Publié le 13 Sep 2017 - 19:31
PROLONGATION DES LEGISLATIVES

 La Coalition gagnante ‘’outrée’’ par les réponses du ministre de l’Intérieur au livre blanc

 

La guerre des mots continue entre la Coalition gagnante Wattu Senegaal et le ministère de l’Intérieur. Hier, les partisans d’Abdoulaye Wade sont revenus à la charge pour démonter les réponses que le ministre de l’Intérieur avait apportées à leur livre blanc. Ils ont rendu public un nouveau document de 46 pages. Le PDS et ses alliés ont, par ailleurs, confirmé que Me Madické Niang sera le président de leur futur groupe parlementaire.

 

Abdoulaye Daouda Diallo est parti, mais la Coalition gagnante Wattu Senegaal n’abandonne pas le combat. Pour les élections législatives du 30 juillet dernier, cette coalition a certes avalé la pilule très amère. Mais elle n’a toujours pas oublié les péripéties qui ont mené à sa déroute électorale. Les camarades de Mamadou Diop Decroix n’entendent surtout pas lâcher le ministère de l’Intérieur qui, selon ce dernier, n’a fait qu’avouer leurs allégations consignées dans le livre blanc. Il déclare : ‘’Suite à la publication du livre blanc, ils (le ministre de l’Intérieur et ses services) ont produit un livre, soi-disant pour répondre aux différentes anomalies que nous avons abordées. Nous avons surtout constaté que le ministre a plutôt fait des aveux. Ils ont aussi dit que nous n’avons pas les preuves pour étayer nos propos. Il faut qu’ils sachent qu’on n’a pas besoin de prouver ce qui est évident.’’

‘’Ce qui s’est passé le 30 juillet n’a nullement besoin d’être attesté’’

Les alliés de Me Abdoulaye Wade estiment, en effet, que ce qui s’est passé le 30 juillet n’a nullement besoin d’être attesté. ‘’Il suffit de le vérifier sur Internet, dans les réseaux sociaux, pour en avoir le cœur net’’, rapporte Mamadou Diop, leur porte-parole du jour. Autour de la table, sont assis les responsables de ladite coalition : Oumar Sarr, Pape Diop, Mamadou Lamine Diallo, Me Madické Niang, Woré Sarr…

Devant ce beau monde, sous les approbations et autres applaudissements de quelques militants, Mamadou Diop poursuit son sévère réquisitoire contre l’Administration. ‘’Nous avons été surpris par le ton discourtois, le langage vulgaire et le manque de retenue. Notre Administration nous avait habitués à une posture beaucoup plus républicaine. Au lieu d’apporter des réponses scientifiques, ils ont versé dans les insultes. C’est inadmissible ! C’est honteux ! C’est comme s’il s’agissait d’un simple tract d’étudiants estampillé du sceau de la République…’’, peste-t-il.

Et c’est seulement pour la forme. Quant au fond, la Coalition gagnante Wattu Senegaal a décortiqué, point par point, les éléments de réponse du ministère de l’Intérieur, dans un nouveau document dont nous détenons copie. En ce qui concerne la ‘’satisfaction des observateurs internationaux’’, M. Diop rétorque que le plus important, pour eux, ce n’est pas l’avis de ces fonctionnaires extérieurs, mais celui des citoyens sénégalais.

Et, de ce point de vue, il n’est point de satisfaction, selon lui. Il en veut pour preuve la plainte des organisations comme Amnesty Sénégal, RADDHO et Y’en a marre auprès de la Cour de justice de la CEDEAO. La Coalition gagnante Wattu Senegaal évoque également ce qui s’est passé au Kenya, pour remettre en cause la crédibilité des observateurs internationaux. ‘’Les observateurs avaient dit que les élections se sont passées dans les règles de l’art, dans ce pays. Par la suite, le juge constitutionnel a démontré le contraire. En tout état de cause, je pense qu’on ne peut parler d’élections transparentes là où on a empêché à 45 % de Sénégalais de pouvoir accomplir leur devoir civique’’, lâche le leader de AJ/PADS. Pour lui, le Sénégal devrait avoir honte d’être dépassé par des pays comme le Kenya.

Mais, le plus grave, estime Diop Decroix, c’est que tout a été fait à dessein, durant ces élections. ‘’Les localités où ils étaient sûrs de gagner, il n’y avait presque pas de problème. Mais dans toutes les circonscriptions où la victoire ne leur était pas acquise, ils ont fait du sabotage. C’est le cas notamment de Dakar, Touba, Mbour… A Touba par exemple, les gens n’ont pu voter jusqu’à 18 h. Ça, ce n’est pas nous qui l’avons inventé, tout le monde l’a constaté’’, déclare le député de la CGWS. D’après lui, ce qui s’est passé lors des législatives du 30 juillet dernier est ‘’extrêmement grave. Il est hors de question que cela se reproduise. Nous ferons tout pour que cela ne se reproduise plus’’, menace le leader de AJ/PADS très en verve.

Pour toutes ces raisons, la Coalition gagnante Wattu Senegaal a rappelé ses exigences pour un climat politique apaisé et pour que le dialogue puisse avoir lieu. Oumar Sarr précise : ‘’Nous demandons qu’il y ait un audit indépendant. Ces gens qui sont à la CENA (Commission électorale nationale autonome) ne nous inspirent plus confiance. Il faut confier cette structure à une personne compétente et courageuse. Il faut aussi une personnalité neutre et consensuelle pour l’organisation des élections. Enfin, il faut changer les juges constitutionnels. Ceux qui sont là ont démontré qu’ils sont aux ordres de l’APR.’’ Enfonçant le clou, Mamadou Diop Decroix fulmine : ‘’Ils ont ‘’apérisé’’ la CENA. Ils ont ‘’apérisé’’ le contrôle des élections.’’

Par ailleurs, Oumar Sarr a confirmé, comme l’avait annoncé ‘’EnQuête’’, que Me Madické Niang a été choisi pour diriger le futur groupe parlementaire de la Coalition gagnante Wattu Senegaal.

ME MADICKE NIANG, ANCIEN GARDE DES SCEAUX

‘’Il n’y a pas d’indépendance de la justice au Sénégal’’

Appel au dialogue

‘’Nous avons toujours été favorables au dialogue. Mais le dialogue doit être franc, utile et qu’il produise des résultats au bénéfice des populations sénégalaises. Il ne faut pas que le dialogue soit un saupoudrage. Nous devons poser les problèmes réels que vivent les Sénégalais. Mais, au préalable, il va falloir que le gouvernement prenne en compte nos préoccupations. Dans des conditions difficiles, nous avons accepté de rejoindre le dialogue national.

Nos alliés de l’opposition n’avaient pas apprécié, mais nous l’avions fait parce que même les guerres les plus meurtrières se terminent par des négociations. Malheureusement, on ne parle plus de ce dialogue, alors qu’il était prometteur. S’il doit y avoir dialogue, il faut éviter ce genre de scénario où les conclusions sont aussitôt rangées aux oubliettes. En tout cas, ce pays, on ne peut le développer que dans la concertation. Il faut arrêter, quand on est aux affaires, de penser qu’on a le droit de faire tout ce qu’on veut. Ce n’est plus possible. Malheureusement, c’est ce qu’on est en train de vivre et le Sénégal est la risée du monde. Tout le monde dit qu’il n’y a plus de droit qu’il n’y a plus de démocratie, alors que c’est ce qui nous a toujours valu des satisfactions au concert des nations.’’

Indépendance de la justice

‘’Je parle de l’indépendance de la justice, parce que je suis un acteur de cette justice. Je veux que son indépendance ne soit pas un vain mot. Il y a, certes, des juges indépendants qui jugent en leur âme et conscience. Mais je pense que, de manière générale, la justice n’est pas indépendante. Le rôle du Conseil constitutionnel n’est pas de légiférer. Il l’avait fait au moment de la controverse autour du mandat de Macky Sall. Il l’a encore fait lors de ces législatives. Ce n’est pas son rôle. Sa fonction est d’interpréter la conformité de la loi à la Constitution et aux traités internationaux. Je pense que ce que le Conseil constitutionnel a fait est une entrave à la séparation des pouvoirs. Il faut que l’on travaille pour qu’il y ait une justice indépendante. Car c’est  sur la justice que repose la démocratie. Sur elle repose l’Etat de droit. S’il n’y a pas de justice, rien de tout cela ne pourra être réalisé.

‘’Ismaïla Madior Fall a été conseiller du président de la République. Mais il est aussi professeur de droit. Je pense qu’il peut beaucoup apporter au secteur, avec les qualités professionnelles que tout le monde lui reconnait. Mais il faut qu’il oublie qu’il était le conseiller du chef de l’Etat. Maintenant, il doit travailler pour le renforcement de l’indépendance de la justice, qu’il promeut les juges indépendants et compétents. Que les juges sachent qu’ils ne sont pas là pour rendre des services, mais pour rendre justice au nom du peuple sénégalais…’’

Affaire Khalifa Sall

‘’Le président Wade est très peiné par la situation de Khalifa Sall. Mais on veut lui faire jouer un rôle qui n’est pas le sien. Il n’a jamais envisagé de siéger à l’Assemblée nationale. Il a toujours dit qu’il est tête de liste pour soutenir la coalition. Nous avons déposé sa lettre de démission. Et il sera remplacé par Toussaint Manga. Mais, en tant que député, en tant qu’homme politique, nous allons poursuivre le combat pour la libération de Khalifa Sall. Comme nous l’avons toujours dit, il a été injustement condamné, comme l’a été Karim Wade. La preuve, on a attendu qu’il fasse le tour du Sénégal et dévoile ses ambitions présidentielles pour l’arrêter. C’est regrettable. La justice est au-dessus des intérêts partisans. On ne doit pas la mêler à la politique. On a vécu la même chose dans l’affaire Karim Wade. J’avais honte. J’avais même rangé ma robe et décidé de ne plus la porter. Je l’ai remise juste pour l’affaire Assane Mbacké. C’est vraiment dommage pour le Sénégal.’’

MOR AMAR

 

Section: