Publié le 21 Oct 2016 - 22:52
PROCES BARTHELEMY DIAS RENVOYE SINE DIE

Le Parquet se rétracte et brandit l’immunité parlementaire

 

Le suspense continue pour Barthélémy Dias et ses 12 acolytes poursuivis pour la mort de Ndiaga Diouf. Leur procès prévu hier a été renvoyé sine die par le tribunal correctionnel de Dakar, à cause de l’immunité parlementaire dont jouit le député-maire de Mermoz-Sacré Cœur.

 

L’affaire Ndiaga Diouf n’a pas pu être jugée hier. Pourtant les prévenus étaient présents. Notamment Barthélémy Dias, Habib Dieng, Seydina Oumar Mangane, Cheikh Makiyou Siby, Cheikh Diop, Babacar Sy Doucouré,  Malick Thiombane, Bocar Sy, Badara Guèye, Samba Diouf alias Njol, Ameth Guèye et Boubacar Faye. La partie civile, Aliou Diouf, le père de la victime, était également présente. Les témoins, le journaliste Chérif Diop de la TFM ainsi que les nommés Mamadou Moustapha Gassama et Mbaye Sèye, se sont présentés à la barre de la première Chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance de Dakar pour voir le juge renvoyer le procès sine die, car le parquet s’est rétracté.

Le maître  des poursuites, qui a pourtant cité le député-maire Barthélémy Dias à comparaître, a estimé hier que le prévenu ne pouvait pas être jugé, compte tenu de son immunité parlementaire. En fait, après que le tribunal a appelé les parties et témoins à la barre et noté les constitutions des avocats, le premier substitut Aly Ciré Ndiaye a fait des observations. Il a demandé au tribunal d’ordonner le sursis à statuer, car Barthélémy Dias est non seulement un député, mais que l’Assemblée nationale est en session. Car, a-t-il ajouté, ce n’est qu’en cas de flagrance que le député en session peut être jugé. A défaut, son immunité parlementaire doit être levée ou bien il doit bénéficier de l’autorisation de ses pairs. C’est pour respecter le règlement intérieur de l’Assemblée nationale que le parquetier a demandé que l’action publique soit suspendue à l’endroit du parlementaire socialiste.

La jurisprudence Oumar Sarr s’invite à la barre

La réaction de Me El Hadj Diouf ne s’est pas fait attendre. Il a estimé que le tribunal doit aller au-delà du sursis, car il ne peut pas juger son client et collègue parlementaire. ‘’Nous ne plaidons même pas le sursis, mais l’immunité, car on ne peut pas violer l’article 51 du règlement intérieur de notre Assemblée nationale’’, a martelé l’avocat-député. Il a souligné que si la défense avait brandi l’impunité, on l’aurait assimilé à de la peur, or Barthélémy Dias avait lui-même demandé que son immunité soit levée, car ‘’il en a assez de la spéculation’’. Très en verve, Me Diouf a déclaré que la première violation a été commise lorsque la convocation a été servie à Barthélémy Dias. Il a fini par être interrompu par le président Seck Diouf.

Prenant la parole à la suite de Me Diouf, Me Adama Fall, un des conseils de Samba Diouf alias Njol, Cheikh Diop et Baboucar Faye, chargés de la sécurité du Parti démocratique sénégalais (PDS), a estimé que la question est prématurée. Son confrère Me Ousseynou Fall a abondé dans le même sens tout en évoquant la jurisprudence pour dénoncer deux poids deux mesures. L’avocat libéral a rappelé qu’Oumar Sarr a été poursuivi pendant que l’Assemblée était en session. Quoi qu’il en soit, Me Demba Ciré Bathily a fait savoir que son client ne peut pas être jugé seul. ‘’Le parquet demande qu’il soit jugé après, or le procès, c’est un tout. Nous refusons d'être jugé seul’’, a pesté la robe noire.

‘’J'ai renoncé à mon immunité parlementaire par voie épistolaire’’

Me Pape Mor Niang, avocat du père de Ndiaga Diouf, a tenté de s’opposer au renvoi, en soutenant que le parquet, en enrôlant le dossier, n’ignorait pas le statut de Barthélémy Dias. Il a rappelé que les faits se sont déroulés avant qu’il ne soit député. Comme pour mettre fin au débat, Barthélémy Dias a pris la parole pour montrer sa disponibilité à être jugé. ‘’M. le président, je voudrais vous dire que j'ai renoncé à mon immunité parlementaire. Je l’ai fait par voie épistolaire. Donc, je souhaiterais être jugé’’, a-t-il clamé. Hélas ! Sa cause n’a pas été entendue, car après s’être concerté avec ses assesseurs, le président a suivi le parquet dans ses observations, en ordonnant le sursis à statuer.

Pour rappel, Barthélémy Dias est poursuivi pour coups mortels, coups et blessures volontaires et détention d’armes sans autorisation administrative. Ses coprévenus sont également poursuivis pour menaces verbales de mort, rassemblement illicite suivi d’actions diverses.

