Publié le 5 Jul 2018 - 20:22
PROCES IMAM NDAO

Les associations islamiques poussent pour un acquittement

 

A deux semaines du verdict du procès d’imam Alioune Ndao, les associations islamiques de soutien pour la libération du religieux, accusé d’acte de terrorisme avec 28 autres personnes, mettent la pression. En conférence de presse hier, elles ont demandé que, le 19 juillet prochain, date du délibéré, tous les accusés quittent le tribunal blanchis et lavés.

 

Acquittement. C’est le seul mot que les associations islamiques de soutien pour la libération de l’imam Alioune Ndao aimeraient entendre, le 19 juillet prochain, date à laquelle la Chambre criminelle spéciale du Tribunal de grande instance de Dakar rendra son verdict dans cette affaire où le religieux est accusé d’actes de terrorisme avec 28 autres personnes. Lors du procès, le Parquet avait requis différentes peines. Trois accusés encourent entre 5 et 10 ans ferme. Trois autres risquent 15 ans de travaux forcés, tandis que deux accusés seulement encourent 20 ans de travaux forcés. L’imam Alioune Ndao est le seul contre qui planent 30 ans de travaux forcés, au moment où Makhtar Diokhané et 11 autres personnes sont la menace des travaux forcés à la perpétuité. Soit au total, 21 condamnations demandées contre 8 acquittements.

Pour les soutiens et les familles des détenus, c’est tout le monde qui doit être acquitté, car l’accusation n’a apporté aucune preuve, à leurs avis, surtout à l’endroit de l’imam. ‘’Aucune preuve des accusations à son encontre n’est, à ce jour, fournie. On lui reproche des chefs d’accusation totalement imaginaires. Pourquoi ? Parce qu’il veut vivre sa religion telle que recommandée par Dieu’’, fustigent-ils dans une déclaration préliminaire lue par le président du Rassemblement islamique du Sénégal (RIS), Cheikh Moctar Kébé. ‘’Tout ce qu’on peut reprocher à l’Imam, c’est de vouloir vivre sa religion de manière authentique (…) Imam Alioune Ndao est le prototype d’homme de Dieu que beaucoup de Sénégalais cherchent aujourd’hui. C’est un monsieur humble qui aime sa patrie, aide ses concitoyens’’, soutiennent les signataires de la déclaration.

Il s’agit de la Ligue des imams, du RIS, de la Jamatul Ibadou Rahmane, de la Dahira des Moustarchidines, de l’Association des élèves et étudiants musulmans du Sénégal (Aeems), de l’ONG Jamra, de la Coordination musulmane de  Rufisque, de la Coordination musulmane de Kaolack, de Nitou deug, Daroul Arkham. Tous se disent ‘’convaincus de la totale innocence du religieux que l’Etat du Sénégal est en train de salir’’. Et pour Imam Ahmed Dame Ndiaye, secrétaire général de la ligue des imams et prédicateurs du Sénégal, c’est l’un des siens qui est accusé à tort. ‘’Il est membre de la ligue et l'un des plus dynamiques et efficaces. Ce qui lui arrive relève du destin, mais il n’est pas coupable des faits qu’on lui reproche’’, déclare-t-il. Et d’ajouter : ‘’Le 19 juillet, tout ce que vous voulons entendre dire les juges, c’est :  Imam vous n’avez rien fait. Rentrez chez vous car nous nous sommes trompés.’’

Optimisme chez les familles des accusés

Le même sentiment d’espoir est partagé par Djibril Sabaly qui dit avoir confiance en la Justice. ‘’Nous n’attendons qu’une seule chose du Sénégal qui se targue d’être un Etat de droit, que la vérité soit dite. Dire la vérité n’est rien d’autre que de dire le droit en libérant Imam et ses co-accusés’’, a-t-il déclaré. Ce dernier qui parlait au nom des familles des accusés d’ajouter que l’imam est un éducateur et que la société a besoin de lui.

Quant à Mame Mactar Guèye de l’ONG Jamra, il a dénoncé ‘’la manière irrespectueuse et inhumaine’’ dont l’imam a été arrêté chez lui, à Kaolack, Par ailleurs, le patron de Jamra a déploré le silence des occidentaux par rapport aux attaques contre l’islam faites souvent par des intellectuels au nom de la liberté d’expression. Pour lui, c’est du terrorisme intellectuel et le fondamentalisme religieux doit être condamné au même titre que l'intégrisme laïc. Aussi, s’est-il demandé pourquoi l’Etat du Sénégal n’a pas donné la même chance au religieux que celle qu’il a donnée aux deux terroristes libyens qu’il a accueillis à bras ouverts, après leur sortie de la prison américaine de Guantanamo. Cela d’autant que, de l’avis du Professeur Malick Ndiaye, ‘’tout ce qu'on reproche à imam, c'est d'enseigner la religion’’. Pour lui, au-delà des musulmans, ‘’même les chrétiens doivent être interpellés par cette affaire ochestrée par les franc-maçons’’. Ce qui fait dire à Abdou Karim Guèye de Nittu Deug que ‘’l’accusation de terrorisme est une honte’’. ‘’Nous avons compris qu'on combat la religion. Comment en sommes nous arrivés là ? Dans ce pays, on défend les homosexuels, les chanteurs, mais personne pour les musulmans’’, a-t-il martelé.

‘’S'ils sont des juges indépendants…’’

Quoi qu’il en soit, Me Massokhna Kane, un des conseils de l’imam, persiste à dire qu’‘’il n'existe aucune preuve dans le dossier’’. L’avocat, qui avait été boycotté par la presse durant le procès, s’est livré à une nouvelle plaidoirie pour démonter l’accusation. ‘’Comment peut-on demander des condamnations de 30 ans et de pépétuité sans apporter de preuve ? C’est grave et irresponsable ! Cela prouve qu'on peut arrêter n'importe qui et l'emprisonner’’, a fustigé la robe noire qui accuse les USA et la France d’être derrière ce dossier, à travers des financements destinés à la formation des enquêteurs dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.

Tout compte fait, il juge que les procès-verbaux ont été montés de toutes pièces, puisque truffés de contrevérités qui ont été reprises par le Parquet dans son requisitoire et le Doyen des juges dans son ordonnance de renvoi. Dans le même ordre d’idées, il a dénoncé l’ingérence des Américains dans le dossier. Il trouve ‘’scandaleux’’ que ces derniers aient demandé au Parquet de s’entretenir avec toutes les personnes mises en cause. Revenant sur la procédure, Me Kane a reproché aux enquêteurs et au juge d’instruction de n’avoir pas perquisitionné les champs de l’imam, puisqu’il est mentionné qu’ils servent de lieux d’endoctrinement et d’entraînement de djihadistes.

L’autre élément qui innocente l’imam, à son avis, c’est le fait qu’il ne connaît que 6 personnes parmi ses 28 co-accusés. Il s’y ajoute qu’il a dissuadé son co-accusé Saliou Ndiaye de se rendre en Afghanistan. Fort de ces arguments, il reste persuadé qu’un tribunal ne peut pas condamner l’imam Ndao et Cie. Aussi s’est-il montré confiant à l’endroit de la Chambre criminelle qui, souligne-t-il, ‘’est un tribunal qui a une composition très riche qui a en son sein un juge Imam et un autre de confession chrétienne’’. ‘’On ne peut pas les berner. S'ils sont des juges indépendants, ils ne vont pas condamner sans preuve’’, a conclu M. Kane.

FATOU SY  

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