Publié le 27 Jul 2018 - 18:27
PROCES CAISSE DAVANCE

Khalifa absent, Mbaye Touré bat sa coulpe

 

En l’absence de Khalifa Sall hier, l’audience est allée très vite. Tellement vite que l’instruction d’audience laisse la place aux plaidoiries des avocats de l’Etat, suivies de ceux de la Ville de Dakar, aujourd’hui. L’attraction de la journée a été le témoignage de Mbaye Touré qui a réitéré ses propos de première instance.

 

‘‘L’Audience est ouverte !’’. Il est 10 h 41 mn, quand le président de la Cour d’appel, Demba Kandji, embraie sur les débats de la veille. Murmures d’incompréhension dans la salle, puisque Khalifa Sall ne s’est pas présenté à la barre. Boycott suite à la défense de rupture de ses avocats ? Peur de sa déclaration qu’il s’apprêtait à faire ? Le juge n’a pas cherché à connaître les raisons de cette absence détonante et demande derechef à l’un des prévenus, Yaya Bodian, condamné à 5 ans en première instance, s’il voulait répondre aux questions de la cour.  ‘‘Sans la présence de mon avocat, je ne peux pas répondre’’, déclare-t-il avant de rejoindre sa place. Signes d’approbation du public que le juge réprime par une mise au point devenue son lot quotidien désormais. Le co-prévenu suivant, Mbaye Touré, Directeur administratif et financier, prend le contrepied et décide d’affronter les débats. Il a demandé à tenir un propos introductif, mais les interventions récurrentes de Demba Kandji en ont fait un interrogatoire qui, de toute façon, était inéluctable.

‘‘Cette caisse d’avance pose un problème de légalité, car le décret de 2003-657 du 14 aout 2003 avait abrogé toutes les caisses d’avance. On nous dit que, M. Bocoum en l’occurrence, ce n’était pas applicable aux communes’’, lance Mbaye Touré.  ‘‘Vous connaissez une loi qui dit ‘tout le monde sauf… ?’  Une loi s’applique erga omnes’’, lui coupe le juge. Le prévenu cafouille et parvient quand même à se relancer dans des explications sur trois textes qui lui permettent de ‘‘dire que la caisse d’avance n’avait aucune base légale’’. D’après lui, le régime financier des collectivités locales, le décret de 2003 et celui de 2011 annihilent toute légalité. Faisant la genèse de la régie d’avance, il avouera également que son prédécesseur, le mandatement, n’avait aucune base légale, non plus. ‘‘Les gens vont penser que je commence à souffrir de mes 17 mois de prison’’, a-t-il déclaré.

Comme lors du jugement de la première instance, le Daf n’a pas cherché à se solidariser, dans ses réponses, avec le principal accusé. Revisitant son parcours académique, il s’est présenté sous le jour d’un crack qui a eu la mention ‘’Assez bien’’ au Bac en 1983, car c’était la limite. Une Maitrise en sciences économiques à l’Ucad, trois diplômes de 3e cycle, un Dea, plus un autre Master agrémenté d’autres reconnaissances. Malgré toute cette expertise, le juge s’est étonné de la commission du délit. Et ‘‘malgré tout cela, vous confectionniez des titres pour dire de l’argent a été utilisé aux bonnes fins alors ?, lui demande le juge. ‘‘Oui… mais’’, cafouille Mbaye Touré avant de se lancer dans les modalités de fonctionnement et de s’excuser littéralement devant la cour. ‘‘Si j’avais la même connaissance des textes qu’avant l’accusation, je n’aurais pas agi ainsi’’, a-t-il affirmé provoquant un murmure de désapprobation des supporters de Khalifa Sall qui, quelques instants après, quittent la salle en grand nombre.

Si le procureur général s’est abstenu de toute question, l’occasion était trop belle pour l’agent judiciaire de confondre Mbaye Touré. ‘‘Pourquoi avoir continué à recevoir les fonds, 30 millions mensuels, si vous jugez qu’elle n’avait pas de base légale ?’’. Silence gêné du Daf qui avouera finalement que ‘‘ce travail de vérification incombait plus au receveur-percepteur’’. Devant l’instance d’Antoine Félix Diome qui a cantonné sa question, Mbaye Touré de concéder que la connaissance des textes lui est venue a posteriori, puisqu’il a été obligé de se familiariser avec, pendant cette affaire.

L’avocat de l’Etat, Me Yérim Thiam, demandera une confrontation du témoin avec le receveur-percepteur Oumar Bocoum, mais le juge n’accédera pas à la requête. ‘‘C’est tout un mécanisme qu’on a trouvé sur place. Je peux vous garantir que je n’ai jamais eu l’intention d’escroquer’’, avancera-t-il en fin de témoignage. ‘‘La cour est satisfaite de vos réponses’’, lui dira Demba Kandji.

Mbaye Touré a été condamné en première instance à une peine de 5 ans et à une amende de 5 millions pour complicité de faux en écriture de commerce, usage de ces faux, de faux et usage de faux dans les documents administratifs, et escroquerie portant sur les deniers publics.

Patate chaude

Ce témoignage a été le point culminant d’une journée qui, pourtant, promettait, avec la déclaration tant attendue du maire de la Ville de Dakar. Juste avant la reprise de l’audience, ses partisans ont chauffé la salle. Les climatiseurs mobiles en panne, trois ventilateurs sont amenés par la maintenance et placés près des juges et du parquet. Suffisant pour déclencher la liesse des soutiens du maire de Dakar. ‘‘Da gno laal laalaké’’ (‘‘Ils ont touché à de la patate chaude’’).

Une joie qui cédera la place au découragement, avec les témoignages suivants et brefs du chef de la Division financière et comptable, Ibrahima Yatma Diaw, et d’Amadou Diop, Inspecteur des affaires administratives et financières. Ce dernier concédera qu’en tant que membre de la commission de réception, il a dû signer des Pv de réception de mil et de riz sans en avoir constaté la livraison effective. ‘‘On ne pouvait pas avoir le temps matériel de participer à une réception des produits. Je n’ai jamais assisté à une séance de réception’’, dira-t-il. ‘‘Vous avez toujours apposé votre signature, pourtant’’, reprend Demba Kandji. ‘‘Tout à fait !’’. ‘‘Est-ce responsable ?’’. M. Diop cède et veut se lancer dans des explications. ‘‘C’est bon, je vous dispense de la réponse’’, lui lance le président de la Cour d’appel.

OUSMANE LAYE DIOP

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