Publié le 10 Jun 2014 - 14:34
RELATIONS ENTRE LE CAMES, LES EPES ET LES ÉTUDIANTS

Un  jeu de poker menteur 

 

Pour les étudiants, il n’y a pas de doute, le Conseil africain et malgache pour l'enseignement supérieur (CAMES) est une garantie de la qualité. Pour les établissements, il est question d’attraction. L’organisme est une vitrine qu’il faut savoir vendre aux étudiants, avec de la publicité entièrement mensongère ou en partie, s’il le faut. Même s'ils prennent tous le chemin du pèlerinage, certains chefs d’établissements qualifient le CAMES ‘’d’arnaque’’, ‘’d’opération mercantile’’.

 

Établissement reconnu par le CAMES ! Cette assertion, les étudiants et leurs parents l’ont lue et entendue plusieurs fois. Or, il n’y a rien de plus faux que de dire que telle école ou tel institut est reconnu(e) par le CAMES. ''C’est de la publicité mensongère'' pour reprendre l’expression du directeur de l’ISMEC, Mamadou Konté. Le CAMES ne reconnaît que des filières. Autrement dit, deux étudiants peuvent être dans un même établissement, le premier suit une filière certifiée par le CAMES et le second, une autre filière qui ne l’est pas. Et cela, il n’y a pas un seul chef d’établissement qui l’ignore.

Mais, dans leur logique de recrutement tous azimuts, certains responsables n’hésitent pas à se laisser aller à de fausses affirmations ou bien cacher certaines réalités aux étudiants. Beaucoup affirment aujourd’hui, par le biais des publicités surtout, que leur école bénéficie d’une reconnaissance du CAMES. D’autres s’appuient sur la reconnaissance d’une seule filière pour étendre l’accréditation à toutes les autres.

Une fausse information qui vise à tromper les étudiants, lesquels demandent, de plus en plus, par ignorance eux aussi, si l’établissement dispose de ce label. ''Par le passé, la Direction de l’enseignement supérieur et la Direction générale de l’enseignement ont fait des rappels publics aux intéressés que le CAMES n’accréditait que des filières et non des établissements. Donc on veille, et à chaque fois qu’on voit des annonces, notamment dans la presse, qui parlent d’établissements reconnus par le CAMES, il y a des rappels qui sont faits par la Direction de l’enseignement privé à ces établissements-là pour leur dire qu’ils ne peuvent pas se prévaloir du titre d’établissement accrédité par le CAMES'', précise Olivier Sagna.

L’année dernière, il n’y avait que 11 filières reconnues par le CAMES. Cette année, elles sont 59 réparties dans 25 établissements, sur l’ensemble des filières proposées sur le marché ; et il est prévu 70 environ pour l’année prochaine. D’autres écoles s’appuient également sur des certifications internationales. Mais tous ne sont pas forcément synonymes de qualité. Ils y a certains organismes qui s’intéressent plus aux locaux, à la gestion financière, etc. qu’à la pédagogie ou le contenu du diplôme.

Doute et accusations envers le CAMES

C’est pourquoi, d’ailleurs, certains chefs d’établissement et pas seulement au Sénégal doutent sérieusement de la pertinence du CAMES dans l’enseignement supérieur privé.

Poussant le scepticisme plus loin, le directeur de l’ISMEC Mamadou Konté y voit un business. En fait, le CAMES était destiné uniquement aux institutions publiques d’enseignement supérieur. Les États ne cotisant pas régulièrement, il s’est ouvert depuis quelque temps au privé. Cependant, des acteurs pensent qu’il y a une véritable manne financière derrière, car l’accréditation d’une filière vaut cinq (5) millions environ.

 ''Nous considérons que c’est de l’arnaque. Avec la crise qui a secoué beaucoup de secteurs, le CAMES a décidé d’aller vers le privé pour leur dire que vous pouvez être sous ma tutelle. Les gens ont commencé à courir''. 

Plus loin, M. Konté affirmera que le CAMES n’a pas l’expertise pour évaluer les nouvelles filières, parce que n’ayant pas les ressources humaines nécessaires. ''Les académiciens du CAMES ne peuvent pas contrôler certaines filières. Ceux qui sont partis m’ont confirmé qu’après avoir déposé leurs filières, le CAMES leur a demandé d'envoyer leurs experts''. Autrement dit, ce sont les spécialistes venus des écoles privées qui font eux-mêmes l’expertise des filières envoyées par ces mêmes écoles. Même s'il faut préciser à ce niveau que des écoles sénégalaises peuvent être contrôlées par des Gabonais, des Ivoiriens… et non des Sénégalais.

Dans tous les cas, M. Konté, lui, s’est fait une religion : ''derrière cette affaire, il y a une opération mercantile, une opération de gagne-pain''. Son collègue de l’Institut Supérieur des Sciences de la Santé (Sup de santé)  est plus dur. ''Je ne crois pas au CAMES, c'est de la tricherie'', soutient Amadou Fall, selon qui,  le CAMES s’est ouvert aux établissements privés, pour renflouer ses caisses

''L’accréditation a un coût''

Le Pr Olivier Sagna, n’est pas de ceux qui y voient une opération mercantile. Car il trouve bien une justification aux sommes destinées à l’accréditation. ''Il faut payer les billets d’avion, les frais de séjour et les payer pour le travail qu’ils font. L’accréditation a donc un coût. C’est dans tous les systèmes, même les certifications ISO ne sont pas gratuites'', argumente-t-il.

Cependant, il n’en confirme pas moins les difficultés techniques de l’institution. ''Avec l’arrivée de nouvelles formations, le CAMES s’est retrouvé devant un certains nombre d’obstacles. Ça été le cas notamment avec les écoles d’ingénierie. Ce sont des gens avec d’autres profils''. De ce fait, poursuit-il, ce que le CAMES est amené à faire, c’est de demander que les établissements recommandent des gens qui vont être capables d’évaluer telle ou telle filière. Mais il peut aussi, d’une certaine façon, s’appuyer sur ses propres experts. 

 

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