Publié le 10 Nov 2017 - 16:11
PROFESSEUR MOUSSA SEYDI (PRESIDENT DE LA SOCIETE AFRICAINE DE PATHOLOGIE INFECTIEUSE)

‘’Le paludisme doit plus hanter notre sommeil que la dengue’’

 

Le 6e Congrès de la Société africaine de pathologie infectieuse a débuté hier à Dakar. Une occasion saisie par son président, Professeur Moussa Seydi, pour préciser que le paludisme a tué 178 millions de personnes de plus que la dengue. Par conséquent, il n’y a pas lieu de s’affoler pour cette dernière, dit-il.

 

‘’Infections à VIH, hépatites virales et maladies non transmissibles : quels liens ?’’. C’est le thème du 6e Congrès de la Société africaine de pathologie infectieuse (SAPI) qui a démarré hier à Dakar. Le président de la SAPI d’expliquer que les liens entre ces infections sont connus depuis longtemps et se consolident dans le temps. D’une part, les maladies infectieuses sont à l’origine de certaines maladies non transmissibles qui posent des problèmes de santé publique. Et que, d’une part, ces mêmes maladies non transmissibles, comme le cancer et le diabète, peuvent faire le lit d’infections graves.

Selon Professeur Moussa Seydi, des épidémies se succèderont encore et encore, certaines parfois surprenantes comme la maladie à virus Ebola et la Zika. A l’heure actuelle, dit-il, c’est la dengue qui retient l’attention au Sénégal et inquiète la population, malgré la communication du ministère de la Santé. Mais, selon le spécialiste, il n’y a pas de quoi s’alarmer. ‘’Nous ne devons pas céder à une panique injustifiée. Les données actuelles prouvent que le paludisme pose plus de problèmes que la dengue dans le monde et ici au Sénégal’’, a soutenu Pr. Seydi.

Dans le monde, a souligné l’infectiologue, on estime qu’il y a en moyenne 96 millions de cas de dengue symptomatique et entre 10 000 et 20 000 décès liés à cette maladie chaque année. Cette année, en 2017, des épidémies de dengue ont été signalées dans la sous-région ouest-africaine : 923 cas suspects dont 2 décès en Côte d’Ivoire au mois de mai, 6 699 cas suspects dont 13 décès au Burkina Faso au mois d’octobre et 510 cas suspects dont 0 décès au Sénégal au mois de novembre 2017.

’’Au Sénégal, en 2015, 492 253 cas de paludisme ont été notifiés dont 526 décès’’

Pendant ce temps, à l’échelle mondiale, rappelle-t-il, 212 millions de cas de paludisme ont été notifiés en 2016, soit 178 millions de cas de plus que la dengue symptomatique. Ces 212 millions de malades du paludisme ont causé 429 000 décès, soit 34 fois le nombre de décès causés par la dengue. ‘’Au Sénégal, en 2015, 492 253 cas de paludisme ont été notifiés dont 526 décès. Avec ces chiffres, il est juste de dire que le paludisme doit plus hanter notre sommeil que la dengue et qu’il n’y a pas péril en la demeure avec cette dernière, au moment où je vous parle’’, rassure-t-il.

N’empêche, il estime que lutter contre la dengue est aussi une urgence fondamentale, même si elle est moins souvent responsable de décès que le paludisme. 

Quant aux hépatites B et C, elles ont touché 325 millions de personnes et ont causé la mort de 1,34 million d’entre elles en 2015. ‘’Les maladies non transmissibles, troisième thème du congrès, représentent plus de 63 % de la totalité des décès annuels et ont des liens certains dans beaucoup de cas avec les maladies infectieuses’’, a révélé Pr. Seydi. Tout ceci, a-t-il précisé, montre, si besoin en était, que la lutte contre les maladies dans le monde, notamment les plus mortelles, doit être globale. Mieux, elle doit intégrer la notion ‘’One health’’, c’est-à-dire une seule et unique santé. ‘’Ce qui impose une approche intégrée qui tient compte des interrelations entre la santé humaine, la santé animale et l’environnement au niveau local, national et mondial’’, a-t-il fait préconiser.

VIH : 35 millions de personnes tuées

Parmi les cancers d’origine infectieuse, deux types, dont celui du foie et du col de l’utérus, impliquent fortement les infectiologues. ‘’Le cancer du foie (premier cancer de l’homme dans notre région) induit par une infection par les virus des hépatites B et C, a causé la mort de 788 000 personnes en 2015 et le cancer du col de l’utérus (premier cancer de la femme en Afrique subsaharienne) induit par une infection à Human papillomavirus, entraine le décès de plus de 250 000 femmes chaque année’’.

Ce 6e Congrès de la SAPI est jumelé au 1er Congrès de la Société sénégalaise de pathologie infectieuse et tropicale (SOSEPIT). L’infectiologue a rappelé, en outre, que l’infection à VIH a entrainé, depuis l’apparition de la maladie, le décès de plus de 35 millions de personnes (c’est-à-dire plus que la population du Sénégal et du Mali réunis) et rien qu’en 2016, un million de personnes sont décédées du sida dans le monde (soit 2 personnes chaque seconde).

Trois jours durant, du 9 au 11 novembre 2017, les experts de la SAPI travailleront, en collaboration avec d’autres spécialistes d’ici et d’ailleurs, sur les différents thèmes du congrès. Ces experts viennent de 20 pays d’Afrique subsaharienne, du Maghreb, de l’Europe et des USA.   

VIVIANE DIATTA

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