Publié le 2 Aug 2014 - 01:09
PROCES KARIM WADE

Les avocats anciens ministres indésirables 

 

Après plusieurs mois d’attente, le procès de Karim Wade s’est ouvert hier, au Palais de Justice Lat Dior.  Le fond n’a pas été encore abordé car les conseils de l’Etat  veulent exclure du dossier certains avocats de Karim Wade, notamment les anciens ministres. Le procès se poursuit lundi prochain.

 

Le procès de Karim Wade s’est ouvert hier sur une bataille procédurale. Les avocats de l’Etat ont soulevé une exception pour demander à la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI) d’écarter du dossier Mes El Hadj Amadou Sall, Souleymane Ndéné Ndiaye, Madické Niang et Alioune Badara Cissé. Me El Hadj Diouf, qui a soulevé l’exception, a fondé sa requête sur les dispositions de l’article 11 de la loi fondamentale sur les avocats.

Selon ses explications, en tant qu’anciens ministres, les avocats cités ont le statut d’anciens agents de l’Etat. Or ladite loi leur interdit de se constituer contre l’Etat, tant qu’ils n’ont pas observé un délai de rigueur de trois ans. Un argument que les avocats indexés se sont évertués à balayer d’un revers de main. Les conseils mis en cause ont affirmé qu’ils n’ont été ni agent de l’Etat, ni fonctionnel, ni contractuel. ‘’Un avocat devenu ministre n’est pas un agent de l’Etat. Nous ne sommes pas régis par le code général de la Fonction publique. Je n’avais pas fait de concours pour entrer dans le gouvernement et je n’ai pas été licencié en sortant’’, a répliqué Me Cissé, ancien ministre des Affaires étrangères. Fidèle à lui-même, Me El Hadj Amadou Sall, en réfutant la qualité d’agent ou de fonctionnaire, d’asséner : ‘’vous allez devoir souffrir ma présence. Sauf Dieu, personne ne peut m’empêcher de rester pour défendre Karim avec bec et ongles’’.

Les anciens Premier ministre et ministre des Affaires Etrangères, Mes Souleymane Ndéné Ndiaye et Madické Niang, ont abondé dans le même sens. Mieux, ils ont estimé que leurs confrères n’ont pas la qualité requise pour formuler une telle demande. ‘’Est-ce que la constitution de partie civile de l’Etat est recevable ? Car si par extraordinaire le délit d’enrichissement illicite est retenu, Karim ne peut pas être condamné pour payer quoi que ce soit’’, a laissé entendre Me Ndiaye. Me Madické Niang de renchérir : ‘’les délits concernent le peuple, pas l’Etat du Sénégal’’.

Devant cette levée de boucliers, Me Moussa Félix Sow a appuyé la requête de Me El Hadj Diouf, en évoquant la convention de l’Union africaine sur la prévention et le lutte contre la corruption, ainsi que celle des Nations unies. Lesquelles définissent ‘’l’agent public comme tout fonctionnaire ou agent de l’Etat- ceux qui ont été sélectionnés, nommés ou élus pour entreprendre des activités pour l’Etat à tout niveau de hiérarchie’’. ‘’Comment un ancien Premier ministre peut-il dire que je n’ai jamais été agent de l’Etat ?’’ s’est interrogé Me Yérim Thiam, avant de demander à la Cour de se référer à la jurisprudence de l’affaire de l’étudiant Apollinaire Diatta dans laquelle le tribunal des flagrants délits a rejeté la constitution de partie civile de Me Souleymane Ndéné Ndiaye.

Comme pour jeter de l’huile sur le feu, Me Moustapha Mbaye, dont la constitution pour l’Etat a été critiquée par Me Bathily, dira : ‘’Mes confrères auraient dû s’abstenir de participer à ce procès, vu qu’ils pouvaient éviter les faits’’. Me El Hadj Diouf, sur un ton moqueur de lancer : ‘’Qui les payait ? Peut-être qu’ils étaient des agents secrets du Maroc, de la Russie…’’. Loin de l’ironie, Me Baboucar Cissé a trouvé ‘’honteux’’ que la question soit débattue devant la Cour. Comme pour sonner la fin de la récréation, il a déclaré : ‘’On est en train de nous égarer. C’est une cuisine interne. De grâce, on perd du temps, car la question doit être tranchée par le bâtonnier’’. Finalement la Cour a décidé de délibérer sur l’exception lundi prochain.

Bibo cueilli à l’hôpital

Ceux qui pensaient que le procès de Karim Wade allait être renvoyé à cause de l’absence de Ibrahima Khalil Bougi ont vite déchanté hier. A l’appel de leur client, Me Guédel Ndiaye a présenté un certificat médical pour justifier l’absence de l’homme d’affaires. ‘’Hosni Moubarak était malade, mais il a comparu sur un lit d’hôpital. Donc, la moindre des choses, c’était de présenter le certificat médical trois jours avant l’audience’’, lui a fait remarquer le président Henry Grégoire Diop, avant d’accepter le document. Toutefois, il a fait appel des dispositions de l’alinéa 2 article 132 du code de procédure pénale, pour décerner un nouveau mandat à l’homme d’affaires sénégalo-libanais. Cette décision a mis la défense dans tous ses états, au point que Me Papa Leyti Ndiaye a menacé de récuser le président. Profitant de la suspension d’audience, il a laissé éclater sa colère, en soulignant que l’affaire Hosni Moubarack n’est pas une référence, vu l’image dégradante qu’elle a véhiculée. ‘’C’est une comparution déplacée’’, a-t-il asséné, tout en s’interrogeant sur l’impatience des juges, dans la mesure où c’est aujourd’hui qu’une contre-expertise médicale sera faite. Me Ousmane Sèye a estimé, pour sa part, que ‘’même s’il s’agit d’une décision légale, cela n’en valait pas la peine’’.

Il faut souligner que le procès s’est ouvert en l’absence de quatre coïnculpés de Karim Wade. Il s’agit de Vieux Aidara, Karim Khaled Bourgi, Mballo Thiam et Evelyne Diouf. Le quatuor serait en fuite, selon le président. 

FATOU SY 

 

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