Publié le 8 Sep 2016 - 05:18
PROFIL – CHEIKHOU COULIBALY

 Le guitariste de l’ombre

 

Né à Kaolack le 3 décembre 1961, Cheikhou Coulibaly était parti pour être économiste avec un Bac B. Mais il a décidé d’être guitariste et se donne à fond pour sa passion. Duettiste de Pape et membre fondateur du groupe folk acoustique Pape et Cheikh, il n’en est pas moins l’une des têtes pensantes. Son nom est malgré tout plus connu que son visage ou son parcours. C’est pourquoi EnQuête a décidé de mieux vous le faire connaître.

 

Monsieur Coulibaly. Cheikhou serait mieux connu sous ce nom s’il avait poursuivi ses rêves et non ceux de Cheikh, le duettiste de Pape dans le groupe folk acoustique Pape et Cheikh. Il aurait tout de même un public. Seulement, il ne serait pas des mélomanes mais plutôt des élèves. Le talentueux guitariste voulait être enseignant. Il pense que si le destin ne l’avait pas rattrapé, il aurait eu des barres de craies comme compagnon et non une guitare. A défaut, on l’aurait vu souvent en robe et on l’aurait appelé Me Coulibaly. Il a voulu également être magistrat mais n’a pas eu la chance de passer un concours pour concrétiser cela. Pourtant, il le pouvait bien.

En effet, après un cycle à l’école primaire du quartier Ndangane de Kaolack dans les années 1970, Cheikhou Coulibaly est reçu au Cem Gambetta de la même ville. Il y fera son cycle moyen jusqu’en classe de 4e. C’est au Cem Clémenceau de Dakar qu’il obtiendra le brevet de fin d’études moyennes (Bfem) un an plus tard. Accepté au lycée Maurice Delafosse, il y obtiendra un baccalauréat B (économie) en 1984. Reçu à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, il s’inscrit à la faculté de Droit et Sciences juridiques et économiques département sciences économiques. Il y fera deux ans avant de décider de se consacrer totalement à la musique. Non pas parce qu’il a ‘’cartouché’’ et n'avait plus le droit de s'inscrire mais plutôt parce qu’au cours de ses deux années passées à l’Ucad, le natif de Kaolack suivait en même temps des cours du soir au conservatoire de Dakar.

La musique s’impose à lui qui est issu d’une famille modeste. D’un père infirmier et d’une mère ménagère, Cheikh était d’avis qu’il ne pouvait se permettre de suivre de longues études. ‘’Je n’avais pas de bourse. Je n’avais qu’une aide annuelle et je venais d’une famille modeste. La musique m’offrait des opportunités. Je commençais à gagner de l’argent grâce à elle. C’est pour cela que j’ai décidé d’arrêter mes études. Mes parents m’ont soutenu dans mon entreprise’’, affirme-t-il. Sans regret. Car aujourd’hui, il est arrivé à tisser sa toile dans la sphère musicale. Aussi, il n’a peut-être pas eu de problèmes grâce à l’un de ses frères qui avait déjà tracé la voie. Il était lui aussi guitariste mais pas autant passionné que son jeune frère.

Il n’en faisait qu’un passe-temps. Mais sans le savoir, il a passé le virus à Cheikhou. A cela s’ajoute un environnement propice à la création. ‘’La musique, c’est mon destin. J’ai grandi dans un creuset culturel où on retrouvait tous les folklores du Sénégal. Mes grands frères écoutaient tout le temps de la musique, ce qui m’a poussé à en faire. Je m’intéressais à divers musiciens. J’étais très ouvert tout de même. J’écoutais de la soul, du r’n’b, de la pop, du reggae, des musiques africaines, etc. J’écoutais aussi les morceaux de Laye Mboup, j’étais très jeune à l’époque. J’écoutais aussi les chansons de Youssou Ndour, Baaba Maal, Ismaïla Lô, etc’’, se souvient-il.  

