Publié le 29 Aug 2018 - 20:23
REMUNERATION DES AGENTS DE LA FONCTION PUBLIQUE

L’école appelle à la correction des disparités

 

Le système de rémunération des agents de la Fonction publique a été au cœur des débats, hier, à Thiès. Les acteurs de l’école réclament équité, impartialité et rationalité dans le traitement des concernés.  

 

Pendant quatre heures, organisations de la société civile, inspecteurs de l’éducation à la retraite, enseignants, syndicalistes… ont débattu, hier, sur le mode de rémunération en cours dans la Fonction publique. Une initiative de la Coalition des organisations en synergie pour la défense de l’éducation publique (Cosydep) qui vise à rendre beaucoup plus rationnel et équitable le traitement des agents de l’Etat. Très souvent, le système de rémunération de la Fonction publique ne profite pas à tous. Dans le secteur de l’éducation, par exemple, les enseignants qui, pour la plupart, sont de la même hiérarchie que les autres agents de l’État, obtiennent un traitement salarial bien en deçà de leur statut. Un état de fait fortement décrié. D’où la volonté de la Cosydep de rendre impartial et rationnel le traitement des agents de l’Etat.

C’est ainsi que ladite organisation a réuni, à Thiès, les acteurs du secteur autour du thème : ‘’Système de rémunération de la Fonction publique : quelles solutions gagnantes, équitables et durables’’, pour débattre de cette question ‘’cruciale’’. D’après le coordonnateur de l’antenne Cosydep de la région de Thiès, des solutions pérennes doivent être trouvées pour mettre un terme à toutes les formes de disparités engendrées par le traitement inéquitable des agents de la Fonction publique. ‘’Il est urgent que des solutions urgentes puissent être trouvées. Le système de rémunération de la Fonction publique, tel qu’il est pratiqué, est une menace pour la stabilité sociale’’, prévient Abdou Kane Mbodj.

Pour preuve, chaque année scolaire, l’alignement du régime indemnitaire tant réclamé par les enseignants reste le principal point d’achoppement. La Cosydep veut que celle à venir soit sans ‘’couacs’’. Selon son coordonnateur national, le système de rémunération de la Fonction publique doit être revu et corrigé à temps, en vue de pacifier davantage l’espace scolaire. ‘’Nous sommes dans une année électorale. Nous avons connu des crises profondes et répétitives. Donc, nous ne devons pas attendre les positions de pourrissement pour agir. J’invite les enseignants à prendre leurs dispositions pour sécuriser l’année scolaire 2018-2019. Sinon, nous aurons une année scolaire fortement perturbée’’, avertit Cheikh Mbow, le coordonnateur national de la Cosydep.

De son côté, l’expert en ressources humaines, Ibrahima Dally Diouf, indique que pour sortir de la crise scolaire et universitaire, l’État doit traiter de façon ‘’équitable’’ tous les travailleurs de la Fonction publique sénégalaise. ‘’Au Sénégal, on ne sait pas si on rémunère le profil, le travail ou l’effort fourni par le travailleur de la Fonction publique ou son temps de présence… Au Burkina Faso, le président (Marc Roch Christian Kaboré, Ndlr) a sorti un décret pour revoir à la hausse (80 %) les salaires des fonctionnaires (29 500 F Cfa de plus). Il a décidé de réduire le train de vie de l’État (missions diplomatiques et consulaires) pour prendre en charge tous les fonctionnaires. Donc, si toutes les prévisions budgétaires sont bien faites, le Sénégal ne peut pas connaître des difficultés dans le paiement des agents de la Fonction publique’’, a constaté M. Diouf, enseignant-chercheur à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad).

