Publié le 1 Aug 2019 - 21:41
PROGRAMME ‘’ZERO ABRI PROVISOIRE’’

Les raisons du blocage des lots 2, 3 et 4

 

D’un coût global de 125 milliards F Cfa, le programme ‘’Zéro abri provisoire’’, dont le lot 1 a été lancé depuis un an, évolue en dents-de-scie. Si ce dernier lot avance de manière ‘’satisfaisante’’, les lots 2, 3 et 4 n’ont toujours pas connu de début d’exécution. Certains s’étonnent des raisons du blocage.

 

Chaque année, après les examens, le débat fait rage autour des résultats souvent en deçà des attentes, pour ne pas dire catastrophiques. Rarement, l’on s’interroge sur les conditions parfois exécrables dans lesquelles étudient certains potaches. Surtout dans quelques contrées du Sénégal. A Kolda, Sédhiou et Ziguinchor particulièrement, nombre d’apprenants continuent de faire cours dans des abris de fortune, parfois faits de huttes et de bambous. Ce qui révulse certains acteurs clés du système éducatif qui se sont approchés d’’’EnQuête’’ pour ruminer leur colère à propos des lenteurs dans l’exécution du programme ‘’Zéro abri provisoire’’.

Profitant du contexte de la proclamation des résultats du Baccalauréat, un de nos interlocuteurs renseigne que, dans les régions susmentionnées, le programme reste à zéro résultat, pour ce qui est des lots 2, 3 et 4.

Ce, malgré l’engagement ferme maintes fois réaffirmé par les plus hautes autorités de la République. Récemment à Diourbel, le ministre en charge de l’Education nationale, Mamadou Talla, tout en se félicitant du niveau d’exécution du lot 1 confié à Synergie Afrique, affirmait : ‘’Les autres lots n’ont pas encore démarré.’’ Soit déjà quelques mois de retard. A qui la faute ? Les parties se renvoient la balle.

A en croire cette personne bien au fait du dossier, il s’agit au moins de 2 474 salles de classe réparties comme suit : Kolda 624 abris provisoires, Sédhiou 1 054 abris provisoires, Ziguinchor 796 abris provisoires. En valeur relative, c’est autour de 37 % sur le territoire national.

La Direction des constructions scolaires (Dcs) contactée, n’a voulu ni confirmer ni infirmer les chiffres ainsi communiqués. L’on se borne à nous renvoyer à une sortie du directeur dans le quotidien national ‘’Le Soleil’’.

Pour sa part, Synergie Afrique, attributaire du lot 1, se félicite : ‘’Nous sommes très satisfaits du niveau d’exécution de ce lot qui nous a été confié. Nous avons un délai de 24 mois et là, au 12e mois d’exécution, nous sommes à un taux de réalisation de 50 à 55 %’’, se réjouit le coordonnateur des travaux, Ousmane Diop. Ce lot concerne 1 850 salles de classe et s’étend sur l’ensemble du territoire national.
Dernièrement à Diourbel, M. Talla se disait, lui aussi, ‘’très satisfait’’ du niveau d’exécution et parlait de 50 % de taux de réalisation.

Pendant ce temps, certains acteurs crient au scandale, en soutenant qu’il y a vraisemblablement deux poids deux mesures. Synergie Afrique, selon leurs dires, bénéficierait de privilèges indus qui découleraient du statut d’ancien patron de la Dcs de son coordonnateur de projet, Ousmane Diop. Mieux, ils trouvent bizarre le fait que  ce dernier ait rejoint l’entreprise privée, après son départ à la retraite, alors même qu’il a été à l’origine de l’attribution du marché à cette société. Estimant que Synergie Afrique était connue dans l’installation de portiques de sécurité et de scanners, ils se disent convaincus de l’existence de ‘’manœuvres frauduleuses’’ pour expliquer les avancées sur ce lot.

Joint par téléphone, le sieur Diop nie en bloc et parle de mauvais procès (voir encadré).

Une chose est sûre : pendant que le lot 1 connait manifestement un début d’exécution salué par les autorités, les autres trainent les pieds et risquent de porter atteinte aux objectifs du gouvernement qui veut en finir avec ces abris provisoires le plus rapidement possible.

Du côté des entreprises attributaires des lots 2, 3 et 4, on refuse d’endosser toute responsabilité. A en croire certaines sociétés que nous avons pu contacter, il faut surtout interpeller le ministère des Finances. ‘’Nous avons bien  apporté la preuve des montages financiers réalisés avec des banques internationales, en respectant également les exigences du cahier des charges’’, informe l’un d’eux. D’ailleurs, certains de ces attributaires, à en croire notre interlocuteur, ne cessent de s’interroger sur les raisons de la non approbation de leurs conventions.

