Publié le 1 Aug 2014 - 17:23
PROCÈS KARIM MEISSA WADE

La messe des militants est dite !

 

Hier, 31 juillet, a démarré le procès ‘’fleuve’’ opposant Karim Wade à l’Etat du Sénégal. Question spectacle, l’audience a tenu toutes ses promesses en oscillant entre tragédie grecque et opéra Traviat-esque !

 

Qu’on l’aime ou qu’on le déteste, force est de constater que le petit prince du PDS mobilise toujours autant, car jamais pareille foule n’a été vue à l’intérieur de la salle 4, pourtant de loin la plus spacieuse du Palais de Justice, avec ses 1 500 places assises !

La salle remplie, les retardataires, en flux continu, se sont, faute de places, adossés contre les murs, assis sur les marches des escaliers donnant sur le présidium ou encore installés sur des tables, les yeux rivés sur le box des accusés.

La star du jour

Là, un seul prévenu attire tous les regards. Frais et dispos, il porte un boubou de couleur ivoire et un long châle enroulé autour du cou… Sur son visage aussi lisse que son crâne rasé, une espèce de demi-sourire, comme s’il savait quelque chose que le commun des mortels ignore. Arrivé dans la salle par une porte cochère, vers 9h45, Karim Meissa Wade a salué la foule debout dans la salle pour l’accueillir ou encore amassée sur la balustrade du premier étage pour lui faire des signes de mains.

‘’Karim ! Karim !’’, chantait la foule. Ce bruit multiplié par mille, grâce à l’excellente acoustique de la salle… L’intéressé salue de la main quelques connaissances qu’il reconnaît dans la foule, lève les deux pouces, fait le V de la victoire et s’assoit tranquillement sur le banc qui lui est réservé. S’il entend les cris de ‘’voleur ! voleur !‘’ qui se mêlent aux acclamations lancées à son égard, il n’en donne pas la moindre impression.

Les prémices d’une guerre froide

Sa mère, Mme Viviane Wade, est venue assister au procès. Les cheveux courts, des lunettes de soleil vissées sur le nez, elle est entourée d’une armée de fidèles et installée en plein milieu de la salle, derrière le banc de la défense. Entre les deux, une espèce de dialogue silencieux s’établira pendant tout le procès, mère et fils se regardant à intervalles réguliers.

La Cour entre dans la salle avec, à sa tête, le Président Henry Grégoire Diop. À sa gauche, le procureur spécial Alioune Ndao surveille l’assistance d’un air sévère… Un calme relatif se fait et les avocats, comme une marée noire, s’échouent à la barre. Pour défendre Karim,  se présentent, notamment, un ancien premier ministre et deux anciens ministres et, pour le compte de l’État sénégalais, le bâtonnier de l’ordre des avocats avec, entre autres, un parlementaire haut en couleur et tonitruant.

Profession : prisonnier politique

Les robes noires se jaugent du regard, se font des signes de tête ou se sourient, mais quelque chose de foncièrement carnassier traîne dans l’air, comme si la salle d’audience était un chenil plein de pitbulls affamés. La Cour essaie de prime abord de calmer le jeu, mais la tension est palpable et le Président prend le parti de faire avancer les choses : il appelle le prévenu à la barre.

Ce dernier, très sûr de lui, s’avance d’un pas rapide. On lui pause les questions d’usage : nom, âge, date et lieu de naissance, prénoms du père et de la mère… Il répond sans frivolités.

‘’Quelle est votre profession ?’’ demande alors le Président.

Et là Karim lâche une bombe :

- ‘’Prisonnier politique actuellement !’’

La salle est sens dessus-dessous. Personne n’osant vraiment croire ce qu’il vient d’entendre. Le Président, secoué, plie l’interrogatoire et renvoie le Golden Boy dans son box.

La grosse (et bruyante) surprise

Plus tard, Karim Wade est rappelé et on lui demande de présenter la liste des avocats constitués pour plaider en sa faveur… Très calme, il égrène les noms, tous de très grands noms, tant en France qu’au Sénégal, et c’est souriant qu’il est renvoyé s’asseoir au milieu des gendarmes. Ensuite, après que les avocats de l’État du Sénégal ont été identifiés, on appelle les témoins… L’exercice est long et pénible, car plus de 90 noms seraient présents sur la liste. Ceux qui sont identifiés sont ensuite emmenés dans la salle 3 qui leur est réservée, avec pour consigne de ne pas venir assister au procès, si ce n’est pour le jour où ils sont censés témoigner…

Le show Rampino

Moïse Rampino, un jeune bloggeur sénégalais d’origine métissée, activiste et sympathisant (à ce qu’il semble) du prévenu, choisit ce moment pour faire un spectaculaire bond à travers la salle : ‘’Nous disons non à la justice corrompue ! Milliardaire 2012 ! Karim Wade Président !’’ hurle-t-il à plein poumon alors que, semant les gendarmes, il court jusqu’à la table du procureur spécial.  Après avoir finalement été appréhendé par quatre solides gaillards, il est évacué de la salle. Les juges, secoués, suspendent encore la séance et, quand ils sont partis, on voit discrètement l’ex-première dame sortir de la salle. Est-elle partie voir ce qu’il est advenu du jeune Moïse ? C’est ce que veut en tout cas la rumeur…. Quoi qu’il en soit, le jeune wadiste a été finalement placé sous mandat de dépôt. Il sera jugé lundi prochain pour trouble d’audience.

Plaideront ? Ne plaideront pas ?

Les heures défilent et presque tous les avocats, dans un sens comme dans l’autre, réquisitionnent la parole pour se lancer des invectives voilées à tour de rôle, réduisant la Cour au rôle d’arbitre entre les deux camps. Conciliants, les juges réaffirment leur volonté de laisser toutes les parties s’exprimer, même si, comme dit Henry Grégoire Diop, ‘’on est encore ici dans six mois’’.

Me El Hadji Diouf entre en scène

Vient le moment de soulever des exceptions et c’est Me El Hadj Diouf qui ouvre le bal. Il souligne l’interdiction de plaider qui s’applique à quelques-uns des avocats de la défense, nommément Mes Amadou Sall, Souleymane Ndéné Ndiaye, Madické Niang et Alioune Badara Cissé.

Cette exception, synonyme de l’ouverture de la boîte de Pandore, sera la seule chose débattue par les avocats jusqu’à la clôture des audiences, à 18h30, sans qu’on arrive à un consensus.

Un finish aux allures de Battle Royale

Les avocats vont ainsi se traiter de tous les noms d’oiseau, avec plus ou moins de subtilités, pour débattre des minutes dudit texte de loi et des raisons pour lesquelles cette dernière s’appliquerait ou ne s’appliquerait pas au cas d’espèce : ‘’Quand on lui pointe du doigt la lune, l’imbécile regarde le doigt!’’ dira ainsi Me El Hadj Amadou Sall, parlant de son confrère parlementaire, avant de jurer qu’il n’y a ‘’que Dieu qui pourrait l’empêcher de défendre Karim Wade’’.

L’avocat sujet de ce petit proverbe explosera à son tour de colère, en décrétant qu’il est victime de ‘’provocations’’ et demande à ce que cela soit consigné dans le registre du greffier… Bref, ça n’a pas vraiment volé très haut !

L’intermède Bourgi

Le seul ‘’sursis’’ qu’on ait eu de cette bataille rangée entre avocats a été l’arrivée très ‘’remarquée’’ de Bibo Bourgi, coïnculpé de Wade qui était malade et alité jusqu’à ce que les juges aient, plus tôt dans la journée, demandé à ce qu’il se présente devant eux… Escorté par deux infirmiers, il est arrivé dans la salle avec deux sacs à perfusion de couleur jaunâtre connectés à son bras.

Chancelant, le teint verdâtre, il a pourtant marché jusqu’à la barre et répondu aux questions concernant son identité, avant de s’asseoir sur une chaise roulante dont il ne décollera plus jusqu’à ce qu’on décide qu’il peut retourner à la clinique du Cap.

Quant à Karim, c’est presque dans un mouvement de triomphe et sous les applaudissements nourris de la foule qu’il a regagné sa geôle, après que les juges, fatigués, ont prononcé le report du procès jusqu’à lundi matin !

La poursuite d’un procès qui promet bien des surprises !

Sophiane  Bengeloun

 

 

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