Publié le 4 Nov 2019 - 22:39
PROJET DE LOI DE FINANCES (PLF) 2020

450,5 milliards de déficit 

 

Si la représentation nationale adopte le projet de loi de finances pour l’année budgétaire à venir, le Sénégal accusera un déficit de 3 % pour 2020. Soit plus de 450 milliards de F Cfa.

 

Sur quels éléments de comparaison se baser pour juger les avancées budgétaires du projet de loi de finances pour 2020 ? Difficile d’y répondre, puisque la loi de finances initiale (Lfi) 2019, qui aurait dû servir de point de référence, a été abrogée par la loi 2019-13 du 8 juillet 2019 portant loi de finances rectificative (Lfr). Une seconde Lfr aurait dû être votée cette année-ci et être officialisée, mais le projet de loi de finances pour 2020 a manifestement été plus rapide. Et c’est un solde négatif qui sanctionne le Plf 2020 qui accuse un déficit de 3 %. Le présent projet de loi est arrêté à 3 258,45 milliards de F Cfa en recettes et 3 708,95 de dépenses. Un déficit budgétaire assez conséquent de 450,5 milliards de F Cfa.

Comparé au seul référentiel de base qui existe, la première Lfr 2019, les dépenses du Plf de 2020 connaissent une hausse de 266,9 milliards, soit 9,8 %, tandis que ses recettes suivent la même tendance avec 310,30 milliards.

Pour les services du ministère des Finances et du Budget, il n’y a pas de quoi s’affoler. ‘‘Il s’agit juste d’un changement de méthode comptable imposé par la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) de 2011, dont le Plf 2020 est le premier terrain d’application pleine et entière ; il entraine un effet d’images, mais ne change rien dans le fond, ni dans l’ampleur des politiques menées’’, explique le document consulté par ‘’EnQuête’’.

Ils estiment même que le cadre macroéconomique du Sénégal est favorable. Le pays, selon les prévisions, devrait maintenir le dynamisme de sa croissance projetée à 7 % en 2020, contre 6 % de hausse de Pib prévue pour 2019. L’inflation devrait rester à 1,7 %, prévoit le document ; et la coopération avec le Fmi, l’an prochain, sur un programme triennal symbolisé par l’Instrument de coordination des politiques économiques (Icpe) sont de bonnes raisons de rester optimiste.

Le budget-programme pour plus de performances ?

L’État du Sénégal a récemment fait part de sa volonté de sortir de la logique de moyens pour embrasser la logique de résultats. Aussi, a-t-il adopté une budgétisation par programmes exprimant pour la traduire : le budget-programme. Il sera de rigueur à partir du 1er janvier 2020, conformément aux principes de la loi organique n°2011-15 du 8 juillet 2011 relative aux lois de finances (Lolf) qui consacre le principe de spécialité.

‘‘L’une des innovations majeures avec le budget-programme est que, pour la première fois depuis l’indépendance, les ressources publiques seront allouées à des politiques sectorielles bien déterminées, qui sont elles-mêmes divisées en actions précises, lesquelles sont décomposées en activités bien ciblées et bien chiffrées. Ces politiques sectorielles sont les programmes budgétaires et à chaque programme est assigné un certain nombre d’objectifs de performance, dont l’atteinte sera mesurée par des indicateurs quantitatifs faisant l’objet d’un suivi spécifique au moyen d’outils informatiques’’, explique le journaliste du quotidien national ‘‘Le Soleil’’ Abdou Diaw.

Le principe, détaille ce confrère spécialisé dans les questions budgétaires, est assimilable à un contrat de performances imposé aux différents ministres. ‘‘Au moment du vote du budget, chaque programme devra faire l’objet d’un projet annuel de performance (Pap), par lequel le ministre s’engage, devant la représentation nationale, sur des objectifs très précis, en contrepartie desquels lui sont alloués les crédits qu’il sollicite. A la fin de l’année, avant d’obtenir de nouvelles ressources dans le budget de N+1, le ministre devra justifier, dans un rapport annuel de performance (Rap), de l’atteinte ou de la non-atteinte des objectifs sur lesquels il s’était engagé l’année précédente’’.

Un changement de paramètres qui implique forcément, pour le responsable ministériel, ‘‘un accroissement de ses prérogatives dans la gestion opérationnelle de ses crédits’’. Abdou Diaw d’expliquer les modalités de fonctionnement, en avançant que c’est la raison pour laquelle la budgétisation par programmes est couplée à la déconcentration de l’ordonnancement. ‘‘En d’autres termes, là où le ministre des Finances était l’ordonnateur unique du Budget de l’Etat, en recettes et en dépenses, désormais, chaque ministre sera l’ordonnateur principal des dépenses de son département. Toutefois, le ministère des Finances restera l’ordonnateur principal des recettes de l’Etat’’.

La Lfr 2019 annonçait la couleur

Lors du vote du projet de loi n°10/2019 portant loi de finances rectificative, dont les ressources et charges ont baissé de 83 milliards par rapport à la loi de finances initiale 2019 finalement abrogée, les députés de l’opposition avaient pourtant esquissé pareil cas de figure. Les ressources et les charges de la Lfr avaient chuté par rapport à la Lfi, puisqu’elles sont passées de 4 071,77 à 3 988,63 milliards, soit 83 milliards de moins. Une baisse des prévisions budgétaires qui avait été annoncée par le député ancien inspecteur des impôts Ousmane Sonko. Un resserrement budgétaire que le ministère et la majorité ont expliqué par les tensions géopolitiques ‘‘au Proche-Orient où le conflit larvé entre les Usa et l’Iran, la guerre commerciale entre les Usa et la Chine pose les jalons d’un futur choc pétrolier, potentiellement redoutable pour notre économie encore dépendante des énergies fossiles’’.

‘‘Les raisons que vous avez avancées pour justifier la Lfr sont fallacieuses. Vous invoquez la conjoncture internationale. Ça fait longtemps qu’on vous dit que la croissance est conjoncturelle et non structurelle et qu'il suffit que le baril du pétrole hausse pour que vous vous en rendiez compte. On en est là’’, renchérissait Sonko. La réponse du ministre des Finances était tombée, sèche. ‘‘La croissance n'est pas conjoncturelle. Elle ne peut l’être, car pendant 6 ans, elle est à +6 % et vous nous parlez de conjoncture. Si ça avait été 2 % une année, 5 % l'année suivante et 3 % l'année d’après’’, s’expliquait Abdoulaye Daouda Diallo.

OUSMANE LAYE DIOP

Section: