Publié le 8 Oct 2015 - 19:37
PROCES DE HISSEIN HABRE

Des experts confirment l’existence de fosses communes 

 

Les experts de l'équipe argentine d'anthropologie médico-légale (Equipo Argentino de Antropología Forense) ‘’ EAAF’’ ont confirmé hier, à la barre de la Chambre d’assises des Chambres africaines extraordinaires (CAE), l’existence de fosses communes au Tchad.

 

Après quelques jours d’audition des victimes, des experts ont été de nouveau à la barre de la Chambre d’assises des Chambres africaines extraordinaires (CAE), hier. Il s’agit de six membres de l'équipe argentine d'anthropologie médico-légale (Equipo Argentino de Antropología Forense, EAAF). Composée d’experts balistiques, de médecins légistes, d’anthropologues et d’archéologues légistes, l’équipe, constituée de 4 Argentins, d’un Colombien et d’un Français, avait été désignée par la commission d’instruction des CAE pour chercher des charniers et analyser les ossements qui y ont été découverts. Première à comparaître, l’archéologue légiste Anahi Ginarte a présenté le rapport produit, à l’issue des travaux de prospection, d’excavation et d’exhumation effectués dans certaines localités du Tchad.

Dès l’entame de sa présentation, l’experte a expliqué que l’urbanisation grandissante a fait disparaître certains sites qui auraient abrité des charniers, puisque des habitations y sont érigées. Néanmoins, des prospections ont pu être effectuées au sud du pays, dans les localités de Déli aux environs de la ville de Kourma, Manda Gueré, Ngalo, Maiguide. Au nord également, les localités de Gadjira à Mongo, Madja, Hamral Goz et Tchelme ont été fouillées. Seulement dans plusieurs des lieux visités sur indications des témoins, il n’y avait aucune trace de charniers ou de restes d’ossements humains, sauf à Mabrouka situé à 2 km de la ville de Abéché. D’après Mme Ginarte, lors de la mission effectuée en décembre 2013, une fosse commune avec 18 corps y a été découverte. Les cadavres étaient enterrés avec leurs habits dans un trou d’une profondeur d’un mètre.

Les ossements prouvent qu’ils étaient enterrés sans aucune sépulture, puisqu’il s’agit de restes humains recouverts par des habits. La même situation s’est produite dans la ferme de Déli où, d’après l’anthropologue légiste Claudia Bisso, 21 corps été découverts. Selon les explications de l’experte, 2 des corps dont celui d’un jeune de 16 ans et d’un adulte ont été enterrés dans une latrine. 9 autres se trouvaient dans une fosse commune. D’autres fosses ont été découvertes dans la même ferme. D’ailleurs, dans un communiqué de presse, les victimes soulignent  que ces découvertes confirment le massacre survenu à Déli. En fait, rappelle la note, ‘’les rebelles “CODOS” avaient accepté de se rallier au régime et furent invités à une cérémonie officielle d’intégration, en septembre 1984, dans une ferme du village. Le jour de la cérémonie, des agents du régime sont arrivés et ont procédé à l’exécution de plus de 200 rebelles et de cadres civils qui travaillaient à la ferme’’.

 Quoi qu’il en soit, les images produites par l’anthropologue argentine montrent des impacts de balles, soit sur le crâne, soit à la jambe ou la colonne vertébrale de certains des restes de cadavres moulés encore dans des habits. Il s’y ajoute que, d’après Mme Bisso, certains cadavres avaient toujours leurs affaires personnelles, puisque certains portaient des bagues et avaient des objets dans leurs poches ou avaient des membres ligotés. Selon les précisions de l’archéologue, les victimes sont des civils au regard de l’analyse des restes d’habits trouvés sur les restes humains. Contrairement aux victimes qui veulent lier cette découverte à l’exécution des rebelles codos survenue en 1984, l’experte a laissé entendre que les corps ont été enterrés en 1982. Une conviction qu’elle fonde sur la pièce de 10 francs datant de cette année découverte dans la poche d’un reste de cadavre.

La déposition des deux archéologues a été complétée par celle de leur collègue anthropologue Mercedes Salado Puerto dont le rapport a porté sur les résultats de l’analyse des ossements découverts durant l’instruction. Un travail fastidieux, puisqu’avec le temps, la composition génétique de certains ossements se détériore. C’est le cas de ceux découverts dans la localité de Koumra. Cependant, dans la ferme de Déli, l’analyse génétique a permis d’identifier certains cadavres (leurs noms, sexes et âges), après une analyse génétique sur leurs parents biologiques. Il résulte de la présentation de Mme Puerto que parmi les restes humains analysés, trois étaient des jeunes âgés entre 15 et 20 ans. Certains ossements sont ceux d’une femme. Quatre cas de traumatisme crânien ont pu être découverts... L’analyse a permis de découvrir que les ossements découverts à Abéché ne sont pas des restes humains, mais plutôt d’animaux. Le reste de l’équipe doit faire sa déposition aujourd’hui. 

FATOU SY