Publié le 23 Feb 2012 - 14:31
PROCES DE ''Y'EN A MARRISTES''

Six mois avec sursis requis

''Ces gens sont poursuivis, dit-on, pour participation à l’organisation d’une manifestation interdite. Dans le Code pénal, un tel délit n’existe pas'', a asséné, un exemplaire du Code pénal entre les mains, l'avocat Me Mame Adama Guèye, hier, au procès en flagrants délits de Simon Kouka, Landing Mbessane Seck alias Kilifeu, Abdou Karim Guèye et Serigne Sakho, tous membres de Y en a marre. Un argument venu renforcer celui de son collègue, Me Boucounta Diallo qui a qualifié le dossier de ''vide'' après une longue plaidoirie. ''Si l’on se fie au résumé de la Police, il n’y a pas matière à poursuivre. Il est dit dans le procès-verbal de la Police que ces jeunes voulaient violer, donc ils n’ont pas violé (la loi)'', a soutenu Me Diallo.

 

Ainsi, le pool d’avocats a plaidé la relaxe pure et simple de Simon Kouka et Cie arrêtés le 16 février aux abords de la Place de l’Obélisque, à Dakar, pour ''participation à l’organisation d’une manifestation non autorisée sur la voie publique''. Le mouvement ''Y en a marre'' y avait convié ses membres et sympathisants à une opération Fanaan (veillée) pour dénoncer la candidature d'Abdoulaye Wade. Interdits de manifester par l’autorité administrative, les jeunes ''y en a marristes'' ont fait tout de même le déplacement à ladite place publique le jour dit.

 

''Pensez-vous qu’il est responsable d’aller à une manifestation non autorisée ?'' a demandé le procureur au rappeur Simon Kouka, membre fondateur du mouvement protestataire. Se tenant droit sur son imposant 1,93m l’auteur du tube ''Abadan bagnkaat'' (éternel contestataire), sans ciller, a rétorqué au maître des poursuites : ''Nous ne sommes pas allés à la Place de l’Obélisque pour braver l’interdit, même si nous avions l’intention d’organiser une manifestation pacifique et non violente''. Landing Mbessane Seck, alias Kilifeu et Abdou Karim Guèye di Xurum Xax répèteront le même refrain. Seul Serigne Sakho, qui ne fait pas partie du noyau dur de Y en a marre, a répondu ignorer l’interdit du Préfet.

 

Le Procureur s’est basé sur la présence massive des jeunes à la place de l'Obélisque pour dire qu’ils avaient l’intention de braver l’interdit. Il a donc requis une peine de six mois de prison assortie de sursis. Argument battu en brèche par la défense. ''Ces jeunes, en venant, savaient que la place de l’Obélisque était entouré de policiers. Si on veut braver un interdit, on ne vient pas les mains vides. Il n’y a pas eu un seul jet de pierres'', a déclaré Me Mame Adama Guèye.

 

 

La politique s’invite dans les débats

 

''Ce procès est un procès politique. Son mobile le détermine'', a dénoncé l'avocat Boucounta Diallo. Pour lui, la police a été manipulée. ''La police n’a pas suivi les voies légales. Il est dit qu’il faut dire à ceux qui organisent une manifestation non autorisée sur la voie publique de se retirer par un haut-parleur, des signaux lumineux, puis une sommation, ensuite deux, avant de procéder à une arrestation''. Ce qui n'a pas été le cas avec Simon Kouka et Kilifeu. ''La Police manque de moyens, me dirait-on. Mais si on peut se payer des lacrymogènes à des prix d’or, on doit pouvoir respecter la loi'', a raillé la robe noire.

 

Me Diallo s'est fait un plaisir de rappeler au tribunal la jurisprudence du président sortant Abdoulaye Wade lors de l’arrestation de Mes Amadou Sall et Ousmane Ngom, en 1988. Wade aurait, à cette époque, défendu que nul n’a besoin d’introduire une lettre pour demander l’autorisation de manifester. Et même si le procureur s’est interdit de parler de l’arrêté du ministère de l’Intérieur, Me Diallo l’a évoqué au cours des débats. ''Cet arrêté est illégal. Comment un arrêté peut-il venir mettre en cause la Constitution'', s’est-il interrogé. Son collègue et ex-bâtonnier, Me Mame Adama Guèye mettra de l’huile sur le feu en soutenant que ''le Préfet de Dakar n’est pas légitime''. Car, a-t-il avancé, ''l’État de droit, c’est la primauté de la loi et il faut la faire appliquer à tous''.

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