Publié le 1 Sep 2016 - 05:13
REPORTAGE

Le Pavillon A, témoin nostalgique de cette dégénérescence

 

Emblématique pavillon A ! Qui n’est pas passé par là ? Qui n’en a pas entendu parler ? La simple évocation de cette mythique résidence estudiantine suffit à réveiller de nombreux souvenirs chez nombre d’intellectuels sénégalais et africains qui y ont logé. Des souvenirs que l’ancien Président Abdou Diouf évoque dans ses mémoires ; de même que le sociologue Souleymane Gomis, dans une de ses publications.

 

Situé à quelques mètres de l’entrée du campus universitaire, le pavillon A, de par ses occupants, est ce qu’il convient d’appeler le  Sénégal en miniature.  Pas une seule localité du pays qui n’a pas son ambassadeur (étudiant) dans cet imposant  bâtiment à l’architecture coloniale. Classé au patrimoine mondial de l’Unesco (Organisation des Nations unies pour l’Education, la Science et la Culture),  le pavillon A est l’un des symboles les plus expressifs de l’égalité des chances pour l’école de la République. Un bâtiment plus vieux que l’histoire. ‘’Le Pavillon A est la mère de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, parce que c’est de là que tout est parti. C’est dans ce pavillon que les premiers étudiants logeaient, prenaient leurs cours et se restauraient’’, souligne le chef du département de la gestion des cités universitaires et de la vie estudiantine de l’Ucad, Khalifa Babacar Diagne.

Ce pavillon mythique souffre aujourd’hui de nombreux maux qui ont pour noms : surnombre dans les chambres (4 à 12 étudiants par chambre), pollution sonore, état piteux des toilettes, vols, incivisme des étudiants, mauvaise qualité de la restauration etc. Tous ces maux, soutient-on, ont pour seule cause : la massification des effectifs à l’université Cheikh Anta Diop. Sous un ciel nuageux, la circulation s’intensifie au rond-point situé devant l’entrée principale du campus. Déjà de loin, l’on peut entendre le vacarme provoqué par le flux d’étudiants arpentant les escaliers, par dizaines, pour rejoindre leurs chambres ou des amis. Dans le hall du pavillon, le regard du visiteur est attiré par cet atelier improvisé d’un étudiant qui y répare des ordinateurs et téléphones portables avec un système de branchement électrique clandestin.

 ‘’Tout est surexploité au pavillon A’’: l’électricité, l’eau. C’est un lieu où les étudiants font du business de façon clandestine’’, déplore M. Diagne qui indique que la gestion de ce pavillon est tout sauf une sinécure. ‘’C’est un pavillon où on a aussi le plus de difficultés. Au niveau des toilettes, on a des problèmes d’entretien, parce que tous ceux qui transitent par là-bas utilisent les toilettes, surtout au rez-de-chaussée. Si on nettoie à 8 heures, vous revenez à 11 heures, vous aurez l’impression que ces toilettes sont restées des jours sans être nettoyées.’’

Dahira d’étudiants au  campus : plus de 20 sous-associations par confrérie

L’autre problème et non le moindre du campus social et du pavillon A en particulier, c’est son utilisation pour les activités religieuses. Mais, ce responsable du Coud précise que ce phénomène est ‘’la résultante du comportement de la société sénégalaise. Les étudiants viennent avec leurs modes de vie, en étant déjà socialisés dans leurs localités respectives. Et ça, ils le commencent depuis le lycée. Beaucoup de Sénégalais pensent que c’est à l’université que ce phénomène prend naissance.

La différence entre l’université et le lycée, c’est qu’à l’université, contrairement au lycée, on a des résidences où les étudiants peuvent se rencontrer. Parfois, pour une seule confrérie, vous pouvez vous retrouver avec plus de 20 sous-organisations religieuses. Chacun cherche son petit espace’’, fait remarquer Khalifa Babacar Diagne. Avant de souligner que l’affirmation des identités religieuses au campus est une question très sensible, mais que le Coud gère avec beaucoup de tact. ‘’S’il n’y avait pas de discussions, un encadrement de ces associations religieuses, la question serait aujourd’hui pire. Les gens ne peuvent pas le savoir, mais il y a des tentatives de limitation, d’encadrement », avoue le responsable du service social.

Massification

Avec ses 4 paliers et ses couloirs labyrinthiques, le pavillon A est le pavillon qui a la plus grande capacité d’accueil d’étudiants du campus : 885 lits pour 456 chambres.  Aujourd’hui, entre  15  000 et 20 000 étudiants y passent la nuit. Ce qui fait que le bâtiment reçoit un nombre qui excède, de loin, sa capacité d’accueil. Résultat : les couloirs de ce pavillon sont encore occupés, en dépit de la décision du Coud de mettre fin à cette pratique. ‘’Le Sénégal est un mauvais élève en matière de logement des étudiants. ‘’En principe, les critères de choix pour les logements devraient être réservés en primo aux premiers entrants (étudiants de la Licence). Mais ici, on loge même au-delà de la Licence’’, regrette Khalifa Babacar Diagne. Et de rappeler aux étudiants que ‘’la vocation d’un centre des œuvres universitaires n’est pas de loger tout le monde. Plutôt les excellents, les personnes en situation difficiles (malades) et les personnes à mobilité réduite (handicapés).

MAMADOU YAYA BALDE

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