REACTIONS

KHALIFA SALL (MAIRE DE DAKAR)

‘’… une velléité, une volonté de casser un homme politique’’

‘’D’abord, il faut rendre grâce à Dieu, prier sur le prophète (PSL), prier pour le défunt Ndiaga Diouf, renouveler nos condoléances à sa famille, et se féliciter de ce que Barthelemy Dias ait eu gain de cause. Il n’a de cesse, depuis cet évènement, de demander à être jugé. Quand il a été député, il a demandé à être jugé. Pourquoi a-t-on attendu jusqu’à maintenant ? Cela fait cinq ans qu’il demande à être jugé.  On  l’a attrait devant le tribunal pour aujourd’hui chercher à le juger en connaissant sa situation spécifique. Comment l’interpréter ? Si on laisse libre cours à notre esprit, on subodorerait une velléité, une volonté de casser un homme politique. Le contexte ayant changé, sa posture ayant évolué, on a voulu le mettre dans une posture de faiblesse. Qui connaît l’homme sait que ce sera vain.

Le combat qu’il mène est un combat de conviction, un combat pour lequel nous sommes tous là. Nous ne voulons pas que la situation de Ndiaga Diouf reste non éclaircie. Il faut qu’on le fasse dans des conditions qui soient conformes avec la loi. Oui, c’est politique et personne ne peut le nier. Cette démarche-ci est politique. Parce que, depuis 2011, il demande à être jugé. Il a fait la prison pour ça. Il accepte d’être jugé. Depuis cinq ans, il attend d’être jugé. Et c’est maintenant qu’on l’attrait, parce que la situation est particulière.’’

ME EL HADJI DIOUF (DEPUTE)

‘’C’est à la limite même une violation de la Constitution‘’

‘’Comme vous le savez, la Constitution sénégalaise et le règlement intérieur de l’Assemblée nationale protègent les députés du peuple sénégalais. C’est la raison pour laquelle, il (Barthélémy Dias) est protégé d’une immunité parlementaire. En le convoquant, il savait pertinemment qu’on ne pouvait le juger. C’est à la limite même une violation de la Constitution et de la loi sénégalaise. C’est la raison pour laquelle, comme l’a dit le Tribunal, face à une disposition d’ordre publique, le tribunal était dans l’impossibilité de juger cette affaire. C’est pourquoi il a ordonné le sursis et renvoyé sine die cette affaire.  Barthelemy a dit renoncer à son immunité et qu’il soit jugé sur le champ, mais la loi est plus forte que Barth. Il n’est pas au-dessus de la Constitution. Cette dernière le protège. Il veut être jugé certes, mais ce serait une violation de la loi. Il doit attendre que cette immunité soit enlevée. Le poursuivant peut demander la levée de l’immunité parlementaire, mais si ses arguments sont fondés. N’importe quel député peut demander, mais c’est à l’Assemblée de voir.’’

MAMADOU LAMINE DIALLO (TEKKI)

‘’Un combat contre les violences dans l’arène politique’’

‘’Macky Sall instrumentalise la justice pour des règlements de comptes.  On est en session à l’Assemblée nationale. Je pense que c’est une bonne décision du tribunal qui respecte la loi. Ce qui n’est pas toujours le cas au Sénégal. Moi-même j’ai été jugé pour une affaire de diffamation avec le DG du port, alors que j’étais député. Nous soutenons Barth depuis le début de ce combat. C’est un combat pour l’approfondissement de la démocratie sénégalaise contre les violences dans l’arène politique.’’

THIERNO BOCOUM (DEPUTE DE REWMI)

‘’C’était un combat de Macky Sall et de toute l’opposition, en 2011’’

‘’Nous ne comptons pas le lâcher. Nous comptons le soutenir et jusqu’au bout. Nous l’avions soutenu en 2011 et nous le soutenons encore en 2016. Rien n’a changé entre-temps, ce sont les mêmes faits et les mêmes acteurs. Peut-être entre-temps, il y a eu des intérêts qui ont changé. Il faut le dire et très clairement. Nous, les nôtres n’ont pas changé et nous considérons qu’il doit être appuyé. Il faut le dire : dans le groupe qui le protégeait en 2011, on comptait le président Macky Sall et beaucoup d’autres personnes. Nous ne sommes pas dans le même parti que Barth, mais nous sommes du parti du principe. Nous considérons qu’il y a une nécessité absolue qu’il y ait un procès équitable. Il l’a demandé lui-même, comme tout le monde d’ailleurs. 

Depuis 2011 jusqu’à 2016, pourquoi il n’y a pas eu de procès ? Pourquoi on ne l’a pas convoqué ? Pourquoi on n’a pas levé son immunité parlementaire ? Lui-même a écrit une lettre aux députés pour demander la levée de son immunité parlementaire. Pourquoi ils ne l’ont pas fait et depuis lors ? Et comme par pur hasard, on attend que Barth décide de prendre sa liberté, se détourner de leur politique et être dans l’opposition et même participer à la récente marche de Manko Wattu Sénégal pour que le jour même, on lui envoie une citation à comparaître. Il y a bien entendu anguille sous roche.

Et ce serait très réducteur de se limiter à l’affaire M. Dias, mais à la gestion de la justice. Il ne faut pas oublier que le Président Macky Sall lui-même avait dit que les gens seraient impressionnés par le nombre de dossiers auxquels il n’a pas donné suite…Vous voyez qu’il y a un Exécutif qui a une mainmise sur la justice, qui décide le moment des procès. Nous ne pouvons pas l’accepter. C’est une question de principe. Il faut qu’il y ait une séparation de pouvoirs dans notre pays. Il faut que la justice puisse faire et convenablement son travail et de ne pas être influencé par l’Exécutif. C’était un combat de Macky Sall et de toute l’opposition, en 2011. Vous vous rendez compte que beaucoup d’autres ont préféré croiser les bras. Pourtant, ils étaient présents pour défendre Barth’’

RASSEMBLES PAR CHEIKH THIAM

 

FATOU SY  

 

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