Publié le 17 Jan 2019 - 22:22
PROJET DE LOI SUR LE STATUT DE L’ARTISTE

La grande révolution !

 

Ils sont des artistes, des travailleurs qui évoluent dans le secteur de la culture, mais n’ont pas souvent la reconnaissance légale. Une telle situation pourrait changer très prochainement. Avec le projet de loi sur le statut de l’artiste.

 

Qui est qui dans le secteur des arts et de la culture ? Voilà une des nombreuses interrogations que pourrait régler la loi sur le statut de l’artiste. Annoncée depuis quelques années, elle pourrait se concrétiser courant 2019. De grands pas ont été faits dans ce sens. Le ministère de la Culture s’est attaché les services d’un juriste expert pour l’élaboration d’un texte de loi. Ce dernier a été soumis à l’appréciation de divers acteurs culturels ayant capitalisé une certaine expérience dans leur domaine ou sont de simples représentants d’associations professionnelles du secteur. Le processus est donc inclusif.

C’est dans ce sens qu’un atelier d’échanges sur le texte s’est tenu hier à Dakar. Des remarques ont été soulignées sur le texte et seront soumises au juriste engagé qui les inclura et stabilisera ainsi le texte. Ce qui doit se faire le plus rapidement possible.

 ‘’Le premier délai retenu était décembre dernier. C’est pour cela d’ailleurs que je suis venu aujourd’hui assister aux travaux et m’assurer de l’avancement. Je pense qu’on terminera ce jour’’, s’est réjoui le secrétaire général du ministère de la Culture, Birane Niang. Il le faut bien, puisque dans l’agenda est prévu un atelier résidentiel pour échanger sur les derniers contours du texte avant sa stabilisation finale en fin janvier ou au plus tard en début février. Après quoi, le texte sera envoyé au Secrétariat général du gouvernement qui l’examinera en comité restreint puis technique avant de l’envoyer à tous les ministères et qu’il soit examiné en Conseil des ministres. Ce sera après au tour de l’Assemblée nationale.

Qui est artiste, qui ne l’est pas ?

Le processus peut paraître très long, voire interminable, mais pas infini et l’on aura au moins commencé. ‘’Nous sommes dans un processus engagé depuis quelques mois, à la suite des différentes instructions que le président de la République a données au ministre sur la nécessité de doter le Sénégal d’un statut pour les artistes’’, a indiqué M. Niang. ‘’Qui est artiste, qui ne l’est pas, est un gros point d’interrogation auquel il faut apporter une réponse pour que si l’Etat doit apporter son aide et assistance aux artistes,  qu’il sache à qui donner’’, a dit l’enseignant d’arts visuels et de communication, par ailleurs ancien directeur des Arts, Daouda Diarra.

Seulement, ce texte de projet de loi va au-delà de cette considération. ‘’Ce texte vient légiférer et réglementer le secteur de la culture, comme cela est fait dans tous les autres secteurs. On va réglementer pour des enjeux économiques et voir comment on peut tirer des bénéfices et reverser dans l’économie nationale en prenant tous les risques, parce que nous sommes dans un secteur assez précaire qui est à la recherche de marchés’’, a expliqué le président de l’Association des diffuseurs artistiques et festivals (Adafest) Ousmane Faye. Ce qui pourrait régler la précarité dans le milieu, mais également les fins de carrière désastreuses et pourtant ils sont des travailleurs comme les autres qui devraient avoir droit à une protection sociale.

‘’Nous sommes partis du constat, entre autres, que les artistes sont des travailleurs d’un genre spécial certes, mais tout de même des travailleurs. On s’est rendu compte que ces travailleurs, souvent en fin de vie, en fin de carrière ou quand ils ne sont plus en activité, ont énormément de difficultés liées au fait qu’ils ne disposent plus de revenus. Contrairement aux autres travailleurs, ils n’ont pas de pension de retraite, encore moins une allocation familiale. Or, ces types de travailleurs ont pendant longtemps fait plaisir aux Sénégalais, quels que soient les arts dans lesquels ils évoluent. Nous avons estimé que cette situation doit cesser, en les dotant d’un statut à l’instar des autres. Le constat est parti de là. Il y avait des réflexions sur le statut de l’artiste avant, mais nous avons constaté que ces réflexions n’ont jamais abouti’’, a développé Birane Niang.

Ainsi, pour faire simple, ‘’le texte ne vise ni plus ni moins qu’à doter les artistes d’un statut qui prend en charge les problèmes sociaux’’, résume-t-il.

Une autre question que va résoudre cette loi, est la professionnalisation. ‘’L’activité d’artiste est réglementée suivant des dispositifs clairs et cela passe par l’entreprise avec un statut clair. Ce n’est pas qui est ou qui ne doit pas, mais qui aspire à devenir professionnel’’, a déclaré Ousmane Faye. Par conséquent, il ne s’agit pas, ici, d’une histoire de personne, mais d’entreprise. Laquelle entreprise aura, comme toutes les autres, des obligations fiscales. Ce qui pourrait changer énormément de choses. ‘’On est en train de voir comment faire exister des questions de marché par rapport à des enjeux économiques ; nos artistes cotiseront et seront considérés’’.

Obligations fiscales et droits

Dans un pays où la culture de la gratuité dans ce secteur a toujours existé, il serait peut-être difficile d’y arriver. Ousmane Faye est lui optimiste. ‘’Ils vont cotiser, si le mécanisme est bien mis en place et que c’est clair dans la tête de tout le monde. L’artiste est créateur et non entrepreneur, sauf s’il veut, des fois, tout être à la fois. Ils sont libres de se démultiplier, mais il faut juste distinguer la personne individuelle de celle morale qui est l’entreprise et qui est assujettie à ce qu’on appelle l’impôt. C’est cette personne morale qui cotise et qui le fait pour l’artiste, pour sa protection sociale. C’est cela que nous cherchons à légiférer’’, a précisé Ousmane Faye.

Le secrétaire général du ministère de la Culture est lui aussi optimiste : ‘’Ils n’ont pas le choix et il est de leur intérêt d’adhérer à ce texte qui est fait pour eux. Même si nous, gouvernement, Etat du Sénégal mettons en place la politique culturelle, le texte va profiter aux artistes. Le texte ne comporte pas que des obligations fiscales.  Il comporte des droits. On va voir avec l’Ipres et la Caisse de sécurité sociale comment prendre en charge les professionnels de la culture.’’ Le président de l’Association des acteurs de l’industrie musicale (Aim) rassure. ‘’Le texte nous aidera à améliorer les conditions socioéconomiques des acteurs qui seront mieux rémunérés. Ils auront droit à une protection sociale et pourront faire l’effort de se formaliser et de respecter leurs obligations’’, a déclaré Zeynoul Sow.

Pour Ousmane Faye, il le faut, quel qu’en soit le prix. Cela participerait à forcer le respect dû aux artistes. ‘’J’ai beaucoup insisté sur les questions d’économie, parce qu’on ne légifère pas au titre de ce qu’on appelle l’œuvre, mais de ce qu’engendre l’œuvre, ce que produit l’activité… Une fois que l’argent existe, on est dans un rapport de force entre les artistes et les exploitants des œuvres d’art, mais aussi entre ce secteur et les autres, en rendant, en définitive, notre ministère plus fort et lui donner droit de cité au Conseil des ministres parce que les artistes cotisent’’, s’enflamme M. Faye.  

Ce qui, en somme, rend ce texte de loi ‘’important’’.  ‘’Il est un instrument qui va aider les artistes en général et ceux des arts visuels en particulier à mieux comprendre ce qui se passe dans le milieu des arts, en termes d’obligation et de devoir. Le domaine des arts visuels est spécifique et qui est souvent assez mal connu. Ce projet de loi sur lequel nous sommes en train de travailler va vraisemblablement nous donner les moyens de faire comprendre à nos collègues et artistes ce qu’ils sont et ce qu’ils doivent faire. ‘’Ce projet de loi a l’impérieuse nécessité de prendre en compte tous les enjeux liés à la profession’’, a analysé M. Diarra.

Vivement alors son adoption ! Pour le grand bonheur des artistes et autres travailleurs évoluant dans le secteur de la culture.

 BIGUE BOB

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