Publié le 2 May 2019 - 20:21
RAPPORT PUBLIC SUR L’ELECTION PRESIDENTIELLE DE 2019

Idy et alliés mettent à nu un vaste hold-up électoral

 

Le président de la coalition Idy2019, Idrissa Seck, et ses alliés de ladite coalition, ont rendu public, ce mardi 30 avril 2019, un rapport public sur l’élection présidentielle du 24 février 2019 dernier. Dans le document d’une cinquantaine de pages, ils mettent à nu un vaste hold-up électoral qui a abouti à la réélection, dès le premier tour, du président de la République Macky Sall, avec plus de 58 % des suffrages des Sénégalais.

 

‘’Rapport public sur l’élection présidentielle du 24 février 2019 : Observations saillantes autour d’un hold-up électoral’’. C’est le titre du livre blanc rendu public mardi 30 avril 2019 dernier par la coalition Idy2019. Le président de ladite coalition, Idrissa Seck, et ses alliés, qui ont aussitôt rejeté les résultats du scrutin présidentiel du 24 février dès leur proclamation, d’abord, par la Commission nationale de recensement des votes, puis par le Conseil constitutionnel, avaient promis de produire un livre blanc pour étayer leurs soupçons de fraude. Chose faite ce mardi. Dans le document de quatre chapitres, ils soutiennent, sans ambages, que la non sincérité du scrutin du 24 février ne souffre d’aucune ambiguïté.

Fraude sur l’état civil et gonflement du fichier électoral

Pour Idrissa Seck et ses alliés qui dénoncent, d’emblée, un gonflement du fichier électoral, la manipulation a été l’outil principal par lequel s’est réalisée la confiscation du suffrage des Sénégalais. A les en croire, l’audit du fichier a, en effet, permis de déceler une fraude massive à l’état civil. Cette forme de fraude inédite, ‘’et qui enlève, pour la première fois depuis l’indépendance, toute crédibilité à notre état civil national’’, a permis d’introduire plus d’un million d’électeurs fictifs dans le fichier général des électeurs. Le mécanisme d’insertion de ces électeurs fictifs ainsi que les milliers d’électeurs victimes d’un transfert forcé de leur lieu de vote a été envisagé, selon eux, en amont et exécuté le jour même du vote, grâce à une modification illégale du régime des opérations de vote. ‘’Nous avons pu constater qu’entre les Législatives de 2017 et la Présidentielle de 2019, 1 071 000 électeurs ont été enregistrés dans le fichier électoral, dont 917 000 qui auraient voté pour Macky Sall’’, fulmine Mamadou Diop Decroix qui a animé la conférence de presse.

 Mieux, il relève qu’ils ont trouvé sur le fichier, quelque 155 248 doublons identifiés, c’est-à-dire des électeurs ayant le même numéro. Rien qu’à Dakar la capitale sénégalaise, il soutient qu’il y a eu, lors du scrutin présidentiel du 24 février 2017, 115 232 voix de plus dont 97 672 voix pour Macky Sall, soit 85 % des suffrages. Toutes choses qui font que le président Macky Sall est passé, dès le premier tour, avec plus de 58 % des suffrages valablement exprimés, là où il devrait avoir un score qui tournerait, selon Mamadou Diop Decroix, autour de 48 %.

Selon Mamadou Diop Decroix, la pratique de confiscation du pouvoir est partie du référendum de 2016. ‘’Ils nous avaient présenté les procès-verbaux de 1 213 bureaux de vote à l’étranger. Mais sur le fichier électoral, il y en avait que 500. Nous avons pu découvrir que plus de 600 bureaux de vote fictifs ont été établis à l’étranger. Ce qui, en plus d’autres stratégies de vol, a permis de faire gagner le Oui sur le Non’’, décèle le président de la commission électorale d’Idy2019. Decroix estime que si tout cela a été possible, c’est parce que l’administration électorale n’est pas neutre. C’est d’ailleurs pourquoi, rappelle-t-il, nous avons toujours récusé le ministre de l’Intérieur Aly Ngouille Ndiaye’’.

Actes préparatoires d’un hold-up

Pour Idrissa Seck et ses alliés d’Idy2019, toute la stratégie de fraude électorale mise en œuvre par le régime, lors du scrutin présidentiel du 24 février, a été précédée d’actes préparatoires. Selon eux, il y a eu, avant tout, toute une stratégie de neutralisation systématique du principe de consensus politique. ‘’De son avènement jusqu’à sa septième et dernière année, la seconde alternance (2012-2019) a été marquée par un recul démocratique sans précédent. La condition de l’opposition politique, malgré son statut constitutionnel, n’a cessé de se dégrader à mesure que le premier garant de la liberté politique cherchait systématiquement ‘à réduire l’opposition à sa plus simple expression’’’, soutiennent-ils.

Ils estiment ainsi que la réalisation d’un tel objectif bassement politicien, était naturellement incompatible avec le besoin d’entretien de la sève qui nourrissait jusqu’alors notre vitalité démocratique : le consensus politique. En lieu et place d’un dialogue politique, ils estiment que l’opposition a dû faire face ou plutôt subir, surtout à l’approche de chaque échéance électorale, un unilatéralisme décisionnel brutal accompagné d’une dégradation générale du système d’organisation et de contrôle du processus électoral. Ainsi, l’unilatéralisme décisionnel a été, selon eux, le vecteur de toutes les réformes électorales sous la seconde alternance. Des réformes qui, à les en croire, ‘’ont été l’occasion d’intégrer dans notre tissu juridique des règles aussi controversées qu’incompatibles avec les textes en vigueur au moment de leur adoption’’.

Unilatéralisme décisionnel du régime

Cet unilatéralisme décisionnel a permis d’engager, selon Idrissa Seck et ses alliés, deux séries de réformes, l’une constitutionnelle et l’autre législative, et qui pourraient être considérées comme des fraudes aux textes électoraux. Ces réformes ont, selon eux, permis au camp au pouvoir de s’auto-favoriser dans la perspective de l’échéance électorale du 24 février 2019. ‘’Après les élections législatives du 30 juillet 2017, où la coalition au pouvoir est sortie minoritaire sur le plan de la représentativité électorale, de nouvelles stratégies ont été dégagées par elle afin de surmonter cette réalité politique que le peuple souverain venait d’acter, malgré une sur-représentativité parlementaire que le mode de scrutin (majoritaire à un tour) leur offrait formellement (125 des 165 sièges, soit une majorité de 75,78 % obtenue avec 49,47 % des suffrages exprimés). C’est contre cet état de fait que s’est tissé un début de dialogue politique’’, soutiennent-ils.

Parallèlement à cette réforme constitutionnelle, ils relèvent l’introduction dans le Code électoral sénégalais de nouvelles lois régressives, liberticides qui portent atteinte à l'intégrité de tout le processus électoral. De la restriction déraisonnable à la liberté de candidature, en passant par le démantèlement du régime électoral du président de la République ou encore la liquidation d’adversaires politiques, la loi électorale a subi, selon eux, des assauts répétés et sous couverture juridictionnelle.            

Démantèlement du régime électoral

Il s’y ajoute, selon eux, le démantèlement programmé du régime électoral du président de la République. Car la réforme constitutionnelle issue de la loi 2018-14 du 11 mai 2019 portant révision de la Constitution et instituant le parrainage modifie l'esprit du parrainage qui devient une condition générale de filtrage des candidatures à l'élection populaire du chef de l'Etat. Pour Idy et ses alliés, il s’agit d’une loi à ranger dans la catégorie des lois scélérates. ‘’Le but de ce ‘filtrage’ déguisé est d'écarter et de restreindre les candidatures issues de l’opposition afin d’offrir au premier tour l’élection de Macky Sall’’, soutiennent-ils.

Avant d’ajouter : ‘’La loi constitutionnelle instituant le parrainage intégral élargit davantage l’incohérence matérielle du régime de dépôt de candidatures, puisqu’elle renvoie, en violation manifeste de la Constitution, au législateur ordinaire pour fixer les modalités de contrôle des signatures : c’est le premier élément manifeste de fraude aux textes électoraux dont la Constitution.’’ Pis encore, la mise en œuvre du système de contrôle des parrainages par le Conseil constitutionnel a violé la Constitution, la loi et la réglementation. Selon Idrissa Seck et Cie, l’opposition sénégalaise a combattu un système de parrainage qu’elle savait créé pour éliminer des candidats plutôt que pour rationnaliser une participation à l’élection présidentielle.

Toute une stratégie de hold-up électoral décelé et mise à nu, Idrissa Seck et ses alliés recommandent très fortement des concertations sur le processus électoral. Ils ont, à cet effet, formulé une kyrielle de recommandations qui ont pour but d’assurer la sincérité et l’intégrité des échéances électorales à venir.  

ASSANE MBAYE

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