Publié le 29 Aug 2017 - 23:13
PROFIL - ALI OTBAN (ETUDIANT DJIBOUTIEN A DAKAR)

Du Pacifique à l’Atlantique

 

Pour plusieurs raisons, l’ancienne capitale de l’Afrique occidentale française (AOF) accueille, depuis des années, de nombreux citoyens  non sénégalais. EnQuête revient ici sur les traces d’un étudiant djiboutien à Dakar.

 

Né le 19 août 1992 dans les faubourgs de la capitale djiboutienne, Ali Mohamed Otban débarque à Dakar le 21 novembre 2015, dans le cadre de sa formation en master  qu’il boucle en ce moment à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar.  Dans son pays, la licence marque le terminus des études supérieures pour l’essentiel des filières enseignées à l’université.  Cependant, l’Etat octroie des bourses aux meilleurs étudiants pour  leur permettre de continuer leurs  études  à l’étranger. La France et le Sénégal sont souvent les destinations les plus prisées des apprenants djiboutiens.  ‘’Moi, je n’ai pas été enseigné par des Sénégalais, mais il y a beaucoup d’enseignants sénégalais qui dispensent des cours à Djibouti, depuis une vingtaine d’années, au lycée’’, révèle notre interlocuteur qui ajoute que le diplôme sénégalais a une grande valeur chez lui.

D’ailleurs, informe-t-il, le Sénégal est, depuis quelques années, une destination privilégiée pour une majorité de la classe moyenne djiboutienne qui envoie ses enfants étudier à Dakar dès le pré-universitaire. Le système éducatif sénégalais est très bien apprécié à Djibouti. Pour ceux qui sortent des universités sénégalaises, ils ont presque l’assurance d’obtenir le boulot une fois de retour dans leur pays. ‘’Je ne sais pas ce qu’il en est des écoles privées, mais les enseignements de l’Ucad sont très appréciés à Djibouti.  Pour le marché de l’emploi, les étudiants djiboutiens au Sénégal et en France sont traités sur un même pied d’égalité.

C’est rare de voir un Djiboutien diplômé de l’Ucad qui chôme pendant deux ans’’.  Fort de ce constat, Ali ne pense même pas à passer un seul jour à Dakar après l’obtention de son diplôme de master. Il a plus d’opportunités  et de facilités de s’insérer  dans son pays qu’ici. Actuellement, il est en train de débroussailler son thème de mémoire qui porte sur la place des TIC dans les collectivités locales. Un sujet qui l’a amené  à s’intéresser au cas spécifique de la commune de Fann-Point E-Amitié.

Intégration

Depuis son arrivée dans la capitale sénégalaise, il y a deux ans, ce jeune de 25 ans est passablement intégré. Pour  ce qui est de la langue, il maîtrise assez le wolof pour se faire comprendre des vendeurs de café, des boutiquiers et des conducteurs de taxi avec qui il traite quasiment tous les jours. ’J’étais juste venu pour faire des études, mais le Sénégal m’a offert plus que ça. Ici au Sénégal, il y a la possibilité de se retrouver dans une salle de classe avec une dizaine de nationalités africaines. Le Sénégal est une fenêtre ouverte sur l’Afrique voire sur le monde. Je me suis fait des amis sénégalais, marocains, guinéens, congolais, camerounais, gabonais. 

J’ai beaucoup appris à travers ce beau et divers monde.  Tout étranger qu’on rencontre, c’est un cas culturel à comprendre. Cela n’existe qu’au Sénégal’’, a-t-il magnifié. Autre chose qui a très tôt frappé et fasciné cet ancien chargé de communication de l’association Alfawza (victoire), c’est l’évidence du modèle islamo-wolof sur lequel repose la société sénégalaise : ‘’Quand je suis arrivé ici, j’ai aussitôt constaté que le Sénégal n’était qu’un grand format de mon pays. Tout comme chez moi, je n’ai pas de mal à retrouver une mosquée.  Dès que je sors de chez moi, je trouve une mosquée tous les deux virages. Ici, je n’ai pas besoin de faire une longue distance pour aller prier. Contrairement à mes amis en France. Il y a beaucoup de similitudes dans les réalités sociales des deux pays.  Ce qui fait que la compréhension ne pose pas problème’’.  

Parlant de ses rapports avec les Sénégalais, Ali ne cache pas son admiration pour le peuple sénégalais. Il se considère lui-même comme un sénégalophile.  A la question de savoir s’il a été une fois victime d’actes de xénophobie ou de racisme en terre sénégalaise, il répond : ‘’La population sénégalaise est habituée aux étrangers depuis des siècles. Il se pourrait qu’il y ait d’actes de racisme ou de xénophobie ici, mais moi personnellement, je n’ai pas vécu des telles choses. La vie est agréable ici mais un peu chère.’’

Absence d’une représentation diplomatique

En dépit de l’absence d’une représentation diplomatique de leur pays à Dakar, les ressortissants djiboutiens à Dakar y vivent tranquillement. Le seul papier qu’on leur demande, c’est la carte de séjour gratuite,  renouvelable tous les 6 mois. Pour l’obtenir, il suffit de réunir certains papiers officiels d’identité et d’identification. Pour les étudiants, ce sont : une inscription universitaire, quelques photos, une copie du passeport et le certificat de résidence qu’ils déposent à la police de Dieuppeul.

Cependant, s’il y a une chose qui torture ces migrants dans leur vie quotidienne, c’est bien la distance qui les sépare de leurs familles, de leur pays. Pour le cas d’Ali, durant ces deux ans qu’il a vécus au Sénégal, internet l’a certes aidé à réduire cette distance et à rester en contact avec sa famille. Mais cet outil, persiste-t-il, ne peut en aucun cas remplacer la chaleur familiale encore moins l’amour de la patrie qui lui manque. D’ailleurs, son éloignement de ses parents et de son pays l’a métamorphosé en poète. De sa chambre à La Gueule Tapée, il rédige des textes qu’il envoie à ses amis restés au pays.

 ‘’Non loin de chez moi, à Soumbédioune, se trouve à quelques mètres de là la corniche, lieu où je me rends une fois par semaine, de préférence dans l’après-midi, pendant les week-ends. Arrivé, je me mets sur la pointe de la colline au pied de laquelle s’abattent les vagues…je me laisse absorber par cette sensation, laissant vagabonder mon imagination….je finirai par rentrer au bercail, espérant revivre mon évasion, une fois là-bas. La terre natale a quelque chose de plus à offrir à ses fils, et cela revigore mon espoir de la vivre à la djiboutienne’’, conclut-il dans un poignant texte adressé à un ami.

Avant que ce jeune gringalet au teint foncé ne foule le sol sénégalais, le nom de son pays d’accueil lui était déjà familier. Outre les bijouteries sénégalaises qu’il a pu découvrir et admirer dans son pays, Ali a également connu le Sénégal via sa passion du ballon rond. ‘’La première fois que j’ai fait la connaissance du Sénégal, c’était en 2002, à l’occasion de la Coupe du monde. J’avais dix ans.  Depuis tout petit, j’aime le foot et ma grand-mère et moi supportions l’équipe sénégalaise. Le match du Sénégal contre la France avait été célébré dans notre quartier.  Ce qui était dans l’ordre normal des choses car toute équipe africaine qui brille à la coupe du monde est soutenue par toute l’Afrique. C’est depuis lors que j’ai admiré ce pays.’’

Mamadou Yaya BALDE

 

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