Comme faire de la musique, jouer de la guitare et pas du piano n’a pas aussi été un choix. L’instrument s’est imposé à lui. ‘’La guitare acoustique était plus accessible que les autres instruments. On la trouvait facilement et on pouvait jouer avec cet instrument, n’importe où’’, explique-t-il. Et jusqu’à ce jour, il n’a pas de préférence dans les guitares. Au moment où Pape aime les ‘’Godin’’, lui n’a pas de préférence particulière. ‘’C’est difficile de faire un choix. Il suffit juste de se familiariser avec une guitare pour se sentir à l’aise en jouant avec. Moi, ce qui m’intéresse dans la guitare, c’est la découverte. La guitare est un univers fantastique dans lequel on découvre tous les jours des choses nouvelles qui te mettent en valeur’’, s’émerveille-t-il.

Cependant, tout n’a pas toujours été facile. Après le conservatoire, Cheikh a commencé à jouer avec Ouza. C’était en 1987. Il était le bassiste du groupe. Plus tard, il monte un groupe avec des amis qu’il baptise ‘’Samtamouna’’. Ensemble, ils revisitent les sonorités et folklores sérères. En sideman qui refuse de se fixer, il joue ici et là dans les hôtels et pour diverses formations musicales jusqu’en 1997. C’est à cette période qu’avec son ami Pape, ils ont décidé de mettre sur pied le duo Pape et Cheikh. Un groupe acoustique folk monté par deux artistes dont l’amitié date d’au moins 45 années. Deux amis qui ont roulé leur bosse un peu partout en s’illustrant particulièrement dans la variété. Ce qui se déteint dans leurs compositions et qui fait aussi leur force et leur originalité. Seulement, le grand public pose facilement un visage sur le nom de Pape et difficilement sur celui de Cheikh. Ce dernier est effacé sur scène.

‘’Ce n’est pas un choix. C’est naturel. Je n’ai rien fait pour m’effacer. Il faut quelqu’un devant et quelqu’un qui assure les arrières. C’est-à-dire quelqu’un qui assure la conception musicale et fait tout pour que la musique ne déborde pas. Chacun  a sa nature et on se complète’’, ainsi, conçoit-il sa relation avec Pape. Ce dernier, en plus d’être le chanteur du groupe, joue aussi le rôle de porte- parole. Non pas parce qu’il se l’est imposé mais plutôt parce que son duettiste est d’avis que cela n’est pas son rôle.

 En réalité, Cheikh est un peu timide. Ce qui ne l’empêche pas d’être très exigeant avec ses instrumentalistes et dans la composition musicale. Toujours à côté de son ami lors des sorties médiatiques, il ne parle que très rarement et seulement quand la question lui est directement posée. Il est calme et baisse souvent la tête. Ce qui n’est pas souvent le caractère des natifs de décembre comme lui. Sur scène également, il n’a d’yeux que pour sa guitare. Son show, il l’assure, et le fait très bien, avec ses doigts. Ce qui fait que seuls ceux qui ont une oreille musicale ont leurs yeux rivés sur lui. Ils l’adulent et surtout l’identifient.

Contrairement à beaucoup d’autres Sénégalais qui connaissent bien le groupe mais arrivent difficilement à mettre un visage sur le nom de Cheikh. Ce qui ne dérange pas le principal intéressé qui s’identifie à un défenseur sur un terrain de foot et laisse l’attaque à Pape. Surtout que ce n’est pas la musique qui les lie mais bien plus. ‘’Ensemble on a joué au foot et on a fait de la musique. On se connaît depuis qu’on a 10 ans. Si on arrêtait de faire de la musique, on continuerait quand même à se voir’’, dixit Cheikh. Preuve de cette amitié, Pape a donné le nom de l’un de ses fils à Cheikh. Un lien indéniable.

Polygame, Cheikh a deux femmes et deux enfants pour le moment. Deux naissances qui l’ont beaucoup marqué. Une troisième ne serait pas de trop et pourrait lui permettre à son tour de rendre hommage à son ami. En attendant, les mélomanes eux, se délectent de leur nouvel album ‘’Esprit live 2’’.

BIGUE BOB

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