Publié le 27 Dec 2018 - 17:17
PROCES POUR INSULTE PAR LE BIAIS D'UN SYSTEME INFORMATIQUE, OUTRAGE AUX CHEFS RELIGIEUX…

Assane Diouf risque 5 ans de prison 

 

Cinq ans ferme. C'est la peine que le parquet a requise, hier, contre Assane Diouf. Celui qui est désigné comme l'’’insulteur public’’ a plaidé non coupable, tout en maintenant tous les propos qui lui valent son incarcération depuis 13 mois. Il est retourné en prison, en attendant le 8 janvier 2019, jour où le tribunal correctionnel de Dakar va décider de son sort.

 

Après 13 mois de détention préventive, Assane Diouf a été attrait, hier, à la barre du tribunal correctionnel de Dakar. Celui qui est appelé "Insulteur public n°1" encourt 5 ans ferme. Mais il a clamé son innocence. Vêtu d'un boubou demi-saison vert-clair, Assane Diouf a comparu sur une chaise, à la demande de ses avocats. "Il a été agressé en prison par les gardes. Il s'est retrouvé avec une double fracture à la jambe", a justifié Me El hadj Diouf. Ainsi, interpellé d'abord sur le délit d'insulte par le biais d'un système informatique à l'endroit de Serigne Bass Abdou Khadr et chefs religieux, Assane Diouf a soutenu qu'il n'a jamais insulté, ni outragé le porte-parole du khalife général des mourides. "Je ne lui ai pas manqué de respect. Je lui ai juste demandé d'où vient sa richesse, notamment les milliards qu'il possède. Je l'ai vu avec de belles maisons", s'est défendu Assane Diouf.

‘’Pourquoi cette interpellation ?’’. A cette question du juge, il a répondu : "Il est notre porte-parole et en tant que mouride, j'en ai le droit, puisque je le connais. El Hadj Bara nous a éduqués. Je sais qu'il ne travaille pas et il ne dispose pas de société. Moi, j'ai fait 17 ans aux Usa et pourtant je ne dispose pas de milliards."

Interrogé sur l'outrage aux chefs religieux, il a rétorqué au juge : "C'est quoi un chef religieux ?" Avant d'ajouter : "C'est galvaudé maintenant, puisque le chef religieux, c'est quelqu'un qui a un ‘daara’ et cultive la terre pour nourrir ses talibés."

Assane Diouf a également balayé d'un revers de main le délit d'outrage à des agents de la force publique dans l'exercice de leur fonction, notamment les policiers de Guédiawaye. "Je n'ai jamais insulté de policiers, au contraire, ce sont eux qui ont tenu des propos outrageants à mon endroit", a déclaré Assane Diouf. Toutefois, il a confirmé avoir accusé les policiers de corrompus. "Billahi, c'est vrai, car j'en ai la preuve pour l'avoir vécu. Un jour, un policier m'a réclamé 10 000 F", a-t-il narré.

Le président de lui faire remarquer qu'il ne peut pas se baser sur un seul fait pour mettre tout le monde dans le même sac. "J'habite au croisement Sam Guédiawaye où des agents sont en faction de 8 h à minuit, et chaque jour, je les vois à l'œuvre", a rétorqué Assane Diouf. Il a nié avoir traité les policiers de poltrons et de clochards.

Sur la diffusion de fausses nouvelles, notamment les accusations d'enrichissement illicite des chefs religieux, il a plaidé non coupable, mais s'est empressé de préciser qu'il n'a fait que dire la vérité. "Barki Serigne Fallou, ils ont des milliards. Je l'ai vu de mes propres yeux", a-t-il avancé, tout en citant Serigne Bass Abdou Khadr. Qui, dit-il "n'avait même pas 10 000 F Cfa comme épargne. Je lui avais même offert une montre, lorsque je partais aux Usa. Mais, à mon retour, il m'a montré une maison qui vaut plusieurs milliards", a déclaré le prévenu.

‘’Mon pseudo sur Facebook, c'est Ndongo Lô’’

S'agissant du délit d'injures publiques par le biais d'un système informatique, au cours de l'interrogatoire d'audience, Assane Diouf a contesté s'être adressé au grand public, à travers ses lives. "Lorsque je publie sur Facebook, ça reste entre mes amis. C'était dans un cadre privé. Ce sont eux qui ont publié mes vidéos, mais Facebook, c'est comme un "grand-place", a soutenu le rapatrié des Usa.

"C'est quoi "Domeram Tv ?", lui a demandé le président Amath Sy. Assane Diouf de répondre : "Ce sont les gens qui ont donné l'appellation, mais mon pseudo sur Facebook, c'est Ndongo Lô." Même s'il a confié qu'il a l'insulte à la bouche, il a laissé entendre qu’il n'y a rien d’injurieux dans l'usage du mot "domeram" adressé aux policiers de Guédiawaye. Pour lui, ce terme signifie quelque chose d'illicite.

Si tout au long de l'interrogatoire, Assane Diouf a fait preuve d'un calme, il a craqué, lorsque ses avocats l'ont interpellé sur les motivations de ses sorties virulentes contre différentes personnalités politiques et religieuses. La voix tremblotante, il a expliqué qu'il a commencé ses sorties lorsque Macky Sall a décidé de ne plus respecter sa promesse de faire un mandat de 7 ans et non 5 ans. "Je passais tout mon temps à fulminer contre ce qui se passe dans mon pays. Alors ma femme m'a suggéré de trouver une tribune où m'exprimer", a-t-il fait savoir, tout en soulignant qu'il a été injustement accusé de terroriste, à cause de ses attaques contre le pouvoir.

Dans son réquisitoire, le substitut Seydina Oumar Diallo a anticipé sur la plaidoirie de la défense. "Ils vont vous dire qu'il n'y a pas de partie civile, mais ils ignorent qu’avec la loi de 2016 relative aux infractions commises par le biais d'un système informatique, l'on n’a pas besoin de plainte", a-t-il martelé. Quoi qu'il en soit, il estime que tous les faits reprochés au prévenu sont établis. Citant une jurisprudence française, le parquetier a relevé que le message d’Assane Diouf était accessible au public et l'argument du caractère privé ne saurait prospérer, puisque les lives n'ont pas été publiés dans un cadre restreint.

Me El Hadji Diouf : ‘’On veut le rendre fou’’

Un réquisitoire jugé sévère par Me Diouf qui estime qu'aucun délit n'est établi. "Il n'y a pas de fausses nouvelles. Il n'a outragé aucun ministère de culte encore moins de policiers. Pourquoi cet acharnement ? On veut le rendre fou, en le mettant seul dans une cellule", a plaidé l'avocat. Son confrère Me Ciré Clédor Ly a dénoncé "un complot d'État contre un pauvre citoyen". "Assane Diouf a rempli un devoir républicain qui est celui de critiquer. Il a dénoncé la corruption dans la police. On devait le féliciter au lieu de l'emprisonner", a ajouté le conseil, non sans déplorer les mauvais traitements subis en prison par leur client. C'est pourquoi, Me Diouf a demandé au tribunal de le mettre en liberté provisoire, au cas où l'affaire serait mise en délibéré.

Le parquet s'y est opposé, évoquant la gravité des faits et les risques de trouble à l'ordre public. Face à son refus, les avocats ont retiré leur demande.

Le tribunal a mis l'affaire en délibéré au 8 janvier 2019.

FATOU SY

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