Publié le 13 Jan 2019 - 00:35
RABAT D’ARRET COUR SUPREME

L’éligibilité, seule option chez les pro-Khalifa

 

Dans le camp de Khalifa Sall, on se décentre du débat sur le rabat d’arrêt, sans renoncer pour autant à son caractère suspensif. Un de ses avocats et un proche collaborateur défendent son éligibilité, en dépit de l’épée de Damoclès judiciaire qui plane sur sa tête.

 

Suspensif, pas suspensif ? Le rabat d’arrêt va être introduit par les conseils de Khalifa Sall qui ont reçu notification de la décision de la Cour suprême. Un combat feutré se mène en coulisses pour aligner les arguments de droit dans le sens de faire participer Khalifa Ababacar Sall à la présidentielle, ou de l’en exclure. S’il est établi que le fameux rabat est intenté au moyen d’une requête qui doit être accompagnée de l’expédition de la décision juridictionnelle attaquée, délivrée par la Cour suprême elle-même, partisans et avocats du maire révoqué veulent ramener la question à des proportions plus saisissables.

‘‘Tous ceux qui parlent donnent des garanties de fidélité ou renvoient l’ascenseur’’, confie un proche collaborateur de M. Sall, avant de dévoiler ce qu’il croit être le mode opératoire qui devrait écarter son leader. ‘‘Ce que veut l’Etat, via ses quinze avocats, c’est d’attendre le 12 ou le 13 (demain ou après-demain) pour la lecture provisoire de l’arrêt, afin d’introduire une requête près le Conseil constitutionnel et la présenter comme pièce justifiant la disqualification de Khalifa Sall. Le Conseil constitutionnel sera manifestement dans l’embarras de devoir trancher, car cette lecture n’est pas une décision définitive. Le Conseil est un juge électoral et n’a pas la possibilité de demander au juge de la Cour suprême’’, confie-t-il. Ceci compte non tenu, poursuit-il, du canal par lequel la Cour suprême va devoir communiquer avec le Conseil constitutionnel.

Me Kane se décentre du rabat 

Me Amadou Aly Kane, l’un des avocats du pool de la défense de Khalifa, s’est également prononcé, mais à titre personnel. S’il refuse de communiquer certains arguments de la défense par voie de presse, il se décentre tout de même de la grille de lecture du rabat d’arrêt et pointe le curseur sur un autre volet. ‘‘Ce qui est important par-dessus tout, est que M. Khalifa Sall est inscrit sur les listes électorales.  Il a un dossier complet qui rassemble toutes les pièces justificatives. Même en cas de condamnation, dès lors que le juge ne le prive du droit de vote, personne ne peut le faire a posteriori. Il n’y avait que le juge qui aurait pu le priver du droit d’être électeur ou éligible. Les juges des trois instances n’ont pas eu à prononcer une mesure privative de droits civils et politiques à son encontre. Ce qui veut dire qu’il devient électeur et éligible. Même sans le rabat d’arrêt’’, explique-t-il, invitant tout le monde à adopter cette grille de lecture et ne pas se perdre dans les méandres du rabat.

 Me Kane estime tout bonnement que Khalifa Sall a mis tout le monde devant le fait accompli de son éligibilité. ‘‘En fait, le débat sur le rabat d’arrêt est secondaire par rapport à l’éligibilité. Une condamnation pour certaines infractions empêche l’inscription. Aujourd’hui, la phase des inscriptions et des contestations est dépassée.  Même si la décision est définitive, c’est l’application de l’article L35 qui considère que ne peut pas être inscrit sur les listes électorales les personnes condamnées à une certaine peine. Sauf que lui est déjà inscrit et qu’on ne peut pas le radier. Ceux qui l’ont jugé n’ont pas prononcé sa radiation. En droit, il n’y a pas un moyen qu’on peut tirer de l’arrêt de la Cour suprême pour l’empêcher d’être candidat’’, défend-il.

Cette lecture désaxée sur le rabat d’arrêt est pratiquement le même argument qu’a avancé le collaborateur du maire avec un peu plus d’agressivité pour les avocats du camp d’en face. ‘‘Ni Malick Lamotte ni Kandji, encore moins Baal n’ont dit explicitement que Khalifa Sall était privé de ses droits civiques et politiques. Chaque chose étant égale par ailleurs, il est candidat et éligible. Le rabat d’arrêt n’a rien à voir dans ce débat. Ceux qui défendent que l’arrêt n’est pas suspensif sont des mercenaires’’, martèle-t-il.

‘‘Il gagne il sort, il perd il sort’’ 

Pour autant, ces proches de l’ancien maire ne lâchent pas l’argument du caractère suspensif du rabat d’arrêt. Après que la Cour suprême a rendu l’arrêt confirmatif de la décision de la Cour d’appel le 3 janvier 2018, le maire révoqué a épuisé l’une de ses dernières cartouches judiciaires dans l’affaire de la caisse d’avance de la ville de Dakar. Une lecture duale s’en est suivie sur le caractère suspensif ou pas du rabat d’arrêt que ses avocats vont introduire, après avoir reçu la notification de la décision par la Cour suprême.

Si certains du camp d’en face soutiennent que l’article 51 de la loi organique de la Cour suprême confère à la décision de Baal le caractère de l’autorité de la chose jugée, même sans le rabat, en face, c’est naturellement une lecture aux antipodes.

Me Kane, qui s’est appuyé sur l’article 36, dit que ‘‘le recours et les délais de recours ne sont suspensifs que dans les cas suivants : en matière d’état ; quand il y a faux incident ; en matière de vente immobilière ; en matière pénale, sauf, d’une part, en ce qui concerne les condamnations civiles et, d’autre part, l’existence de dispositions législatives contraires’’.  ‘‘Ici, il ne s’agit pas de condamnation pénale, et il n’existe pas de dispositions législatives contraires disant que ce n’est pas suspensif’’, explique la robe noire. Il estime que le ‘‘piège’’ n’est pas dans l’article 51 de la loi organique sur la Cour suprême, mais dans l’article suivant, à alinéa 2.  ‘‘Les dispositions des articles 32 à 42 de la présente loi organique sont applicables aux procédures en rabat d’arrêt déposées par les parties. Toutefois, la requête du procureur général est notifiée aux parties par le greffier en chef de la cour’’, comme le dispose l’alinéa.

‘‘Nous en concluons que le rabat est suspensif’’, soutient-il. Quant à son collaborateur, il se dit estomaqué par le fait qu’on attente à un principe aussi évident et immuable. ‘‘Dans toutes les écoles de droit, les juristes sont d’accord que le rabat d’arrêt est suspensif. Article 51 ou 52, ce n’est pas important ! Il sera introduit. Le combat judiciaire continue et ne s’arrêtera que quand on aura déposé le rabat. Cela n’a rien à voir avec sa candidature et son éligibilité (...) Khalifa est candidat, il gagne il sort ! Khalifa est candidat, il perd il sort. Donc, toute cette agitation du camp d’en face n’en vaut pas la peine’’, conclut-il.

OUSMANE LAYE DIOP

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