La même thèse est soutenue par la représentante de l’inspecteur d’académie de Thiès. Ndèye Nar Bèye a fait savoir que le système de rémunération de la Fonction publique a fini de montrer ses limites. Pour corriger ces dysfonctionnements, la collaboratrice de Papa Baba Diassé pense que le Sénégal doit mettre en place un système de rémunération ‘’juste, équitable, mais surtout réaliste et réalisable’’, afin de susciter chez l’agent plus d’engagement. Aussi, affirme-t-elle, la pacification de l’espace scolaire et social doit obéir à un système de rémunération plus ‘’efficace et profitable à tous les agents de la Fonction publique sénégalaise’’.

Tout remettre à plat

Le déséquilibre du traitement salarial des agents de la Fonction publique ne date pas d’aujourd’hui. En septembre 2004, lors d’un séminaire à la Somone, le président de la République d’alors, Abdoulaye Wade, a sorti un décret pour octroyer des indemnités à une certaine catégorie de fonctionnaires de l’État. Ministres, députés, magistrats, gouverneurs, préfets, directeurs généraux… ont bénéficié de tous ces privilèges. Mais pas les enseignants à qui on disait qu’ils étaient ‘’trop nombreux’’. ‘’Depuis lors, un simple secrétaire municipal qui ne peut même pas conjuguer un verbe du second groupe au passé composé, touche 150 000 F Cfa d’indemnités. Pendant ce temps, on a refusé à un enseignant qui a un Bac+6, une indemnité de plus de 60 000 F Cfa. Voilà ce qui a suscité une situation instable au Sénégal. Maintenant, il est temps de réparer ce déséquilibre injuste’’, a recommandé l’écrivain Mody Niang.

Pour sa part, le secrétaire général du Syndicat autonome des enseignants du moyen secondaire du Sénégal (Saems) trouve que les enseignants ne sont pas bien pris en compte dans le système de rémunération de la Fonction publique, même s’ils consomment 12 % de la masse salariale. Saourou Sène soutient que pas moins de 80 % de la masse salariale est consommée par moins de 30% des agents de la Fonction publique sénégalaise. ‘’Il y a des agents qui ont 1 million d’indemnités de logement. Il y en a qui ont 700 000, 200 000, 275 000 F Cfa… et tous sont de la hiérarchie A. Si on aligne les enseignants, on va les aligner sur quel rang ? Nous ne parlons pas d’alignement.

Nous demandons tout simplement la mise à plat de tout le système de rémunération afin qu’on regarde le niveau diplômant de chacun. Et sur la base de cela, les indemnités leur seront accordées. Certains magistrats ont une indemnité de 800 000 F Cfa. Et les enseignants dans tout ça ?’’, s’est interrogé le syndicaliste. A yeux du Sg du Saemss, ces chiffres sont assez révélateurs de l’iniquité et de l’injustice qu’il y a dans ce système de rémunération. ‘’Le cabinet Mgp Afrique a déjà fait l’étude sur le système. Le rapport a été partagé. Mieux, le chef de l’État nous a indiqué avoir déjà commandité une étude à l’Inspection générale d’État (Ige) sur le même système de rémunération. Je pense que ce dernier va enfin pouvoir récompenser le mérite et la compétence’’, a lancé Saourou Sène.

La thèse de celui-ci est corroborée par son camarade, patron du Cadre unitaire des enseignants du moyen et du secondaire. Pour Abdoulaye Ndoye, il faut également mettre à plat ‘’tous les salaires’’ des agents de la Fonction publique et repartir de zéro pour sortir le Sénégal ‘’de cette obscurité salariale dans laquelle il se trouve’’. ‘’Tous les agents de la Fonction publique doivent être traités avec impartialité et équité. Une indemnité de 500 000 F Cfa a été octroyée aux épouses des ambassadeurs. Des personnes qui ne travaillent pas. Si ces dernières travaillaient, on aurait compris. Ce n’est pas du tout juste’’, a fulminé Abdoulaye Ndoye. Quant à Abdou Faty du Sels, il préconise une politique de traitement salarial profitable à tous et invite ses collègues syndicalistes et enseignants ‘’à fédérer les synergies pour pousser ces autorités peu crédibles à agir au plus vite’’.

GAUSTIN DIATTA (THIES)

 

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