Publié le 21 Jul 2015 - 19:51
REFUS DE HABRE DE SE PRESENTER DEVANT LES CAE

Le président ordonne sa comparution forcée aujourd’hui 

 

Hissein Habré a refusé hier de comparaître devant les Chambres africaines extraordinaires pour répondre de crimes internationaux. Face à son refus, malgré la sommation de l’huissier, le président de la Chambre d’assises des CAE a demandé aux gardes pénitentiaires de l’emmener de force aujourd’hui.

 

Déterminé à ne pas comparaître devant la Chambre d’assises des Chambres africaines extraordinaires (CAE), qu’il a rebaptisées ‘’Comités administratifs et exécutifs’’, Hissein Habré n’a pas pu mettre sa menace à exécution. Les éléments pénitentiaires d’intervention (EPI) l’ont contraint à venir au tribunal. Mais l’ex-président tchadien, installé avant même l’ouverture de la salle d’audience, n’a pas assisté à la cérémonie d’ouverture de son procès. Un incident créé par ses partisans a obligé les gardes pénitentiaires à le ramener à la cave. Ainsi l’occasion faisant le larron, après la reprise du procès après la cérémonie protocolaire, l’ancien homme fort de N’Djamena a refusé catégoriquement de revenir dans la salle d’audience. La nouvelle est portée au procureur général qui en informe le président.

Face au refus de l’accusé de comparaître, le président Gberdao-Gustave Kam commet un huissier et lui demande de sommer Hissein Habré à se présenter ‘’immédiatement’’. A la reprise du procès à 15heures, la sommation est revenue infructueuse. L’ex-président a préféré répondre par des attaques contre les CAE et les juges de ladite juridiction. ‘’Ces chambres que j’appelle Comités administratifs et extraordinaires sont illégitimes et illégaux. Ceux qui y siègent ne sont pas des juges mais  de simples fonctionnaires remplissant une mission d’ordre politique’’, a répliqué Hissein Habré à la sommation de la Chambre d’assises. ‘’J’ai été emprisonné à la suite d’un kidnapping. Depuis lors, je suis illégalement détenu par conséquent, je n’ai à répondre à aucune démarche de ce comité dont les actes et activités sont illégaux’’, a-t-il conclu avant de refuser, selon l’huissier, de signer la sommation.

Mais les juges sont déterminés à le faire comparaître, qu’il le veuille ou non, puisque l’option prise, c’est l’y contraindre. ‘’Nous, Président de la Chambre d’assises, avons pris la décision de faire application des dispositions du code de procédure pénale et ordonnons que l’accusé soit conduit par la force publique à l’audience de la Chambre d’assises des CAE du mardi 21 juillet, à 9 heures’’. Face à l’absence de l’accusé, l’audience a été suspendue plus tôt que prévue.

A la fin de l’audience, Me Assane Dioma Ndiaye a déploré l’attitude de Hissein Habré. A ses yeux, elle traduit ‘’une véritable défiance à l’égard de la Chambre d’assises’’. Sur sa lancée, l’avocat constitué par certaines victimes, a estimé que si la Chambre a usé de la contrainte, c’est parce que c’est l’alternative qui lui est offerte. Une situation dont il se désole. ‘’Nous aurions aimé que Habré comparaisse librement, volontairement et se disculpe comme il dit souvent qu’il n’est pas coupable et que les faits étaient inventés’’, a soutenu Me Ndiaye. Pour lui, le procès devrait être ‘’une belle occasion pour Habré, pour se disculper à la face du monde, de l’Afrique et de sa famille’’.

BOYCOTT DE MES IBRAHIMA DIAWARA ET FRANÇOIS SERRES 

Des avocats commis d’office pour Habré ?

La Chambre d’assises des Chambres africaines extraordinaires  (CAE) va-t-il commettre d’office des avocats pour Hissein Habré ? La décision n’est pas encore prise, mais elle suscite débat et division.

Face à la décision de Hissein Habré et de ses conseils de boycotter le procès de l’ex-président tchadien, les Chambres ont trouvé la parade. D’une part, contraindre l’accusé à comparaître. D’autre part, il est envisagé de commettre d’office des avocats pour l’accusé. A cet effet, une short-liste de neuf avocats a été transmise au président Gberdao-Gustave Kam, sur sa demande. Le juge va-t-il commettre des avocats pour Hissein Habré dont les conseils attitrés sont Mes Ibrahima Diawara et François Serres ? La question divise.

Pour Me Diawara, ‘’il se pose un problème d’éthique et de déontologie’’. Le conseil de Hissein Habré estime que ‘’quand on est avocat, on ne peut pas se permettre de défendre quelqu’un qui ne vous fait pas confiance, avec qui vous n’avez pas discuté du dossier’’. Mais pour d’autres avocats, la commission d’office a une base légale, puisque l’avocat commis a une charge publique qu’il tient de la juridiction qu’il a choisie. D’après un juriste interrogé, ‘’un avocat commis est tenu d’exécuter sa mission, sauf s’il se justifie de motifs valables l’empêchant de le faire, comme la clause de conscience’’. A défaut, il encourt des sanctions disciplinaires. Donc en l’espèce, même en cas de récusation par Habré, l’avocat commis est obligé de plaider, dans la mesure où son contrat, c’est avec la juridiction.

Le hic dans ce cas, explique, un de nos interlocuteurs, est que ‘’l’avocat ne va pas assister l’accusé. Son rôle sera cantonné à la plaidoirie et il ne pourra pas recueillir ses avis’’. Quoi qu’il en soit, un des avocats pressentis considère qu’on ne peut pas parler de commission d’office, pour le moment. ‘’Il faut que le juge constate d’abord que l’accusé n’a pas d’avocat. Là, il peut même ne pas en commettre’’, a-t-il renseigné. Et l’un de ses confrères d’ajouter pour le déplorer : ‘’On parle de commission d’office, comme s’il s’agit d’une situation nouvelle, or ce n’est pas le cas’’. Mieux, ‘’ce n’est pas la meilleure des conditions pour défendre une personne accusée de faits graves, car on n’a pas préparé le dossier.’’

FATOU SY

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