Publié le 4 Jan 2019 - 20:13
REJET DES POURVOIS DE KHALIFA SALL ET CIE

Le candidat de Taxawu Senegaal maintenu en prison 

 

Khalifa Sall reste en prison. C’est la conséquence du rejet de ses pourvois introduits devant la Cour suprême. Seul l’Etat est sorti vainqueur de cette bataille, car la ville de Dakar a également vu son pourvoi rejeté. Mais la bataille judiciaire n’est pas encore finie, car les avocats du candidat de la coalition Taxawu Senegaal ont décidé d’introduire un rabat d’arrêt.

 

‘’Nous le savions’’. C’est par ces mots que les partisans de Khalifa Sall ont accueilli, hier, le verdict de la Cour suprême. Tandis que les militants, bloqués dans la rue, criaient tout leur désarroi, ceux qui ont pu accéder à la salle n’ont pas manqué de conspuer les juges. Même s’ils ont affirmé n’être nullement surpris par ce nouveau revers subi par leur leader qui a perdu la bataille de la cassation.

En fait, la Cour suprême a rejeté tous les 12 pourvois que lui et certains de ses co-prévenus, notamment Yaya Bodian et Fatou Traoré, ont introduits. Tout comme l’avocat général Ndiaga Yade, le juge Amadou Baal et ses conseils ont estimé que ‘’tous les 40 moyens présentés par la défense sont mal-fondés’’. Contrairement à la défense qui considère que ‘’le droit n’a pas été bien dit’’, la Cour suprême est d’avis que la Cour d’appel de Dakar a légalement justifié sa décision. Laquelle confirmait partiellement le jugement rendu en première instance. Car la cour avait certes annulé les procès-verbaux d'audition et confrontation de police, mais n’avait pas jugé nécessaire d’annuler la procédure.

Une demande formulée par les conseils du député-maire au motif que le règlement n°5 de l’Uemoa relatif à la présence de l’avocat a été violé. Pour le juge Baal, aucun grief ne peut être fait à ce niveau. Il s’est également inscrit dans la logique de ses collègues d’appel, concernant l’exception d’inconstitutionnalité. Il a laissé entendre qu’il n’y a pas lieu à transmettre la requête au Conseil constitutionnel. Les pourvois relatifs à l’arrêt du 30 août ont également été rejetés. Par conséquent, Khalifa Sall reste en prison pour 5 ans, en sus du paiement d’une amende de 5 millions de francs Cfa. Le cinquième de ses biens est également confisqué. Condamnés pour les chefs de faux et d'usage de faux en écriture de commerce et complicité d'escroquerie portant sur des deniers publics, Yaya Bodian et Fatou Traoré sont condamnés à la même peine avec une amende fixée à 500 000 F Cfa.

Cependant, la bataille n’est pas encore perdue par le candidat investi de la coalition Taxawu Senegaal. Car ses avocats promettent de déposer un rabat d’arrêt. Ils ne seront pas les seuls, car les conseils de la ville de Dakar s’engagent dans cette voie. Leur pourvoir a également été rejeté.

En fait, les conseils de la ville s’étaient pourvus en cassation, car ils ont toujours estimé qu’il n’y a pas de détournement de deniers publics, puisque la caisse d’avance est alimentée par les recettes municipales. Donc, le préjudice de 1,8 milliard de francs Cfa allégué par l’Etat appartient à la ville et la Cour d’appel n’avait pas raison de condamner les prévenus à payer solidairement à la mairie et à l’Etat le montant du préjudice.

Equation autour de la candidature de Khalifa Sall

Après avoir passé le test du parrainage, Khalifa Sall réussira-t-il à franchir l’étape de la validation de sa candidature pour la présidentielle par le Conseil constitutionnel ? Les avocats sont divisés sur la question. Conseil de l’Etat, Me Baboucar Cissé est catégorique. Pour lui, Khalifa Sall est définitivement écarté de la présidentielle du 24 février prochain. Car, argue-t-il, ‘’c’est une décision qui est définitive. Le rabat n’a pas un caractère suspensif’’. Les avocats du candidat de la coalition Taxawu Senegaal et ceux de la mairie pensent le contraire.

