Publié le 22 Jul 2015 - 12:57
PROCES HABRE RENVOYE AU 7 SEPTEMBRE

Le coup de théâtre

 

Les avocats de la partie civile ont été surpris de voir la Chambre d’assises des Chambres africaines extraordinaires (CAE) accorder un délai de 45 jours aux trois avocats commis d’office pour Hissein Habré. Ils ont laissé éclater leur colère, d’autant que le procès a été renvoyé au 7 septembre.

 

Cela a été le coup de théâtre ! Au deuxième jour du procès de Hissein Habré, attrait devant la Chambre d’assises des Chambres africaines extraordinaires (CAE) pour crimes contre l’humanité, crimes de guerre et crimes de torture, à la surprise générale, surtout des victimes présumées et de leurs avocats, le procès a été ajourné jusqu’au 7 septembre prochain. C’est la conséquence de la commission d’office de trois avocats pour l’ex-président tchadien.

Hier, constatant que Me Ibrahima Diawara et François Serres ne se sont pas présentés à la barre sur instruction de leur client, le président de la Chambre d’assises, Gberdao-Gustave Kam, a commis Mes Mounir Ballal, Mbaye Sène et Abdou Gningue pour défendre les intérêts de l’accusé. Le trio a été choisi, après délibération sur la short-liste remise par le bâtonnier sur la demande de la Chambre. Ainsi, le président et ses assesseurs ont fait application de l’article 298 du code de procédure pénale qui dispose : ‘’A l’audience, la présence d’un défenseur est obligatoire. Si le défenseur choisi ne se présente pas, le président de la Cour en commet’’. C’est pour permettre aux avocats commis de s’imprégner du dossier qu’un délai de 45 jours leur a été accordé.

‘’Ce renvoi est une perte sèche qui va engendrer d’autres pertes’’

Un délai qui sera certainement long pour les victimes présumées et leurs avocats sonnés par le renvoi. Et les conseils ont tenté du mieux que possible de s’opposer au renvoi. Parce qu’ils sont convaincus que Hissein Habré va récuser ses nouveaux avocats. ‘’M. Le président, il faut demander à l’accusé s’il compte récuser ou pas ses avocats’’, a lancé avec insistance Me Jean Louis Gauthier, du Barreau de Bruxelles. Son confrère Me William Bourdon n’y est pas allé par quatre chemins pour dire aux juges qu’ils n’ont pas besoin d’accorder de délai aux avocats, car ils seront sans doute récusés.

 ‘’Son système de défense, c’est le mépris et le cynisme qui ont été le bras armé de tous ses forfaits, donc, il faut bien peser votre décision’’, a tenté de convaincre l’avocat. Et d’ajouter: ‘’Pensez-vous qu’il va leur (aux avocats commis) donner des instructions ? Il se moque autant de vous que de votre Cour et j’en appelle à votre conscience de juge, de juge de l’humanité car il risque, dans un ultime crachat, venir vous dire : «Merci j’ai pu me reposer dans ma cellule mais je ne veux pas d’avocats »’’. Ainsi, de l’avis de Me Bourdon, les 45 jours de suspension sont ‘’une perte sèche qui va engendrer d’autres pertes’’. Pis, il juge que le renvoi ‘’est extrêmement risqué et dangereux’’, surtout que le tribunal risque ‘’de faire le jeu de la tentative annoncée de saboter et de paralyser la justice’’.

Le juge Kam : ‘’Il n’est pas opportun de demander à Habré s’il va collaborer ou récuser les avocats’’

Dans ses observations, l’avocat général Mbacké Fall a abondé dans le même sens que Me Bourdon. Le magistrat a estimé qu’il n’est pas nécessaire de poser la question à l’accusé. ‘’Je partage entièrement le souci des parties civiles. Depuis le début, c’est la négation de la Chambre et il n’a jamais voulu collaborer. Il ne va pas prendre contact avec ses avocats car il ne reconnaît pas votre juridiction’’, a mis en garde le parquetier, tout en précisant qu’il n’appartient pas à Hissein Habré de récuser ses avocats.

Le président de la Chambre d’assises s’est inscrit dans la logique du parquet. Pour le juge Kam, ‘’il n’est pas opportun de demander à Habré s’il va collaborer ou récuser les avocats’’. ‘’Sa stratégie étant le silence, il sera muet comme une carpe et je pense qu’on ne tirera rien de lui’’, a-t-il soutenu, se disant surpris par l’attitude de la défense. Selon le président, le renvoi s’impose. ‘’Nous ne pensions pas organiser un renvoi, car à l’audience d’identification du 1er juin passé, l’accusé a comparu avec ses avocats’’, a-t-il dit.

FATOU SY

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