Publié le 19 Mar 2016 - 03:24
PROFIL - BOUBA CHINOIS

Les tribulations d’un révolté

 

Boubacar Sy alias Bouba Chinois pourrait être considéré comme le Jean Valjean sénégalais. Il s’agit du héros du roman de Victor Hugo ‘’Les Misérables’’. Jean Valjean est cet homme qui a passé 19 ans au bagne pour avoir volé un pain. Il n’a connu que la haine jusqu'au jour où la générosité d'un évêque l’a transformé. Pour changer de vie, Jean Valjean a changé d’identité et est devenu peu à peu un industriel, riche et généreux, M. Madeleine.

Malgré tout, il sera poursuivi toute sa vie par Javert, un policier teigneux… Pour Bouba Chinois, c’est grâce à la générosité de Me Abdoulaye Wade qu’il est sorti de prison. ‘’L’ancien Président, que j’ai connu en prison, m’a amnistié et financé pour que je fasse de l’élevage. En 1995, j’ai été élargi, après 10 ans de prison. J’étais bien heureux. Je me suis marié. Mais, je me suis retrouvé en prison avec cette malheureuse histoire de famille’’, a soutenu le Jean Valjean sénégalais, avant que sa voix ne soit étreinte par l’émotion et les pleurs.

Mais avant ce coup de pouce de l’ancien Président, sa vie avait été rythmée par des allers et retours en prison pour différentes infractions : désertion, vol, évasion et même viol, proxénétisme et violences, selon le parquet. Hier, Bouba Chinois, âgé actuellement de 62 ans, s’est expliqué sur son ancienne vie. Une vie de délinquant favorisée par la séparation de ses parents. Son père a quitté sa mère, lui laissant en charge neuf enfants, alors qu’elle n’avait aucune source de revenus. Et la seule alternative qui s’offrait à sa mère vietnamienne de confession bouddhiste, était de le confier à un centre de redressement, dès l’âge de huit ans. ‘’Alors que j’étais censé y apprendre des études de la vie, j’y ai plutôt appris des études de la délinquance’’, a dit l’accusé les yeux dissimulés derrière des lunettes noires, à cause d’une opération chirurgicale qu’il aurait subie récemment.

Mai 1968

Cependant, malgré cette situation, le jeune métis, fils aîné de sa mère, a quand même réussi à l’entrée en Sixième et s’est inscrit au Lycée Maurice de Lafosse. Mais, un mai 1968, il s’est laissé submerger par l’esprit de révolte de ce fameux printemps qui avait gagné élèves et étudiants. Ainsi, il n’a pas échappé à la machine répressive du pouvoir senghorien. Car, Bouba Chinois a été incorporé de force dans l’armée, à l’instar des autres dirigeants grévistes. Mais, son esprit rebelle a fait qu’il n’a pas fini la durée légale de deux ans. ‘’Alors que nous étions au Prytanée militaire, j’ai déserté et j’ai été condamné à deux ans ferme’’, a confié hier l’accusé, moulé dans un djellaba beige, cheveux poivrés lisses et tirés vers le bas. Cette condamnation n’a fait qu’accentuer l’esprit de révolte qui sommeillait en lui. ‘’A ma libération, j’ai continué à me révolter. Ce qui fit que j’ai passé les 3/4 de ma vie dans les prisons’’, a confessé Bouba Chinois.

Ses nombreux séjours en prison sont les conséquences d’une affection nourrie qu’il portait à sa mère décédée, il y a trois ans. ‘’Pour aider ma mère, je volais pour faire bouillir la marmite’’, a soutenu le sexagénaire qui toutefois pense que la prison, surtout sa dernière incarcération, a eu un effet positif dans sa vie. ‘’La prison m’a donné la foi. Elle m’a permis de revenir à Dieu, car avant, je l’ignorais et j’ignorais également la religion’’, a dit Bouba Chinois. Considéré comme téméraire, il n’a cependant jamais tué. En prison depuis 2010, son seul désir maintenant, c’est de retrouver sa famille, notamment ses enfants, étant donné que son épouse a fini par le quitter. 

 

Section: