Publié le 4 Aug 2015 - 20:22
RESULTATS CATASTROPHIQUES DU BAC 2015

 L’exception des handicapés visuels

 

Le taux de réussite du baccalauréat 2015 n’est pas fameux. Pris individuellement, la Maison d’éducation Mariama Ba de Gorée et le Prytanée militaire de Saint-Louis ont fait de bons résultats. Pourtant, les handicapés visuels de l’Institut national d’éducation et de formation des jeunes aveugles (Inefja) de Thiès ont pu tirer leur épingle du jeu avec un taux de réussite de 81,81%. Et ce malgré les difficiles conditions de leur examen.

 

En cette matinée du jeudi 20 juillet 2015, les élèves aveugles plongent dans les épreuves de français et d’espagnol du second tour du baccalauréat. L’examen se déroule à la grande salle de réunion n° 2 de l’office du baccalauréat située au deuxième étage de l’institution. Ils sont assis sur des chaises plastiques installées devant une table rectangulaire. Abdou Rahim Diallo lit avec l’index de sa main droite l’épreuve de texte suivi de questions transcrit en braille (écriture des personnes aveugles) sur deux papiers rose A4 bristol agrafés. Aminata Dieng, habillée en tenue traditionnelle et voilée  perfore  sa feuille d’examen intercalée et bien fixée dans une grille noire de 25 lignes comportant des carreaux de 6 points, sous le regard attentif de Madame Mbengue, coordonnatrice de l’examen du baccalauréat des élèves non-voyants.

Ils écrivent de la droite vers la gauche, comme en langue arabe, à l’aide d’un pinçon. Mais la lecture se fait en sens inverse. Le calme  qui règne dans cette salle est déchiré par moments par les va-et-vient et les salutations entre travailleurs du service dans le couloir exigu qui mène à la direction. La surveillante, adossée sur une chaise bleue placée à l’entrée de la salle, indique aux  potaches au fur et à mesure le reste du temps qui leur est imparti. Contrairement aux autres centres d’examen où les candidats ont composé de  8 heures à 10 heures, l’épreuve de la langue de Molière est achevée à 11 heures 20 minues chez les élèves non-voyants. Ils ont bénéficié du tiers de la durée accordée à leurs condisciples visuels. Cet avantage découle d’une convention internationale sur l’éducation, selon Ben Thioune, enseignant en mathématique spécialisé en braille.

L’examen a débuté  à  9h, soit une heure après le démarrage normal en raison de la transcription du sujet en écriture braille. A la fin de la composition, les papiers bristol orthographiés en braille sont envoyés à la salle n°3 par Madame Mbengue, pour la reproduction en noir ou écriture visuelle. Sur place, Monsieur Ndiaye et ses quatre collègues transcrivent les copies de braille sur des feuilles d’examen normales identiques à celles des autres candidats. Ces transcripteurs sont des enseignants spécialisés dans l’enseignement du braille affectés par le ministère de l’Education nationale à l’institut national d’éducation et de formation des jeunes aveugles (Inefja), et au lycée Jules Sagna de Thiès, pour l’encadrement des déficients visuels. Concernant la fidélité dans la transcription,  M. Ndiaye précise qu’ils veillent à leur  honnêteté et leur carrière professionnelle. "Nous réécrivons exactement l’intention des candidats avec les fautes et ratures, car nous sommes des fonctionnaires avant tout et il peut y avoir une contre-transcription et nous pouvons être sanctionnés en cas de faute", précise-t-il.

‘’3 filles et 8 garçons’’

Le baccalauréat des candidats non-voyants est organisé à l’office du baccalauréat dans le souci d’une bonne prise en charge de leur handicap et de transparence de l’examen, selon Madame Khady Konaté, Directrice des études de l’Inefja.  C’est pourquoi ils entrent en salle avant le début de chaque épreuve comme les autres  candidats  même s’ils commencent la composition après la transcription, pour éviter toute tentative de fraude ou de fuite. Par conséquent, ils ne sont nullement privilégiés par rapport aux candidats visuels. "Ils peuvent bénéficier néanmoins des questions de réadaptations proposées par l’inspecteur général de l’éducation  pour l’épreuve de géométrie.

On leur demande de donner les caractéristiques des figures à la place du dessin", tempère Monsieur Ndiaye. "Après la transcription de l’écriture braille en noir, les copies sont envoyées par enveloppe sous pli fermé aux présidents de jurys respectifs des candidats. Elles sont corrigées dans les mêmes conditions que celles des autres élèves et le correcteur ne pourra pas distinguer la feuille du candidat aveugle des autres", précise Madame Konaté. Les pensionnaires de l’Inefja de Thiès ont déploré le démarrage tardif de certaines épreuves. Ceci les plonge dans un stress insupportable. "Au premier tour, nous avons commencé l’histoire-géographie  à 18 h pour finir à 23h 20  et nous étions obligées d’être en salle 8 heures le lendemain", Lance Seydina Oumar Mbaye. Ces candidats non voyants sont répartis dans des jurys du département de Dakar, lycée Ngalandou Diouf, John Fitzgerald Kennedy, Maurice Delafosse et Cem Ahmadou Traoré.  

Sur un total de 11 prétendants au baccalauréat dont 3 filles et 8 garçons, les  cinq  ont réussi dès le premier tour ; une fille et 3 garçons  ont décroché leur sésame au second tour et deux ont été  ajournés dès le premier tour. Les handicapés visuels ont un taux de réussite de 81,81%. Des résultats satisfaisants comparés aux statistiques nationales des candidats visuels. Soda Marième Mbaye est la première élève de l’Inefja titulaire du baccalauréat en série scientifique S2. Ces performances montrent que  ces  élèves aveugles ne sont pas handicapés par leur handicap.

OUMAR BAYO BA (stagiaire)   

 

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