Publié le 3 Jul 2015 - 10:28
PROCES TAHIBOU NDIAYE

La défense rejette la constitution de partie civile de l’Etat… 

 

Hier, les avocats de Tahibou Ndiaye ont clôturé leurs plaidoiries en déclarant irrecevable la constitution de partie civile de l’Etat. Avec les amendes réclamées par le parquet spécial et la confiscation de tous les biens des prévenus, ils estiment que l’Etat veut battre monnaie et dépouiller l’ex-Dg du Cadastre de tout ce qu’il a gagné dans sa vie.

 

La question de ‘’l’irrecevabilité’’ de la constitution de partie civile a été soulevée avant-hier par Me Demba Ciré Bathily qui disait : ‘’l’Etat n’a pas sa place dans ce procès et la partie civile n’a pas soutenu non plus en quoi l’Etat a subi préjudice.’’ Hier, Me Abdourahmane So dit Lénine est revenu à la charge. Selon la robe noire, ‘’c’est une hérésie que l’Etat réclame 3 milliards’’. D’après son argumentaire, non seulement, il n’existe pas d’infraction, mais ‘’si l’Etat ne peut pas établir un préjudice matériel, réel, sa constitution de partie civile est irrecevable’’. Il s’y ajoute, selon son confrère Me Borso Pouye, que les conseils de l’Etat ‘’n’ont ni caractérisé le préjudice ni justifié en quoi le supposé préjudice vaut 3 milliards’’.

‘’On ne peut pas minimiser le préjudice moral. Ne serait-ce que ce procès que l’Etat aurait pu éviter. Et ce n’est pas de gaieté de cœur que l’Etat poursuit un ancien fonctionnaire’’, a rétorqué Me Yérim Thiam, dans sa  réplique. Toujours est-il que Me So considère que si l’Etat a subi un discrédit, il ne peut pas réclamer de dommages et intérêts, dans la mesure où Tahibou Ndiaye n’est pas poursuivi pour corruption ou concussion.

… Et l’accuse de ‘’battre monnaie’’

Après la question des dommages et intérêts, Me Lénine s’est intéressé à celle de la confiscation. Dans son réquisitoire, le parquet spécial a demandé que tous les biens des prévenus soient confisqués. La robe noire trouve cette demande illégale, car la loi interdit une confiscation totale, si le condamné est marié et a des enfants. ‘’Si le condamné est marié, la confiscation ne peut porter que sur la moitié de ses biens. S'il a des descendants ou des ascendants, la confiscation ne portera que le cinquième de ses biens’’, a argué l’avocat. Compte tenu de ces éléments, Me So reste convaincu que ‘’l’Etat veut battre monnaie’’. ‘’Il veut lui prendre tout ce qu’il a gagné dans sa vie et lui demande de rembourser tout ce qu’il a gagné en tant que fonctionnaire.’’

Relaxe

Outre l’aspect pécuniaire, les conseils de Tahibou Ndiaye ne sont pas du tout d’accord avec le réquisitoire à charge du parquet spécial, pour la simple raison que leur client a apporté la preuve de la licéité de son patrimoine. Pendant plusieurs tours d’horloge, Me Abdourahmane So s’est mis à démontrer l’innocence de ‘’son père’’. ‘’Je dis fièrement mon père, car Tahibou n’est pas un client, mais un père’’, a soutenu au passage l’avocat avec la voix pleine d’émotion. Poursuivant, il a longuement développé sur les donations dont a bénéficié le prévenu. ‘’Ce n’est pas parce qu’on ne peut pas vérifier que Serigne Bass Abdou Khadre lui a fait un don (60 millions), parce que c’est une personne sensible qu’on ne veuille pas le croire’’, a asséné Me So, tout en ajoutant que les donations cumulées ne font pas 460 millions comme soutenu par l’accusation. Sur la lancée, le conseil s’est désolé de l’absence du nommé Abo Sall pour confirmer les 100 millions que Tahibou Ndiaye dit avoir reçu de Mbaye Diop de la société Sattar.

Me Borso Pouye qui a clôturé les plaidoiries de la défense est revenue sur les différentes références évoquées par le parquet spécial et la partie civile, au moment de soutenir l’accusation. ‘’Je ne crois pas qu’on puisse se fonder sur de simples prêches ou leçons de morale et philosophie pour asseoir une accusation’’, a-t-elle lancé, en citant un à un les concernés. Par ailleurs, l’avocate s’est plainte du comportement de certains avocats de l’Etat vis-à-vis de l’ex-Dg du Cadastre. ‘’L’intimité de Tahibou a été visée, revisitée. C’est cela qui me fait le plus mal et si c’est le droit qu’on veut dire, on n’a pas le droit d’être discourtois et irrespectueux à l’endroit d’une personne qui ne peut pas répliquer’’, a-t-elle fulminé.

La CREI rend son verdict dans 4 mois, soit le 9 novembre

Après avoir attendu près de deux ans avant d’être jugés, l’ex-directeur général du Cadastre Tahibou Ndiaye et sa femme ainsi que leurs deux filles adoptives devront attendre encore quatre autres mois pour connaître le sort que leur réserve la justice. La Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI) a mis l’affaire en délibéré jusqu’au 9 novembre prochain.

Le procès de Hissein Habré qui démarre à partir du 20 juillet, ainsi que les vacances judiciaires prévues du 1er août au 31 octobre ont poussé le président Henry Grégoire Diop à choisir cette date. Ce qui ne fera que prolonger le suspense pour l’ex-directeur général du Cadastre qui encoure une peine de 5 ans ferme. Au moment où le sursis, deux ans exactement, plane sur la tête de ses présumées complices. En plus de la sanction pénale, des amendes planent sur les prévenus. Outre les trois milliards de francs CFA réclamés par l’Etat du Sénégal, en guise de dommages et intérêts, le parquet spécial demande qu’une amende de 3 milliards 94 millions 522 mille 827 FCA soit infligée à chaque prévenu, soit 15 milliards 762 millions 91 mille 308 francs CFA, environ. 

FATOU SY

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