Publié le 25 Dec 2014 - 07:27
PROCÈS KARIM MEISSA WADE

Une tragédie coupe court à l’audience

 

La nouvelle du décès de l’un des avocats du collectif défendant Karim Wade a mis prématurément fin à l’audience d’hier. C’est à la fin de la pause de la mi-journée que la nouvelle de la disparition de Me Mame Abdou Mbodj est tombée. L’audience a été suspendue jusqu’au 29 décembre, par la Cour. 

 

Ayant pourtant commencé le plus banalement du monde, l’audience d’hier, 40e dans le cadre de ce procès Karim Wade à la CREI, a connu une fin tragique et imprévue.

Mansour fait un tour et puis s’en va

Comme prévu, l’audience s’est ouverte  avec la reprise de l’interrogatoire des témoins. Elle avait été interrompue, il y a plus d’un mois, alors que la Défense s’apprêtait à poser ses questions à M. Mansour Guèye, expert comptable au Cabinet C.I.C.E de Dakar. De petite taille mais, une fois n’est pas de coutume, en costume, le témoin a parlé avec les avocats suscités et, ensuite, la Cour et le Parquet de ce qui l’intéresse, à savoir la gestion des pièces comptables de la société AN Média.

À l’oreille d’un profane, les échanges entre le comptable et les magistrats ont vite sonné comme du chinois. Terme technique après terme technique, la discussion a tourné en débat d’initiés… Seuls Me Seydou Diagne et l’assesseur Yaya Amadou Dia se sont montrés « à l’aise » dans le domaine de la finance, et ont semblé comprendre ce qui se trame. Cela a conduit à la plainte du Président de la Cour, Henri Grégoire Diop. Il a reproché au témoin de « ne pas comprendre » telle ou telle déclaration ou action posée, à l’époque par ce dernier…

Lassé, peut-être, de tant d’hermétisme, le Parquet spécial a finalement abandonné l’offensive et s’est rangé derrière l’irréductible Me Yérim Thiam. L’avocat de la Partie civile a attaqué les déclarations du témoin faites lors de l’enquête, jugées en porte-à-faux avec celles d’hier à la barre. Malgré cela, on a surtout noté que l’interrogatoire de Mansour Guèye s’est bouclé assez vite. Toutes les parties confondues n’ont pas trouvé nécessaire de le retenir à la barre, au-delà de 11h 30mn du matin… Ce qui est, bien sûr, loin de ce à quoi on est habitué. Surtout, concernant la Défense qui, par le passé, n’a pas hésité à étendre son temps de parole sur plusieurs jours ! On n’a plus qu’à espérer que ces nouvelles « bonnes habitudes » ne connaissent, en 2015, le triste sort habituellement réservé aux bonnes… résolutions !

Souleymane Sy se révèle plus sympathique (et pragmatique) que prévu

Deuxième témoin à être interrogé hier, le « coursier » d’Ibrahim Aboukhalil Bourgi. Allant sous le nom de Souleymane Sy, l’homme (qui dit être né en 1962) est de grande taille et de corpulence solide. Vêtu d’un boubou en basin vert olive, il paraît de prime abord sévère, une impression renforcée par l’expression assez taciturne sur son visage et son regard plat. Malgré cet « air à faire peur », néanmoins, on s’est vite rendu compte que le sieur Sy est beaucoup plus sympathique que prévu… Et beaucoup plus taquin aussi ! En effet, hormis le chapitre de sa dévotion à son patron Bibo sur lequel il n’a pas badiné, on peut dire que le témoin a été plutôt facile à vivre sur tous les autres sujets.

Son français étant approximatif (cela du fait qu’il n’a été à l’école que jusqu’en classe de 3e, avant d’aller subir une formation en tant que transitaire), le témoin s’exprime pourtant de manière fort explicite, plutôt imagée… voire colorée ! À titre d’exemple,  lorsque le Président de la Cour lui a demandé s’il « connaissait » Karim Meïssa Wade, l’inculpé principal, Souleymane a très vite répondu par la négative, avant de se ressaisir et de déclarer qu’il « le connaît (NDLR : Karim Wade), puisque tout le monde le connaît », sans avoir « jamais eu à traiter avec lui »… Et quand, une seconde plus tard, Henri Grégoire Diop lui demande s’il connaît le père de ce dernier, Abdoulaye Wade, le témoin a tout de suite levé les bras au ciel, en poussant un cri : « Aaah ! Vous me demandez quelque chose que je ne peux pas dire ! », a-t-il lancé au juge estomaqué.

C’est vous dire qu’on a bien ri, avant la suspension, à la mi-journée, dudit interrogatoire !

L’après-midi tombe sous le coup de la grande faucheuse

Si l’audience d’hier a été beaucoup plus courte que prévu, c’est malheureusement du fait d’une très triste nouvelle : celle de la disparition d’un des associés de Me Madické Niang, Me Mame Abdou Mbodj. Ledit décès, qui est apparemment survenu à la surprise générale, a trouvé à la reprise de l’audience les bancs de la Défense et de la Partie Civile dépourvus de la plus grande partie de leurs occupants habituels.

Remarquant cela, les magistrats, dès leur entrée dans la salle, ont présenté leurs condoléances au Cabinet de Me Niang et au prévenu, Karim Wade, au nom de l’ensemble de la famille judiciaire, avant de demander à ce qu’une minute de silence soit observée en la mémoire de l’avocat disparu. Cet hommage rendu, le Président de la CREI, de concert avec le Parquet et après consultation avec les deux autres parties, a annoncé la suspension de l’audience jusqu’à la semaine prochaine… Plus précisément au lundi 29 décembre 2014.

Sophiane  Bengeloun

 

 

Section: