Publié le 24 Nov 2018 - 03:18
REGLEMENTATION MINES & HYDROCARBURES

Les prochains chantiers du Cn-Itie

 

Le Comité national de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (Cn-Itie) s’attaque aux nouveaux défis après le satisfecit obtenu pour son récent rapport.

 

Après le succès du ‘‘progrès satisfaisant’’, la meilleure note que puisse décerner l’Itie, l’atelier de dissémination du rapport 2017 du Cn-Itie hier, a été l’occasion pour les parties prenantes de s’intéresser aux éventuels correctifs à apporter au secteur minier et à celui des hydrocarbures pour les prochaines années. Mankeur Ndiaye a signé deux protocoles, avec les ministères de la Justice et celui de la Bonne gouvernance à cet effet. D’après lui la publication des rapports sénégalais à l’année N-1 (Ndlr : rapport de 2017 publié en 2018) est un acquis non négligeable car beaucoup de pays de l’Itie publient avec trois ou quatre ans de retard. ‘‘Pour le moment, c’est le seul rapport qui atteste de la fiabilité des données. Il y en a pas d’autre’’, avance l’ancien ministre des Affaires étrangères. Mankeur estime que sur certains points le Sénégal est allé au-delà des normes édictées par l’Itie comme le débat public ou la publication qui est une recommandation et non une obligation. Le pays qui a eu la note maximale ne compte  pas dormir sur ses lauriers. Le Sénégal sera réévalué dans trois ou quatre ans et le président du Cn-Itie espère qu’on ‘‘ne va pas tomber de 10 à 5’’. A ce titre beaucoup de dispositions sont à l’étude ou en cours d’élaboration pour optimiser les performances du Sénégal.

Déclaration par projet

Les réglages concernant les mines sont une sorte de répétition générale en attendant que le secteur des hydrocarbures entre, majoritairement, dans sa phase d’exploitation. Ainsi, pour les entreprises du secteur minier, la déclaration par projet va devenir obligatoire d’ici le 31 décembre 2018 annonce le ministre de la Justice, Ismaila Madior Fall. Ce procédé devrait permettre d’avoir des données plus exhaustives et d’avoir une meilleure lecture des flux. Initialement, l’Itie exigeait seulement des pays qu’ils groupent tous les paiements effectués par les entreprises au gouvernement. Les pays ne devaient publier que deux chiffres (le montant que les gouvernements disaient percevoir des entreprises et le montant que les entreprises disaient avoir versés). Avec la déclaration par projet, L’Itie exige que tous les paiements soient ventilés par entreprise et par flux de paiement. Par le passé la plupart des gouvernements ont reçu des taxes et paiements de la part des entreprises par projet mais n’ont publié que les chiffres agrégés ou combinés dans le cadre de leurs rapports Itie. Avec cette approche, le Sénégal espère se rapprocher des meilleures pratiques. Ismaila Madior Fall, indique que la tendance n’est plus à la publication des rapports, mais au rapportage, comme en Norvège, c’est-à-dire la publication des informations en temps réel. 

Autre grande étape à venir, la divulgation des propriétaires réels des entreprises de ce secteur. La fin novembre a été fixée comme date butoir pour que le projet de décret portant modification du décret relatif au Registre du commerce et du crédit mobilier (Rccm), en cours d’élaboration pour encadrer la divulgation de la propriété réelle, soit déposé sur la table du chef de l’Etat. Concrètement, c’est le Rccm, rattaché au ministère de la Justice, qui sera le cadre institutionnel devant recueillir les données sur l’identification des bénéficiaires effectifs des entreprises pétrolières gazières et minières.

 Pour le Président de la Chambre des mines, Abdou Aziz Sy, ‘‘il ne fait aucun doute que le Sénégal est béni de Dieu et que les cris d’orfraie des détracteurs ne devraient pas éloigner le Cn-Itie et le gouvernement de la trajectoire qu’ils ont tracée’’.

Inclusion société civile

Les organisations de la société civile sont toutefois restées sur leur faim concernant les options du gouvernement. Vivement critiquées par la ministre de tutelle, Sophie Gladima, en prélude à la Conférence de Dakar sur la propriété réelle, ces Osc ont pourtant reçu les compliments de Mankeur  Ndiaye et d’Ismaila Madior Fall hier. Ce dernier est même invité à la conférence mondiale de la coalition ‘‘Publiez ce que vous payez’’ (Pcqvp) prévue à Dakar en janvier 2019.

 Malgré un satisfécit dans l’ensemble, leur représentant Ibrahima Sorry Diallo, regrette leur mise sur le banc de touche. L’inclusion de la société civile dans le Comité d’orientation stratégique Pétrole et gaz (Cos-Pétrogaz), les options sur le contenu local et les clés de répartition des retombées des ressources minérales, ainsi que leur exclusion de la rédaction du Code pétrolier constituent les principales doléances pour lesquelles le garde des Sceaux a promis de faire un plaidoyer auprès du Président Sall. Ce mois de décembre, le projet de loi sur le nouveau Code pétrolier, en gestation depuis 2016, devrait passer à l’Assemblée nationale. C’est du moins ce qu’avait annoncé le Président Macky Sall, début novembre, à la conférence africaine sur la propriété réelle des entreprises minières pétrolières et gazières. Deux autres projets de loi devront être examinés par la même occasion : celui portant partage des revenus de l’exploitation future des hydrocarbures, et celui qui va définir le contenu local dans le cadre de l’exploitation du pétrole et du gaz au Sénégal. Le Président avait même promis de rendre publiques ‘‘ la clause de confidentialité que prévoyaient les codes dans le passé’’.

Fonds d’appui au Collectivités locales

Alors qu’une deuxième mine (Torogold) est en exploitation à Kédougou après celle de Sgo, les Collectivités locales de manière générale peinent à percevoir les retombées d’une activité minière fructueuse sur leur terroir depuis quelques années. Dans le rapport de l’Itie, il est mentionné que la Direction générale de comptabilité publique et du Trésor (Dgcpt) n’a mentionné aucun transfert au profit des communes et collectivités locales dans sa déclaration de l’année 2017, malgré les dispositions du Code minier de 2016. Les modalités de répartition du Fonds de péréquation et d’appui aux collectivités locales prévoient 80% des recettes pour les communes au prorata de la taille de leur population, et 20% aux départements collectivités locales. ‘‘Il y a des efforts à faire au niveau des fonds d’appui et de péréquation destinées aux Collectivités locales’’, a exhorté Ibrahima Sorry Diallo. Suffisant pour que le ministre de la Justice rappelle aux services concernés des ministères des Mines et de la Géologie et celui de l’Environnement, de diligenter sur instruction du Premier ministre l’opérationnalisation du fond d’appui et de péréquation des collectivités locales.

OUSMANE LAYE DIOP

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