Publié le 18 Aug 2015 - 09:51

Quel avenir pour les coalitions politiques?   

Samba Diouldé THIAM, Député à l’Assemblée nationale DAKAR

 

En 2000 et en 2012 des coalitions politiques ont permis des alternances de régime à la tête de l’Etat.

Le sort de la coalition de 2000, qui permit à Me Abdoulaye WADE de conquérir le pouvoir, commença à se dessouder  dés son installation au Palais de l’avenue Léopold Sédar SENGHOR. Une orchestration méthodique se mit en route contre le Premier ministre Moustapha NIASSE, dont le soutien fut décisif au triomphe du nouveau locataire du Palais. Amath DANSOKHO fut défenestré avant la fin de l’année 2000, suivi par Moustapha NIASSE avant la fin du premier trimestre 2001. Durant l’exercice de sa fonction celui-ci fut constamment entravé et le Directeur de cabinet présidentiel, Idrissa SECK, fut extrêmement violent et insolent à son égard.

Pourquoi le Président WADE s’est-il séparé aussi vite de Moustapha NIASSE ?

Plusieurs raisons peuvent être évoquées et certaines l’ont été avec insistance, notamment le besoin politique du nouveau régime de s’affranchir de ses soutiens pour la réélection  en 2007.

Ce souci de la réélection est tout à fait justifié pour tout président à la suite d’un premier mandat. Cependant pourquoi avoir torpillé très vite l’alliance de 2000 sans avoir pris le temps de vérifier qu’elle ne pouvait pas durer, et peut-être renouveler l’accompagnement en 2007 ?

Il me semble que la promesse faite à Moustapha NIASSE d’en faire le Premier ministre du premier gouvernement pour obtenir son soutien est une erreur politique manifeste et ou un piège. En effet, un Premier ministre, quelque soit sa personnalité et sa carrure politique ainsi que son action de coordination de l’action gouvernementale est une variable d’ajustement entre les mains du Président de la République dans notre régime, de surcroit chef incontesté de la majorité parlementaire. La présence d’un chef de parti électoralement important dans un attelage gouvernemental de coalition est problématique.

Cela a exposé politiquement Moustapha NIASSE. A sa décharge, il me semble qu’il était conscient de sa fragilité, mais aussi il subissait la pression  de son parti et de son électorat, ce qui le contraignit à accepter la proposition faite.

Cependant, à mon sens, ce qui fut décisif pour la liquidation rapide et brutale, réside dans la conviction qu’avait WADE qu’il ne pouvait pas associé durablement Moustapha NIASSE à une certaine gestion de l’Etat et à sa patrimonialisation. Outre d’avoir une mainmise totale sur l’Etat pour instrumentalisation totale, le Président Wade nourrissait des ambitions présidentielles pour son fils. Cette ambition, cachée au début, sera manifeste et grotesque. Idrissa SECK, considéré comme un obstacle au dauphinat, et lui-même lorgnant le dauphinat sans précautions, en paiera un lourd et terrible prix après l’éviction de NIASSE. De même, Macky SALL, à la suite de son action à la primature, d’ailleurs publiquement appréciée par le Président Wade, Directeur de la campagne présidentielle de 2007 sera écarté de la Primature, puis de la présidence de l’Assemblée nationale parce que soupçonné d’être un obstacle ou et un adversaire, imaginaire ou réel, des projets du Président.

Ajoutons que l’AFP, avec 17% à l’élection présidentielle, étant le seul parti électoralement important à soutenir Abdoulaye WADE, fut traité plus en adversaire qu’en partenaire.

En 2012 une coalition de coalitions accompagna Macky SALL au second tour.

Avec la formation du gouvernement, un Premier ministre, apolitique jusque-là, fut nommé avec la présence de ministres venus des différentes coalitions qui ont soutenu le nouveau président de la République. Aucun des chefs des coalitions primaires formant la nouvelle coalition ne fut présent dans le Gouvernement. Cette initiative d’avoir un PM non chef de parti et l’absence des chefs des coalitions primaires dans le Gouvernement furent des leçons politiques majeures mises à l’œuvre.

L’on réalisera plus significativement le dessein du nouveau président de la République quand il choisira d’aller en coalition électorale aux législatives avec ses alliés sur une liste où chaque coalition primaire sera représentée à hauteur de son pourcentage à la présidentielle.

Cette décision-là est véritablement révolutionnaire, car elle clarifie la vision et la volonté du nouveau président de s’inscrire et d’inscrire la nouvelle coalition dans la durée au moins de son mandat. Les acteurs politiques formant la coalition Benno Bokk Yaakaar (BBY) doivent reconnaitre au Président de la République la clarté de ses choix. Quant au reste, le sort de la coalition est entre les mains de tous ses membres, de l’intelligence avec laquelle ils décrypteront le sens et la profondeur de ce qui est en cours, au lieu d’en rester à observer l’écume des choses.

Instrument de conquête du pouvoir, la coalition, notamment Benno Bokk Yaakaar (BBY), se veut instrument de gestion du pouvoir.

Faire de la coalition un instrument de conquête et de gestion du pouvoir est une nouveauté chez nous. Nous sommes en expérimentation. Mais déjà la problématique des finalités de la gestion du pouvoir a changé : le pouvoir n’est pas une fin en soi ni un moyen d’enrichissement à des fins personnelles ou catégorielles. Cela ne signifie pas la fin d’un enrichissement pour ceux qui gouvernent, mais cela se ferait à leurs risques et périls parce qu’ils auront à en rendre compte devant les tribunaux. La fin de l’impunité, voila le grand programme pour minorer la patrimonialisation de l’Etat.

