, bien souvent) en rappels historiques servant essentiellement à rendre à Oumar ce qui est à Oumar, pour paraphraser le dicton.

La robe noire même a fini par donner le nombre des pages de chacun des ouvrages que le témoin a écrits dans sa longue et prolifique carrière, sans oublier de citer la foultitude de ses contributions, des cours de formation qu’il donne au Sénégal et à l’étranger. Il a poursuivi par la renommée du témoin et la manière dont « l’expert » trouve ses clients. Tant et si bien qu’on a distinctivement entendu Henri Grégoire Diop murmurer un « laisse-le parler jusqu’à demain » maussade à l’un de ses assesseurs (le micro était malheureusement ouvert), avant d’assurer (à haute et intelligible voix, cette fois) à l’avocat en question que « la Cour a toute la patience possible et imaginable »…

Quand on sait que Me Amadou Sall reprend son interrogatoire ce mardi, on se dit qu’elle en aura bien besoin !

Sophiane  Bengeloun

 
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