‘’Malgré plusieurs relances, les lots 2, 3 et 4 font l’objet d’un blocage sans aucune justification. Il se trouve d’ailleurs que ces lots portent sur les régions les plus sensibles du pays où il y a plus d’abris provisoires (Kolda, Sédhiou et Ziguinchor où rien n’a été fait à ce jour)’’.

En début d’année déjà, dans son Discours à la Nation, le président de la République, Macky Sall, avait confirmé la mise en place effective du programme de suppression des abris provisoires sur toute l’étendue du territoire sénégalais. Il avait même fixé l’échéance au mois de février 2019 pour que toutes les procédures concernant les marchés relatifs aux différents lots soient finalisées.   

Nos interlocuteurs semblent convaincus que ce déficit d’infrastructures adéquates est à mettre en corrélation avec le taux d’abandon scolaire et d’échec important dans ces localités.

En tout cas, les résultats du Baccalauréat dans ces régions au sud du pays sont bien en dessous de la moyenne nationale.

En effet, à Kolda par exemple, sur les 6 024 candidats qui s’étaient inscrits au départ, 1 626 potaches ont obtenu leur sésame à l’arrivée. Au premier tour, 457 étaient admis d’office, avec 2 mentions ‘’Bien’’ et 33 mentions ‘’Assez bien’’. Et 1 169 sont admis après les épreuves du second tour. En valeur relative, la région du Fouladou affiche un taux de réussite de 28 %. Pas loin d’ailleurs des autres régions frontalières qui tournent toutes en deçà des 30 %.

La réalisation de ces salles de classe fait partie d’un vaste programme de remplacement des abris provisoires dont le nombre total est estimé à 6 369 sur tout le territoire national. Il est chiffré à 125 milliards F Cfa.

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OUSMANE DIOP, RESPONSABLE A SYNERGIE AFRIQUE

‘’C’est un mauvais procès’’

Soupçonné d’avoir octroyé le lot n°1 à Synergie Afrique qui l’a recruté après son départ à la retraite, le coordonnateur des travaux dans cette dernière entreprise parle de mauvaise foi de ses accusateurs. Il rétorque : ‘’D’abord, il faut savoir que ce n’est pas du tout moi qui ai été à l’origine de cet appel d’offres. C’est plutôt mon successeur qui l’a réalisé. Maintenant, en tant que retraité, je pense que rien ne m’interdit de continuer de travailler, si j’en ai envie. Je n’ai donc aucun problème à ce niveau.’’

Pour ce qui est des privilèges dont profiterait son entreprise et des blocages des autres attributaires, il répond : ‘’Je ne maitrise pas les détails des autres dossiers. Mais, en tant qu’ancien directeur des Constructions, je sais que la particularité de ce programme est que les entreprises attributaires sont chargées de mobiliser les financements. A Synergie, c’est ce que nous avons pu faire ; nous sommes allés sur le marché et avons levé les fonds nécessaires. C’est pourquoi notre marché a été approuvé et nous avons pu démarrer.’’

L’ancien Dcs continue d’expliquer la procédure : ‘’En fait, c’est après que vous pouvez disposer d’une attestation d’existence des crédits. C’est ce qui vous permet de faire approuver votre contrat par le ministère en charge des Finances et d’avoir votre ordre de démarrage. Tant que vous n’avez pas mobilisé vos financements disponibles, vous ne pouvez pas avoir de convention approuvée. Je pense que ça doit être le problème des autres attributaires et c’est pourquoi ils n’ont jusqu’à présent pas démarré. Encore une fois, je ne maitrise pas les détails, mais je décris juste le principe.’’

A ceux qui soutiennent que Synergie Afrique, au moment de l’attribution du marché, n’avait aucune expérience dans le domaine, il dit : ‘’Je ne vais pas me prononcer sur cette question. Synergie est une entreprise qui a participé à un appel d’offres et qui a été attributaire d’un lot. Il n’appartient pas à Synergie de dire pourquoi on lui a donné ce marché.’’

Monsieur Diop tient également à préciser qu’il n’est pas directeur exécutif de Synergie, mais coordonnateur des travaux. ‘’Je suis un consultant et j’ai été recruté pour accompagner l’entreprise dans le cadre de ce projet dont je suis le coordonnateur des travaux. Je pense qu’on nous fait un mauvais procès’’.

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