Si la coalition devient instrument de gestion du pouvoir politique, il est naturel que ses membres soient présents à différents niveaux de l’appareil d’Etat, selon une appréciation du Président de la République, à travers des mécanismes de consultation avec les principaux acteurs de la coalition.

Le fonctionnement de BBY pose de réels problèmes. Ceux qui souhaitent que BBY fonctionne comme un parti politique se trompent. D’abord d’un type de parti à un autre le fonctionnement n’est pas le même et faire fonctionner une « somme » de partis est encore plus compliqué. Imaginer qu’une coalition s’organise comme un parti avec des structures dans toutes les régions, les départements, les communes, les quartiers et les villages est peine perdue.

Si de hauts responsables nationaux de partis, somme toute en nombre limité, généralement mieux formés, mieux informés et mieux expérimentés, ont des difficultés à tenir des réunions régulières et normales, avec des égos et des exigences qui sortent de l’ordinaire, que dire aux échelons plus bas avec le grand nombre, des déraisons et des égos surdimensionnés ? Les difficultés d’en haut sont multipliées par en bas, sans que des mécanismes comme la discipline et la reconnaissance de l’autorité de son « chef » s’imposent comme mécanismes régulateurs. On peut ajouter qu’il y a au moins un non-dit implicite aux comportements d’insatisfaction à propos du fonctionnement de la coalition : la prétention à dicter les politiques et les conduites au leader de la Coalition, par ailleurs Chef de l’Etat, oubliant qu’il a reçu du corps électoral et donc de la Nation des pouvoirs très importants dont la définition de la politique nationale.

Il s’impose à tous les membres d’un parti ou d’une coalition de comprendre que le choix d’un leader est implicitement une acceptation qu’il a des pouvoirs qui font de lui un homme singulier dans la conduite des affaires du parti, de la coalition ou de l’Etat, autrement on choisit l’inefficacité, la paralysie et l’échec. Si les conséquences sont terribles pour le parti ou la coalition, elles aboutissent inévitablement à la fragilisation voire la déchirure du tissu social ou étatique si le Chef de l’Etat est constamment déstabilisé voir décrédibilisé. Un Etat n’en a pas besoin et puis il faut non seulement accepter mais s’imposer d’attendre la prochaine échéance électorale pour régler des comptes s’il y a lieu.   

Avoir une coalition comme BBY est bien mais précaire si les contenus de l’action gestionnaire du pouvoir politique n’épousent pas les intérêts majeurs du pays. La coalition ne saurait durer qu’autour d’un « programme » consensuel convenant aux acteurs. Et ce programme est à l’œuvre depuis avril 2012, par touches successives et dont le PSE est la quintessence.

L’accord des parties formant BBY est aujourd’hui fondé sur le PSE, qui est le programme de formalisé de gouvernement pour la transformation économique, sociale, intellectuelle et culturelle du pays. Il a fallu quand même deux ans pour arriver au PSE, qui n’est le programme d’aucune composante de BBY mais le programme de toutes les composantes de BBY, mais aussi et surtout de la nation sénégalaise.

Ce programme a pour horizon 2035. Au plus, le Président Macky SALL ne le pilotera que jusqu’en 2022 ou 2024 s’il rempile pour un deuxième mandat. Notre commune ambition devrait être que la Coalition  BBY, avec un champion provenant de ses rangs, soit plébiscitée par le peuple sénégalais pour poursuivre la réalisation du PSE, au besoin en l’adaptant aux évolutions qui rendraient nécessaire ces ajustements.

Le développement économique et social ne se fait jamais sans un leadership politique et intellectuel vigoureux, inspiré et inspirant. Inversement un leadership non éclairé, isolé, fragile et constamment déstabilisé n’induira pas de développement durable, équitablement vécu. Le leadership pour qu’il porte des fruits doit être assumé, outre par un leader, au moins par une équipe large, soudée, cohérente et visionnaire, et mieux par un ensemble de forces pour en assurer les tâches transformatrices dans la durée.

Le Président Macky SALL leader institutionnel de BBY et les différents leaders talentueux de BBY sont à leurs postes et à la manœuvre. La masse de BBY est la première cible pour l’appropriation du PSE.

Le PSE, à cet égard, dans ce qu’il exprime fondamentalement, à savoir l’émergence du Sénégal, doit être approprié aussi par l’opposition qui a une expérience gouvernementale qui l’a confrontée à la dure réalité de l’exercice du pouvoir et aux contraintes extérieures incontournables. Les directions du développement ne portent leurs fruits qu’à la maturité qui demande du temps. Comprendre cela aiderait la majorité et l’opposition, d’une alternance à l’autre, à ne pas entretenir des chimères ou à verser dans le populisme. Car en définitive, la vie du peuple transcende les durées des régimes qui se succèdent.

Les membres de BBY ont un « programme commun » à travers le PSE, en plus d’une présence dans le Gouvernement, à l’Assemblée nationale, au Conseil économique social et environnemental, dans les conseil locaux et à la tête d’organismes public. Alors que chaque composante, à partir de sa propre cohérence, de son organisation, de son expérience et de son mode de fonctionnement se fixe l’ambition d’en être le meilleur servant pour le bénéfice du peuple sénégalais. 

Samba Diouldé THIAM, Député à l’Assemblée nationale DAKAR

Secrétaire général du Parti de la Renaissance et de la Citoyenneté (PRC)

Membre de la Coalition Benno Bokk Yaakaar

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