Ils soutiennent que l’ex-maire peut bien solliciter le suffrage des Sénégalais, étant entendu que la décision n’est pas définitive, puisque le rabat d’arrêt suspend la condamnation. Me Seydou Diagne est formel. Il a relevé, à la fin de l’audience, que M. Sall n’a pas été condamné à une privation de ses droits civiques et qu’il est bel et bien candidat, puisque le rabat est suspensif. Mieux, appuie Me Ousseynou Gaye : ‘’Khalifa Sall a déposé plusieurs autres pourvois qui ne sont pas encore vidés.’’ Donc, pour lui, ‘’dire que le rabat n’est pas suspensif, c’est se moquer du monde’’.

La jurisprudence Hama Amadou

Quoi qu’il en soit, certains juristes estiment que cette situation pouvait être évitée, si la Cour suprême avait eu ‘’le courage’’ de programmer le dossier depuis longtemps. Confirmant la thèse de la suspension, ils ont expliqué que les avocats ont un délai d’un mois, à partir de la signification de l’arrêt de la Cour suprême, pour introduire leur rabat d’arrêt. ‘’Puisque les avocats jouent sur les délais, ils peuvent attendre le dernier jour pour déposer leur requête.

Ce sera au mois de février et la campagne électorale aura démarré’’, analyse une source. Qui explique qu’après le rabat, les parties ont un délai de deux mois pour déposer leurs conclusions. ‘’Nous serons certainement au mois d’avril’’, ajoute notre interlocuteur qui évoque la jurisprudence Hama Amadou, emprisonné alors qu’il était candidat à la présidentielle nigérienne, en 2016.    


REACTIONS

ME SEYDOU DIAGNE, AVOCAT KHALIFA

‘’Khalifa Sall est candidat, nous allons faire un rabat ’’

‘’La première réaction c’est, comme vous l’avez constaté, un rejet de notre pourvoi. Mais nous avons deux lectures très importantes. La première lecture, c’est que la Cour suprême n’a pas fait application des dispositions de l’article 34 du Code pénal, en privant M. Khalifa Sall de ses droits civiques. Donc, c’est une information très importante que nous portons à l’opinion publique nationale et internationale. La Cour suprême n’a pas décidé de l’interdiction des droits civiques. Ça veut dire que M. Khalifa Sall jouit encore de tous ses droits civiques et politiques, qu’il peut être candidat et qu’il n’a pas été condamné à une privation de ses droits civiques. La deuxième chose, c’est que la condamnation va subsister, puisque l’arrêt a été rejeté.

Donc, ce que nous avons à dire à l’opinion, c’est que nous allons faire immédiatement, dès que l’arrêt nous sera notifié, une procédure de rabat d’arrêt, pour annuler d’abord la décision de la Cour suprême qui rejette notre pourvoi, mais encore et surtout l’arrêt de condamnation qui a été prononcé injustement par la Cour d’appel de Dakar et par le tribunal correctionnel. Sur la procédure de rabat d’arrêt, on verra si on arrivera à le faire libérer le plus rapidement possible. Mais ce qui est important, c’est qu’il n’y a pas d’interdiction sur la candidature et sur les droits civiques de M. Khalifa Ababacar Sall.’’

ME OUSSEYNOU GAYE, AVOCAT MAIRIE

‘’La composition irrégulière est un motif de rabat’’

‘’Mes premières impressions, ce sont celles de l’avocat dépité, dégoûté par une décision judiciaire et qui démontre maintenant nettement que le droit n’a pas été dit. C’est une décision tellement factuelle qu’on s’en rend compte. En tout état de cause, la cour a eu énormément de problèmes pour motiver sur les moyens que nous avons soulevés et tirés essentiellement sur la contradiction de motifs, les dispositions liées à la violation du Code des collectivités locales et le décret sur la comptabilité publique. La Cour suprême a établi clairement qu’elle ne maitrise aucune de ces règles.

