Publié le 21 Jan 2016 - 04:53

Réflexions  sur un référendum

 

Le Sénégal en cette période cruciale abordera-t-il avec efficience le tournant décisif dans sa quête de liberté et de stabilité politique durable.

Le projet de  loi de révision que  le président de la République envisage de soumettre au  référendum interpelle dans le sens de savoir si le nouveau type de sénégalais a pris conscience de la rupture à opérer pour que les lendemains du soir du 17 mars 2012 prennent en charge les signaux forts amorcés depuis la première alternance de 2000.

De tous les points de la réforme constitutionnelle, la question qui  oppose spécialistes du droit, politiciens et l’ensemble des  forces vives de la nation, est de savoir si la réduction du mandat de sept à cinq est applicable au mandat en cours, même si cette promesse électorale est réitérée à maintes occasions volonté par le président de la République. La  constitution dispose que lorsque le Président de la République décide de soumettre un projet de loi au référendum, il doit requérir l’avis du président de l’Assemblée nationale et de celui du Conseil constitutionnel. Pour certains l’avis est consultatif, pour d’autre il s’agit d’un avis conforme.

L’avis consultatif signifie que le Président  de la République n’est pas lié par l’avis du Conseil constitutionnel. Au cas où le Conseil juge  que la réduction du mandat ne peut pas s’appliquer au mandat en cours, le président de la République  ayant pris l’engagement de réduire son mandat, la morale politique  l’obligera de soumettre le point portant réduction du mandat au référendum.

Quant à l’avis conforme, cela signifie qu’il est tenu par l’avis  du Conseil. Au cas où le Conseil juge que la réduction du mandat ne s’applique pas au mandat en cours, le projet de loi de révision sera modifié pour en soustraire la question relative à la  réduction du mandat.

Parmi ces deux thèses, celle de l’avis consultatif se défend mieux, dans la mesure où l’avis conforme ne se présume pas. Aussi, la question de l’avis du Conseil  constitutionnel, quant au référendum portant sur une révision constitutionnelle, ne peut être l’apanage de constitutionnalistes, ni être  tranchée que par des considérants juridiques, comme le défend l’éminent constitutionnaliste Mounirou Sy.

La constitution, ou le pacte fédérateur  fonde et encadre juridiquement l’Etat, mais les valeurs qui nous fédèrent  la précèdent pour lui confier à la fois sa légitimité et la permanence de son autorité. En effet, des valeurs cardinales déterminent et encadrent  l’action politique.

La prudence.  Le président de la République en prenant la décision de soumettre au référendum le projet de loi de  révision, s’est fondé sur les dispositions de l’article 51 pour requérir l’avis du président de l’Assemblée nationale et de celui du Conseil constitutionnel. La prudence,  lui  permet de discerner pour prendre en compte les éventuelles observations et propositions  de modifications  des autorités saisies, à savoir le président de l’Assemblée nationale et le Conseil constitutionnel.

La justice. Lorsque Mr Macky Sall candidat a promis de réduire son mandat, on peut dire alors que le choix porté sur lui, en ce moment précis de l’histoire politique du Sénégal  où le Conseil constitutionnel  avait  tranché pour légitimer la candidature de trop de Mr A. Wade, était guidé par une forte volonté de réforme institutionnelle. La justice recommande la ferme et  constante volonté de donner moralement   à chacun, au moins aux 65% des suffrages exprimés qui l’ont porté au pouvoir, ce qui leur est  universellement dû.  L’avis  du Conseil constitutionnel ne saurait délier le candidat élu de pouvoir revenir vers ceux- là même  qui lui ont donné leur mandat, pour lui permettre de renouveler son serment à travers le référendum.

La tempérance devra assurer alors la maîtrise de l’expression de la volonté, « je réduirai mon mandat … » sur les instincts pour les  maintenir  dans les limites de l’honnêteté pour ainsi procurer la stabilité dans l’action politique. Le président de la République en inscrivant dans son référendum, des  innovations consolidantes, notamment l’impossibilité de revenir sur le nombre de mandats et sa durée recherche ainsi  la stabilité politique pérenne.

La fortitude également appelée force de l’âme c'est-à-dire le courage est un qualificatif qu’on peut conférer  au chef de l’Etat. Sa constance et sa fermeté dans la poursuite de son destin lui ont permis de surmonter les obstacles. En effet, il est permis de présumer qu’il a préalablement compris et apprécié que l’une des causes fondamentales de la perte  du pouvoir par le président sortant, c’est d’avoir vicié le pacte social en pensant que le sénégalais avait perdu route référence à ses valeurs, aidé en cela par le Conseil constitutionnel. La fortitude signifie également le pouvoir de transcender les instincts. Le pouvoir peut mener vers des errements difficilement réparables. Le manque de constance et de fermeté d’un des candidats, « destiné »   président  de la République en est une autre illustration. Par conséquent,  président de la République est en mesure de  surmonter les obstacles, d’être au-dessus des intérêts partisans pour être en phase avec son peuple, en se déliant  de l’avis du Conseil constitutionnel, pour le maintien de l’équilibre social.

Un tel courage politique ne saurait être flétri par un Conseil ou des conseils qui n’auront pour conséquence de lui refuser d’inscrire  son action pour la postérité.

Tout d’abord, le texte fédérateur n’est pas l’apanage de constitutionnalistes.  Lorsqu’un Etat veut se doter d’une constitution, il fait appel à toutes les représentations de  sa population, ou convoque des Assises nationales pour les réformes institutionnelles. Ensuite, le Conseil constitutionnel n’est pas composé que de juristes. Enfin,  l’une des innovations  de ce projet de révision c’est de pouvoir  y admettre d’autres membres pouvant être désignés par le président de l’Assemblée nationale.

La « décision du Conseil constitutionnel, en tant que  juridiction», comme le soutient l’éminent constitutionnaliste, donc insusceptibles de recours,   ne saurait être motivée que par des « considérant juridiques stricto sensu. Le Conseil a la mission  d’assurer la primauté de la constitution mais dans un sens qui  consolide nos valeurs. Il lui est interdit  de trancher dans le sens « la loi est dure, mais c’est la loi ». De ce que fera le président de la République de cet avis, l’appréciation ne sera pas juridique mais politique.

Soyons pragmatiques. Le président de la République en soumettant son projet de révision au conseil constitutionnel, c’est pour requérir son avis.  Le projet portant sur quinze points, le seul point qui agite, est celui de la réduction du mandat. L’avis du Conseil  pourra-t-il être sélectif, pour dire que tous les autres points peuvent être soumis  au référendum, mais la question portant réduction du mandat ne  peut l’être.  Un tel avis conforme  ou « décision judiciaire » n’aura pour conséquence que de décrédibiliser le président de la République, en tant que gardien  de la constitution  à laquelle il veut apporter  sa touche consolidante.  L’opposition, de même que les membres des Assises nationales, dans leurs critiques se suffisent à dire que toutes les préoccupations n’ont pas été prises en compte, mais personne ne s’insurge  contre le  projet de loi de révision. Le plébiscite étant assuré, il aura pour conséquence de rendre plus facile la tâche au président de rempiler en 2017.

Mouhamadou Lamine   NIANG

Membre Convergence des cadres républicains

Docteur en Droit Privé de l’Université Montpellier 1

Spécialiste normes internationales du travail & Protection sociale

Lamniang2002@yahoo.fr

 

 

 

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