Pour justifier du bien-fondé de la constitution de partie civile de l’Etat, elle a été obligée de reprendre pratiquement la motivation de la Cour d’appel. Pour elle, l’Etat distribue les ristournes aux collectivités locales, il participe à leur budget. Donc, celles-ci fonctionnent avec l’argent de l’Etat. De manière très claire, pour les juges, les deniers des collectivités locales n’existent pas. Ce qui est pire, c’est qu’elle méconnaît gravement les textes, car ici, il est question de détournement de la caisse d’avance et il est clair de celle-ci est alimentée que par les impôts locaux et que n’y vont pas les ristournes. Ceux-ci sont des sommes que l’Etat collecte et distribue selon une clé de répartition, mais ce n’est pas pour sa propriété.

Des motifs pour faire un rabat d’arrêt existent. D’abord, ils se fondent sur la composition. Tout le monde a entendu que le président de la chambre, sans qu’une quelconque exception lui soit soulevée, revenir sur la composition de la cour, faisant écho de ce que la presse a écrit, car tout le monde a vu que la chambre a siégé en nombre pair, alors qu’elle devait être impaire. Personne n’a entendu que Mme Fatou Faye Lecor ne faisait pas partie de la composition. En tout état de cause, elle a siégé dans cette composition. Chaque fois qu’il y avait suspension d’audience, elle se levait comme tout le monde et elle a participé au vidé du délibéré. Donc, dire aujourd’hui qu’elle a remplacé le juge Ibrahima Sy qui a même siégé, c’est nous leurrer, car personne n’a la preuve qu’ils se sont réunis à cinq. On présume que les magistrats qui ont entendu nos observations ont rendu la décision. Il doit reconnaître la vérité. Tant qu’on y est, il n’a qu’à dire qu’il l’a délibérée lui seul.’’

ME BABOUCAR CISSE, ETAT

‘’Cette décision va écarter sa candidature, car elle est définitive’’

‘’Cette décision ne nous surprend guère. Parce que, tout simplement, les moyens qui ont été soulevés sont des moyens qui ne pouvaient pas prospérer. Cette décision est conforme à la loi. C’est la raison pour laquelle la Cour suprême a rejeté le pourvoi en cassation formulé par Khalifa Ababacar Sall et autres. Ce procès n’est pas un procès instrumentalisé. La justice n’est nullement instrumentalisée dans cette affaire-là. Ce sont des faits clairs, car des faux ont été commis, de même que des escroqueries sur des deniers publics. M. Khalifa Sall est coupable d’infractions qui sont visibles. Lui-même, il les a reconnues. Il n’a jamais discuté de sa culpabilité. Il a tout simplement tenté de justifier. Par conséquent, je ne voyais pas la Cour suprême remettre en cause la décision très pertinente qui a été rendue par la Cour d’appel.

Cette décision va écarter sa candidature. Il est hors de course. M. Khalifa Sall ne peut plus être candidat à la présidentielle. C’est la conséquence de la décision qui est intervenue. C’est une décision plus que correcte et logique. C’est une décision qui est conforme à la loi. Vous avez vu que la Cour suprême a rendu sa décision et a lu intégralement tous les moyens qui ont été soulevés, a lu intégralement les décisions qu’elle a prises tendant au rejet de chaque moyen. Je précise que c’est une quarantaine de moyens. La Cour suprême a statué sur l’ensemble. C’est une décision qui est définitive.

Le rabat n’a pas un caractère suspensif. Le rabat n’est pas un second pourvoi en cassation. Ils n’ont qu’à déposer un recours, mais cela n’enlève en rien le caractère définitif de la décision qui est rendue. Il est libre de porter le combat devant les juridictions internationales. Ce verdict ne sera jamais cassé. La Cour suprême, c’est le sommet de la pyramide judiciaire. Après la Cour suprême, c’est le bon Dieu ; il n’y a pas une autre juridiction. La Cedeao n’est pas une juridiction supranationale.’’

FATOU SY 

 

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